Les explorateurs

 

Il existe des individus qui ne sont pas inscrits dans le cadre sociétal et qui, bien souvent à travers une passion, ont opté pour une autre voie.

Ce sont des explorateurs, non pas dans le sens où ils parcourent la planète à la recherche de terres inconnues, mais bien avant tout parce qu'ils explorent une vie sociale qui peut apparaître comme une terre sans hommes, un no man's land qui leur offre tout ce dont ils ont besoin, intérieurement, pour exister.

Le matérialisme n'est pas une voie qui leur convient parce qu'ils sont tournés vers une voie de développement personnel qui les libère de la pression sociale. Il n'est pas question pour eux de s'intégrer à un groupe par rapport à une reconnaissance liée à un quelconque statut social mais uniquement de rencontrer des individus d'univers variés mais vibrant sur la même longueur d'ondes...

Le monde intérieur qui les habite diffuse les vibrations. Le monde extérieur leur offre le terrain de jeu dont ils ont besoin pour s'explorer.

Ils sont dans l'effort et simultanément dans la contemplation. Ils exploitent un potentiel physique et simultanément, ils progressent dans une voie spirituelle.

Ils utilisent la technologie qui s'avère nécessaire pour l'expression de cette voie. Des skis, des vêtements adaptés, un voilier, un vélo, un canoé, un matériel technique qui répond à des besoins réels et non à des désirs consuméristes.

Tout est fait avec parcimonie, sans aucune exagération, sans que cette technologie ne devienne le miroir d'une prétention sociale. Elle n'est qu'un outil, pas un étendard. Même dans le cas des voiliers ultra performants et hors de prix d'une course comme celle du Vendée globe.

Pour ce qui est des émotions, elles ne sont pas que des émotions chocs, inévitablement créatrices de manque comme il en est dans l'accoutumance, parce que ces émotions fortes sont également vectrices d'émotions contemplatives. Il y a une alternance constante entre le défi physique et la plénitude spitiruelle.

La Nature dispense ces deux états. L'effort et la contemplation. Et l'imbrication des deux favorise l'élévation. La raison en est très simple : tous les besoins de l'individu ont été assouvis.

L'émotion choc, l'extase physique, la jouissance de ce corps affûté qui exécute des gestes parfaits, la reconnaissance sociale au coeur d'une passion partagée, des échanges et des amitiés fortes, des regards échangés, les yeux brillants qui en disent plus longs que toutes les paroles, la contemplation enfin et ce retour sur Soi, cette exploration des "terra incognita" dans la profondeur des âmes. 

 

Je lis en ce moment de multiples critiques envers les marins du Vendée globe qui heurtent parfois des cétacés. Oui, c'est un fait. Cela arrive. Ils ne s'en réjouissent pas. Parfois, même, cela brise le rêve d'une aventure pour laquelle ils ont conssacré des années. Maintenant, est-ce que ceux qui écrivent ces critiques ont un comportement dénué de tous reproches ? Est-ce que leur mode de vie est sans impact sur la planète ? Ets-ce qu'ils achètent des produits manufacturés construits en Chine et venus par cargos ? Est-ce qu'ils consomment des animaux ? Sont-ils tous végétariens ceux qui accusent les marins d'avoir blessé ou tué une baleine ? 

Il y a une profonde hypocrisie dans ces mouvements de colère. 

Je n'aime pas les grosses expéditions en Himalaya et l'impact considérablement néfaste sur la nature et même sur les populations. J'estime par contre les alpinistes qui se lancent dans ces ascensions en solitaire. Il existe même quelques exemples extrêmes d'alpinistes dont le comportement relève de l'exemplarité. Un Suédois, dont j'ai oublié le nom, parti de chez lui en vélo, il rejoint le camp de base de l'Everest par ce moyen, réussit l'ascension en solitaire et rentre en vélo chez lui. On peut difficilement faire mieux.

Et pour en revenir aux océans et à ces fameux OFNI, il faut imaginer le volume de matériaux tombés des cargos et qui flottent à la dérive. Alex Thomson en a fait les frais, un OFNI en premier et un filet de pêche ensuite.

Est-ce que ceux qui critiquent les marins du Vendée globe qui blessent les baleines mangent du poisson ? 

Je ne suis pas exemplaire quant à mon impact écologique même si je m'y efforce. Il faudrait pour commencer que j'éteigne cet ordinateur et même que je m'en débarrasse. On sait combien les "terres rares" sont un désastre écologique. 

Alors, oui, cette course qui consiste à tourner en rond le plus vite possible sur les océans est en soi totalement inutile. Encore faudrait-il se poser la question de l'utilité. Qu'est-ce qui détermine l'utilité ? La question est la même que pour la "normalité". Ces marins ne sont pas "normaux." Normaux par rapport à nous qui avons décidé que notre vie serait la plus sécurisée possible. Est-ce un choix ou est-ce un conditionnement ? Mais s'il n'y a pas de choix, y a-t-il réellement une liberté ? Suis-je libre dans mon existence normalisée ?

Si on va au-delà des premières critiques émanant d'individus "normaux", et qu'on tente de comprendre ce qui se cache réellement dans de tels propos, n'est-ce pas en premier lieu, une certaine rancoeur envers ces explorateurs qui ont choisi une voie "anormale" et y trouvent un bonheur dont nous n'avons pas idée ? 

 

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