Lettre d'un "petit patron"...à la Ministre...

Bourde d'El Khomri : lettre d'un petit patron à la ministre du Travail

 

FIGAROVOX/LETTRE OUVERTE - Alors que la ministre du Travail, Myriam El Khomri, a reconnu son ignorance du nombre de renouvellements d'un CDD, le chef d'entreprise Grégoire Leclercq lui écrit une lettre ouverte où il déplore son incompétence.


Saint-Cyrien diplômé d'HEC Paris, Grégoire Leclercq est président de la FEDAE, cofondateur de l'Observatoire de l'Ubérisation et dirigeant d'entreprise.


Madame la ministre,

Vous étiez l'invitée de RMC ce jeudi 5 novembre. Et face à la question, bien simple, de Jean-Jacques Bourdin «combien de fois un contrat à durée déterminée peut-il être renouvelé?», vous avez tour à tour dit 3 ans, puis 3 fois, puis tenté d'esquiver la réponse, pour enfin admettre que vous ne la connaissiez pas! Pire, vous avouez finalement que vous ne savez pas depuis quand ni qui a changé la règle, alors que la réponse tient dans une mesure adoptée par votre gouvernement, il y a quelques mois à peine, au moment où vous passiez du portefeuille de la Politique de la Ville au portefeuille du ministère du Travail…

Certes, on sait bien qu'il n'est jamais aisé de répondre à une interview ardue et matinale d'un journaliste rompu à l'exercice. Certes, il n'est jamais possible de savoir tout sur tout. Certes, il est quasiment impossible de décrire avec précision et sans erreur l'étendue des missions, des expertises et des métiers exercés dans un ministère. Mais là...

Il s'agit d'une connaissance de base sur votre domaine de compétence! Il s'agit du sujet que le ministère, et que le ministre doit maîtriser! Il s'agit du sujet sur lequel les Français sont le plus en attente de résultats: il s'agit de leur emploi, de leur manière dont ils l'exercent, de la manière dontvotre gouvernement l'a fait évoluer. 85% des contrats signés en 2015 le seront en CDD.

Vous avez dû passer une mauvaise matinée et vous savez pourquoi. D'abord, parce que votre incompétence fait rire, fait pleurer, fait tache.

Elle fait rejaillir sur toute la classe politique une image déplorable de dilettantisme. Celle qui se bat soir et matin pour être crédible, pour acquérir de l'expérience, pour maîtriser son sujet vous a dans le nez, parce que vous venez en quelques instants de confirmer l'image du «politique incompétent qui n'est pas à sa place».

Ensuite, parce que cette contre-performance sape évidemment les efforts faits par la gauche socialiste pour sauver son image. Vos collègues du gouvernement n'ont pas du apprécier, et on les comprend fort bien, de voir que le ministre du travail de la sixième puissance économique du monde ne savait pas dire comment fonctionne un CDD. Pour forger une image de gouvernement proche des entrepreneurs et des travailleurs, vous concéderez qu'il y a mieux!

De plus, vous pensez bien que les employeurs se marrent et grincent des dents. Quelle folie: notre ministre sensée écrire pour demain les règles de notre droit social ne connait pas celle d'aujourd'hui!

Comment peut-on écrire l'avenir sans maîtriser le présent? Nous, les entrepreneurs, qui vivons sous la perpétuelle épée de Damoclès prudhommale en cas de CDD mal rédigé, mal reconduit, mal ficelé, mal justifié?

Enfin, parce que les Français vous voient désormais comme perchée, là haut, tout là haut, dans un autre monde. Celui où l'on se préoccupe si peu du petit peuple, qui en voit passer, lui, des CDD, des contrats courts, des intérims. Le petit peuple qui attend depuis mai 2012 que la courbe du chômage s'inverse ne s'attendait pas à ce que votre côte de popularité s'inverse aussi pour les avoir si maladroitement ignorés.

De fait, vous vous êtes retrouvée là par le jeu classique et ridicule des rondes de chaises musicales, des petits arrangements de parité, des soutiens de parti, et d'une bien légitime ambition. Mais vous le savez: vous n'êtes pas en zone de confort. Fonctionnaire de métier, vous avez bien été, le temps de vos études, téléprospectrice, baby-sitter, hôtesse d'accueil, vendeuse, travailleuse agricole (le tout en CDD?) mais le travail dans l'entreprise, l'embauche, la promotion, la sanction, l'augmentation des effectifs, la flexibilité… sont loin de votre quotidien. Nommée là pour un temps, et bien en peine d'assurer une réforme profonde du droit du travail attendue de tous, vous êtes piégée et humiliée par un journaliste qui connaît mieux que vous le monde de l'entreprise.

Alors, vous tentez maladroitement de masquer votre ignorance. Vous commettez l'erreur de trop: celle d'essayer de fuir, celle de louvoyer entre les questions pour échapper au couperet final. La sueur vous monte au front, vos idées s'embrouillent, et vos arguments se mélangent. Diversion sur le CDI: rattrapée par la patrouille. Tentative sur une réponse hasardeuse: plaquée au sol… Hallali final, aveu de méconnaissance, transformation de l'essai et retour aux vestiaires.

Soyez courageuse, il reste encore 18 mois…

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