La sexualité (sexualité sacrée)
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/05/2014
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La Sexualité
Il y a mille aspects qui trahissent ce joug du vivant sur les individus, mille instincts, mille passions. L'un d'eux, le plus aigu dans son intensité, le plus féroce dans son emprise sur les êtres, c'est leur sexualité.
Avec la sexualité, chez l'homme, il y a toujours la tentation de prétexter l'amour, de clamer son libre-arbitre et d'assurer que tout est voulu, contrôlé, compris et maîtrisé. Les sentiments en sont le premier garant. La joie véritable et partagée, les liens qui se créent entre deux êtres qui se surprennent à parler de toujours et de jamais, à promettre, s'engager, s'enflammer, à prendre conscience de leur existence et de leur rôle sur terre, pour l'autre, pour elle, pour lui, baignés de cet éclat resplendissant, renaissant avec ce jour nouveau qui illumine les cieux lorsque tout est noir et gris pour les autres, cette grâce divine, cette harmonie du monde, cette symphonie des sens et des pensées, qui font du silence une mélodie d'or et de lumière, de la nuit un repère sacré et secret, du jour la gloire et la vérité, tout cela n'a sans aucun doute aucun rapport avec ce bas instinct animal de reproduction, qui pousse les chiens à se dévorer pour s'offrir les faveurs d'une femelle en chaleur. Il y a là, dans tous ces trésors, dans toutes ces merveilles que rien sur terre ne surpasse en intensité et en qualité, une spécificité propre à l'homme, une jouissance qui étreint son intelligence autant que son corps, quelque chose que seul l'être à l'image de Dieu peut éprouver. Barjavel n'a pas d'images assez fortes pour célébrer cette joie de l'amour.
Mais s'il est bien difficile de l'admettre et de le reconnaître, il ne fait aucun doute que ce sont bien là les illustrations admirablement maquillées d'une contrainte, aussi merveilleuse, aussi délectable soit-elle. Elle inspire les hommes dans leur génie ou leur folie, elle est le cœur de la littérature et des arts, mais elle est, avant tout, la survie de l'espèce, la préparation du futur où les pâmés d'aujourd'hui seront morts et oubliés. Au sujet de ces magnificences du sentiment amoureux, Barjavel avertit :
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Mais Barjavel est un auteur qui sait jouer du romantisme de ses romans, et qui veut croire en un Amour qui ne se réduit pas à un ordre commandé qu'exécutent des légions de naïfs reproducteurs faisant de leurs ébats le salut et l'honneur de l'identité humaine. L'homme doit prendre conscience de son état, et le dominer pour en profiter, sans jamais s'essayer à le combattre dans une vaine lutte sans signification ni aucune chance de succès. Sur ce point précis, et le seul de l'essai, sa thématique est aboutie et n'évoluera plus dans les autres romans. Tout juste s'illustrera-t-elle avec une clarté accrue, à son apogée dans le Prince blessé, ou avec plus de subtilité, comme dans la Nuit des temps avec l'abnégation de Simon. C'est cette précocité de la maturité de ce thème qui fait que l'amour parcourt l'œuvre de l'auteur, depuis l'amour salutaire de Hono et Irène dans Le Diable l'emporte jusqu'à celui de Judith et Olof, ce couple qui se trouve à la fin du dernier roman de l'auteur, la Tempête. Sur l'attitude à adopter face à l'adversité de l'existence, il sera dans la première partie de sa carrière beaucoup plus indécis, proposant des solutions qui frôlent parfois le dérapage. Ici, pour autant, l'auteur ne s'appesantit pas sur cette eule bouée qui fait surface dans un océan de questions sans réponse. Il souligne, rapidement, que l'Amour est un acte délibéré de l'intelligence, qu'il demande avant tout de la tolérance et l'effort bien difficile de se débarrasser de tout égoïsme. Il est facile de faire la différence entre cet élan de l'âme et du cœur, qui n'a pour but que de satisfaire l'être aimé, des artifices dont l'espèce use pour parvenir à ses fins. Il suffit de laisser agir le temps. Et de s'observer dans la jalousie, l'égoïsme, l'intolérance. Car si ce que l'on croit de l'amour n'est qu'une contrainte imprimée par l'espèce, elle a, lorsque le mécanisme s'enraye, ses aspects sombres, ceux-là qui semblaient impossibles et étrangers aux amoureux déclarés.
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