Le sophisme de l'homme de paille
- Par Thierry LEDRU
- Le 23/07/2019
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"Ils ont plus peur de moi que du vrai problème."
La jeune fille est la cible de nombreuses critiques à la veille de son intervention devant l'Assemblée nationale. Ainsi le député Julien Aubert, sans appeler au boycott, a fait savoir qu'il n'assisterait pas au dicours de Greta Thunberg. "Ne comptez pas sur moi pour applaudir une prophétesse en culottes courtes, « Prix Nobel de la peur »", écrit-il en ajoutant : "La planète, oui. Le greenbusiness, non."
Interrogée sur ces accusations de manipulation d'un "capitalisme vert", Greta Thunberg l'idée "drôle" avant de poursuivre qu'elle n'a "jamais rencontré de militants écologistes qui l'étaient pour l'argent. L'idée est absurde et me fait beaucoup rire. Non il n'y a bien évidemment personne derrière ce que je dis."
Je ne vais pas m'attarder sur les propos affligeants et pour certains injurieux de certains parlementaires à l'égard de l'intervention de Greta Thunberg à l'Assemblée.
Je me demande juste comment il est possible qu'ils occupent des postes aussi importants pour la communauté entière.
Je rappelle juste que leurs propos font partie du procédé appelé "le sophisme de l'épouvantail" ou "l'homme de paille".
Wikipedia
L’épouvantail, parfois appelé « argument de l'homme de paille » par traduction littérale de l'expression anglaise « straw man », est un sophisme qui consiste à présenter la position de son adversaire de façon volontairement erronée. Créer un argument épouvantail consiste à formuler un argument facilement réfutable puis à l'attribuer à son opposant.
L'expression est une image tirée de la technique d'entraînement au combat contre un mannequin de paille à l'image de l'adversaire. Se battre contre la représentation affaiblie de l'adversaire assure une victoire facile.
Arthur Schopenhauer appelle ce sophisme le stratagème de l'extension : « il s’agit de reprendre la thèse adverse en l’élargissant hors de ses limites naturelles, en lui donnant un sens aussi général et large que possible et l’exagérer, tout en maintenant les limites de ses propres positions aussi restreintes que possible »1.
Normand Baillargeon explique que « si on ne peut vaincre un raisonnement donné, il peut être possible de sortir victorieux d'un débat avec une version affaiblie de ce même raisonnement. Cela sera d'autant plus facile si nous créons nous-mêmes la version affaiblie en la façonnant de manière à garantir qu'elle sera démolie »2. Il classe ce procédé parmi les paralogismes.
Techniques permettant l’utilisation de l’argument
Il est possible de créer un argument épouvantail de différentes manières :
- Prendre une partie des arguments de son contradicteur, réfuter cette partie et prétendre que l'on a réfuté l'ensemble des arguments.
- Présenter les arguments de son opposant dans une forme faible, les réfuter et prétendre que les arguments originaux ont été réfutés. Pour atteindre ce but, on peut notamment prendre les arguments originaux et les séparer du contexte dans lequel ils ont été exposés.
- Présenter une fausse déclaration de son opposant, la réfuter et prétendre que la déclaration initiale est la position véritable de son opposant.
- Présenter quelqu'un qui défend maladroitement une position, réfuter ses arguments et prétendre que tous les arguments en faveur de cette position sont réfutés.
- Inventer un personnage de fiction avec des actions ou des croyances que l'on peut facilement critiquer et prétendre que cette personne est représentative du groupe que le locuteur est en train de critiquer.
On peut définir un argument épouvantail comme un argument de fausse déclaration. L'épouvantail est une technique utilisée très fréquemment dans les débats politiques ou d'une manière plus générale dans les médias.
L'intervention de Madame Masson-Delmotte est bien plus intéressante à lire que les niaiseries des hommes de paille de la politique française.
Hostilité de députés à la venue de Greta Thunberg : "Une polémique totalement futile"
"On se focalise sur une personne, Greta Thunberg, alors que c'est un mouvement très large, dans tous les pays", affirme la climatologue Valérie Masson-Delmotte, avant le débat organisé à l'Assemblée nationale avec la jeune militante écologiste suédoise, critiqué par certains députés.
"C'est une polémique totalement futile, on parle de cette personne et on ne parle pas du fond", a réagi Valérie Masson-Delmotte, climatologue et co-présidente du groupe de travail du Giec, qui intervient mardi 23 juillet aux côtés de la jeune militante écologiste Greta Thunberg à l'Assemblée nationale. La venue de la jeune Suédoise est critiquée par certains députés Les Républicains et Rassemblement national, qui ont annoncé qu’ils n’assisteront pas à son discours.
franceinfo : Quel est le but de cette journée à l’Assemblée nationale ?
Valérie Masson-Delmotte : Je suis invitée par des parlementaires de tous horizons politiques à échanger autour d'une table ronde, en présence de Greta Thunberg, mais aussi de plusieurs jeunes Français du Mouvement pour le climat. C'est une occasion exceptionnelle de dialoguer et d'échanger. Je représenterai le travail des scientifiques. Et il y aura aussi des membres de la jeunesse qui portent des inquiétudes par rapport à l'évolution du climat et par rapport à une forme d'inaction qui, par la poursuite des émissions de gaz à effet de serre, entraînera un changement climatique important.
Certains accusent ces jeunes, et notamment Greta Thunberg, de faire de la "com", d'être instrumentalisés. Quel est votre regard sur cette polémique ?
Je pense que cette polémique est totalement futile. On se focalise sur une personne, Greta Thunberg, alors que c'est un mouvement très large, dans tous les pays. Ensuite, on parle de cette personne et on ne parle pas du fond. Le fond c'est quoi ? Quand on émet plus de gaz à effet de serre, notre climat se réchauffe. Nous pouvons observer ces conséquences en France avec l'augmentation des vagues de chaleur, l'augmentation des sécheresses sur tout le pourtour méditerranéen, une montée du niveau des mers. Le climat va continuer à changer dans les années à venir. Il faut s'y préparer, il faut s'y adapter. Il faut anticiper pour éviter les crises.
Ensuite il faut agir sur les causes de ce problème : les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons tous des leviers d'action, mais les parlementaires et le gouvernement en ont bien davantage. Et, dans cet échange que nous aurons aujourd'hui, nous nous focaliserons sur le fond et non pas sur des polémiques que je trouve stériles.
Geta Thunberg n'incarne-t-elle pas la mauvaise conscience de nombreux dirigeants politiques ?
Vous insistez sur le côté anxiogène du message que Greta Thunberg propage. Mais de mon côté, et via les rapports du GIEC notamment, nous identifions les risques et nous tentons d'apporter des solutions. Et j'espère que le débat pourra porter sur ces solutions afin de construire un développement soutenable, protéger la biodiversité et maîtriser les risques climatiques.
Par ailleurs, je suis très reconnaissante au mouvement de la jeunesse. S’il n'y avait pas ce mouvement, je pense que je ne serais pas invitée à échanger avec plus de 170 parlementaires dans une salle de l'Assemblée nationale. S'il n'y avait pas ce mouvement, il n'y aurait pas eu de renforcement des programmes des lycées, en particulier en terminale générale, avec une partie du programme dédiée à la question du changement climatique. Ces jeunes veulent comprendre les enjeux, se les approprier, comprendre comment agir afin d'être porteurs de solutions.
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