Mémoire...cellulaire (4)
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/03/2015
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Ce texte a pour objectif de donner un aperçu de la sophrologie analysante mais il est inévitablement très incomplet au regard des interventions d'un professionnel. Ce n'est donc qu'une vue très succincte de tout ce qui peut être fait dans le cadre de cette thérapie
Yoann avait accompagné Paul dans la détente, une longue respiration, les yeux fermés, allongé sur un tapis moelleux, à même le sol. Il flottait dans la pièce un parfum de patchouli.
Paul regardait à l'intérieur. Les yeux inversés. Il suivait calmement le parcours de l'air dans son corps, ce fourmillement au bout de ses doigts, il le connaissait bien désormais. Comme des étincelles infimes qui grésillaient.
Son geste de calme. Il avait posé ses mains à plat sur son ventre et il accompagnait les mouvements respiratoires. Comme un ressac silencieux en lui. L'expiration comme un retour de vague dans le corps apaisé de l'Océan et l'inspiration comme un déploiement liquide à l'intérieur de son corps. Il voyait se diluer dans l'immensité toutes ses pensées récurrentes.
"Tout autour de toi se dessine un canal de lumière, une lumière douce et accueillante, elle t’enveloppe, elle t’enlace. C'est le canal du Temps, le canal des souvenirs. Laisse-toi guider par cette lumière. »
Paul connaissait maintenant cette méthode et il savait désormais se laisser emporter en toute confiance.
…
…
« Tu arrives dans un lieu de silence et de calme, un espace aussi calme que ta respiration, longue et profonde. La lumière t’enveloppe toujours et tu vois apparaître un enfant, un petit garçon, vous vous rapprochez l'un de l'autre. Tu es ce petit garçon, tu le reconnais. Sa coiffure, son visage, ses vêtements, son allure, sa démarche, son sourire. C'est peut-être une photographie qui s'inscrit sur ton écran mental mais ce petit garçon existe, cet instant existe en toi, retrouve cet enfant, donne-lui ta main, ouvre-lui tes bras. »
Silence…
« Vous pouvez vous asseoir, l’un à côté de l’autre ou face à face, comme vous le souhaitez. Prends le temps de te présenter à cet enfant, dis-lui avec tes mots que tu es l’adulte qu’il va devenir et que tu es là pour lui, aujourd’hui, que tu as souhaité le retrouver, pour l’aider à bien grandir, pour l’aider à se sentir bien, pour répondre à ses questions, pour l’accompagner dans son chemin de vie. Tu es là pour lui mais il peut aussi t’aider à mieux comprendre l’adulte que tu es devenu. Personne ne sait mieux que vous deux ce que vous portez, ce qui est en vous. Profitez pleinement de cet instant. »
Silence…
« Comment ça se passe pour toi ?
-Je suis bien, c’est chaud dans mon ventre. »
Silence…
« Demande maintenant à ce petit garçon de quoi il a besoin. En lui disant que tu le comprends, que tu es là pour lui, que tu es là pour écouter ce qu’il a à dire. Tu sais ce qu’il a vécu et tu peux répondre maintenant à ces questions. Demande-lui ce dont il a besoin. »
Silence
« Qu’est-ce qu’il te dit ?
-Il a besoin d’être aimé.
-Par qui ?
-Par son papa.
-C’est quoi pour lui d’être aimé par son papa ? Être aimé comment ?
-Il a besoin que son papa soit fier de lui et qu’il le lui dise.
-Bien, très bien. Demande à ton enfant intérieur de quoi il a encore besoin.
-Il a besoin de liberté.
-Par rapport à quoi ou qui ?
-Par rapport à sa maman. Sa maman l’étouffe, elle a toujours peur qu’il lui arrive quelque chose et il ne peut rien faire. Elle lui interdit tout et il n’a pas le droit de se plaindre.
-C’est comment cette liberté qu’il souhaite ? Comment veut-il la vivre ?
-Aller jouer dehors avec ses copains. Ou avec son père. Mais il ne s’occupe jamais de lui.
-Qu’est-ce que ça lui apporterait ?
-Il se sentirait mieux. Il aime bien jouer dehors.
-C’est comment se sentir mieux ?
-C’est le contraire de la tristesse et il est souvent triste.
-Et c’est comment pour toi cette tristesse ?
-Ne rien faire, être empli de désespoir, se sentir écrasé, avoir mal au ventre ou à la tête, avoir envie de disparaître.
-Bien. Demande-lui de quoi il a encore besoin. »
Silence…
-Il a besoin d’oser dire ce qu’il pense.
-Le dire à qui ?
-À sa mère, à ses copains et même à son père.
-Qu’est-ce qu’il voudrait dire ?
-Qu’il faut lui faire confiance et arrêter de lui faire peur tout le temps, pour tout.
…
-Bien.
-Mais il y a autre chose encore…
-Quoi d’autre, Paul ?
-Il aimerait ne jamais quitter sa maman. Parce qu’il a besoin d’elle.
-Tu as conscience que c’est contradictoire, Paul ?
-Oui, je sais mais c’est plus fort que moi.
-Pour ton enfant intérieur ou pour toi aujourd’hui ?
-C’est pareil, en fait.
-Si ton enfant intérieur n’avait pas souffert de toutes ces peurs, l’adulte que tu es ne les éprouverait pas. C’est vers cet enfant que tu dois aller. Alors, maintenant, j’aimerais que tu demandes à ton enfant intérieur de quoi il a peur ? »
Silence…
« Il a peur de mourir étouffé.
-Pourquoi est-ce qu’il pourrait mourir étouffé ?
-Il est asthmatique.
-Ses parents savent qu’il a de l’asthme ?
-Oui et sa maman a très peur pour lui.
-Comment ça se passe pour lui quand il a une crise d’asthme ?
-Il a très peur, il a beaucoup de mal à respirer, il doit rester assis dans son lit, il est très fatigué. Sa mère reste avec lui et il ne va plus à l’école. Il est malheureux aussi de ne plus pouvoir jouer avec ses copains. Et il a honte d’être trop gros. Il ne veut plus prendre de médicaments. Il veut guérir tout seul. Il veut guérir mais il veut que sa maman continue à s’occuper de lui.
-Bien. Demande encore à ce petit garçon de quoi il a peur.
-Parfois, il a peur de ne pas être normal.
-Pourquoi a-t-il cette impression ?
-Souvent, il a peur de faire comme ses copains, il a peur de se faire mal et ses copains se moquent de lui. Alors, la nuit, il pleure dans son lit et il trouve qu’il est nul. Il voudrait que les autres arrêtent de lui dire quoi faire. Il voudrait que ça soit juste des bons copains et qu’ils arrêtent de le commander.
-De quoi a-t-il peur encore ? »
Silence…
« Il a peur des disputes.
-Des disputes entre qui et qui ?
-Entre ses parents.
-Mais lui, il n’est pas disputé ?
-Non, mais il a peur de tous ces cris et il s’enferme dans sa chambre pour ne pas les entendre.
-Pourquoi est-ce qu’il en a peur ?
-Il a peur que ça se termine mal, que ses parents divorcent.
-Et de quoi a-t-il peur encore ? »
Silence…
« Rien d’autre.
-Bien, très bien. Est-ce que l’adulte que tu es aujourd’hui aimerait aider ce petit garçon ?
-Oui.
-Très bien. Alors puisque tu es d’accord, je te propose de prendre ce petit garçon dans tes bras et de le rassurer. Dis-lui les mots qu’il aurait aimé entendre, que tu aurais aimé entendre. C’est ton enfant intérieur. Tu es le seul à savoir exactement ce qu’il éprouve. Tu es la personne la plus capable de le comprendre et de l’aider. Personne ne peut le faire mieux que toi si tu le désires, si tu es prêt pour cela, prêt pour cet accompagnement. Tu peux prendre soin de ton enfant intérieur et en le comprenant davantage, tu comprendras davantage ta vie d’adulte. Prends le temps de lui dire les mots qu’il a besoin d’entendre. »
Silence…
« Comment ça se passe pour toi ?
-Je lui ai dit que je le protègerai, que je serai toujours là, que je sais ce dont il a besoin et que je peux le lui donner. Je lui ai dit que son asthme passera. Je lui ai dit que j’étais fier de lui, que je m’intéresserai toujours à ce qu’il fait et à tout ce qu’il allait vivre. Je lui ai dit qu’il ne devait pas avoir peur.
-Bien, très bien. J’aimerais maintenant que tu prennes la place de ce petit garçon et que tu observes avec ses yeux. Tu es l’enfant qui regarde l’adulte qu’il va devenir, l’adulte qui sera toujours là pour lui. Tu dois même lever les yeux pour voir cet adulte et tu peux regarder celui que tu vas devenir»
Silence…
« Comment ça se passe pour toi ?
-J’ai beaucoup d’amour en moi, c’est chaud dans mon ventre et dans mes mains. Je souris intérieurement et je remercie cet adulte d’être là pour moi.
-Prends le temps de ressentir tout cela, inscris-le en toi, en vous deux, laisse la respiration diffuser ces émotions dans tout ton corps. »
Silence.
« Avant de revenir et d’ouvrir les yeux, je t’invite à remercier ton enfant intérieur de s’être présenté à toi. Prends le temps de lui dire que maintenant tu sais qu’il existe en toi et que tu reviendras le voir régulièrement, qu’il ne sera plus jamais seul, que tu l’aimes et que tu es fier de lui. Prends le temps de lui dire tout ça. »
Silence…
« Et tranquillement, tu pourras revenir ici et maintenant, quand tu sentiras que c’est le moment… »
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