Deux mamans ont improvisé une action contre les nouveaux rythmes scolaires à Brigueuil. Un tiers des effectifs était absent mercredi. La gendarmerie est intervenue dans l’école.
Le tract a fait mouche ! Mercredi matin, 58 élèves sur les 156 inscrits à l’école de Brigueuil étaient absents. Un bon tiers des effectifs a suivi l’appel au boycott contre les nouveaux rythmes, improvisé par deux mamans la veille au soir, à la sortie des classes. L’opération Classe vide, dans cette petite commune de Charente Limousine, a si bien marché qu’elle a fait des remous jusqu’au ministère. Et fait débarquer les gendarmes dans le bureau de la directrice pour lui demander le nom de tous les absents.
L’incident est resté secret jusqu’à ce week-end. Consignes strictes données aux enseignants de ne rien faire fuiter. Mais l’indignation a eu raison de l’omertà. Parce que cet épisode pose au moins deux questions. Qui se cache derrière cet appel à boycott ? Et comment en 2014 la gendarmerie peut débarquer dans une école et demander à une directrice de dénoncer les absents ?
Les Gilets Jaunes en filigrane
"J’ai été surpris mardi quand, à la sortie de l’école, deux mères que je n’avais jamais vues à l’école m’ont donné le tract", raconte un papa. "L’idée du boycott ne venait pas de nous", assure Benoît Savy, représentant des parents d’élèves à Brigueuil mais également maire de Montrollet. "J’ai cru comprendre que ces deux mamans, nouvellement arrivées, ont improvisé l’action dans la journée de mardi". Pourtant, le tract ne fait pas du tout improvisé. On y lit "opération classe vide ! Pour récupérer l’école que l’on aime, dites non à Belkacem". Surtout, on découvre que derrière se cache l’association des Gilets Jaunes, créée il y a un peu moins de deux ans, contre la réforme Peillon. Le site invite ses visiteurs à télécharger des tracts prêts à être utilisés.
"La réforme est adoptée. Ceux qui continuent de monter ces actions, le font avec des visées politiques", déplore le maire de Montrollet, pourtant pas du tout favorable aux nouveaux rythmes mais citoyen conscient qu’une fois la loi promulguée "elle doit être respectée". Un avis partagé par Robert Rougier, le maire de Brigueuil, pas plus convaincu non plus par la réforme. Tous deux espèrent d’ailleurs qu’à force de dialogue, ils pourront faire évoluer un peu les choses.
Descente des gendarmes
Les deux mamans, "je les connais de vue, s’excuse le maire de Brigueuil. Une vient juste de s’installer dans le bourg et l’autre d’emménager dans un village voisin. Ce ne sont pas des révolutionnaires et je regrette qu’elles aient réussi à embarquer d’autres familles dans leur sillage". "Les gens ont cru, à tort, que l’appel venait des représentants des parents d’élèves, analyse Benoît Savy, pas vraiment surpris du succès de l’opération. A Brigueuil, les parents sont toujours très réactifs quand il s’agit de défendre l’école". "Mais bon, ce n’est pas une affaire d’Etat", temporise Robert Rougier.
Presque ! Puisque la gendarmerie a fini par débarquer dans le bureau de la directrice, la sommant de livrer les noms des absents. "Ça nous rapproche d’une certaine histoire nationale", compare Benoît Savy, choqué de cette réaction disproportionnée des autorités. "La réponse dépasse le contexte local. J’ai rencontré la directrice hier, elle l’a très mal vécu".
"Ça m’interpelle que des gendarmes puissent entrer dans une école comme ça, s’étonne le maire de Brigueuil. C’est peut-être une maladresse de leur part. Je pense qu’ils auraient dû venir me voir avant. Les gendarmes à l’école, ça fait désordre". Impossible de savoir s’ils sont allés voir les parents frondeurs ensuite ou s’il s’agissait simplement de récupérer le nom des meneurs.
Cette intervention traduit un contexte national très tendu autour de cette réforme. Le nouveau gouvernement ayant fait de la réussite de cette rentrée un enjeu majeur. A Brigueuil l’enjeu maintenant, c’est que les deux réunions de rentrée prévues ce soir et demain soir, permettent de calmer les esprits pour que l’année scolaire puisse démarrer sereinement pour les enfants.