Nature et confinement (suite)
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/11/2020
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Je reprends un titre pas très ancien. L'impression de tourner en rond du coup...
Les balades en partant de la maison, il n'est pas question de les limiter à une heure et un kilomètre. On est seuls dans la nature, on ne se met pas en danger et on ne risque pas de contaminer les arbres...
Hier, on a marché quatre heures en partant de la maison. On pourrait d'ailleurs dire qu'on est allé faire des courses alimentaires vu tout ce qu'on avait dans les sacs en rentrant. C'est hallucinant la quantité de nourriture qu'on trouve dans les bois. Nourritures émotionnelles et physiques.
Je me suis souvenu de cette demande officielle lors du premier confinement. Il va être nécessaire de la ressortir.
https://reporterre.net/Il-faut-autoriser-l-acces-aux-espaces-naturels-pendant-le-confinement
« Se promener dans la nature n’a pas d’incidence sur la circulation du coronavirus », rappellent les auteurs de cette tribune. « En revanche, de nombreuses études démontrent l’effet bénéfique du contact avec la nature et de l’activité physique sur la santé. »
Billy Fernandez est accompagnateur en montagne. Solène Petitdemange est médecin généraliste.
La liste des personnes signataires de cette tribune se trouve à la fin du texte.
Monsieur le président de la République,
Le confinement instauré par le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 limite l’exercice de l’activité physique et de la promenade à une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile (et cent mètres de dénivelé par arrêté préfectoral en Haute-Savoie). Certains préfets, comme celui de l’Isère, ont également pris des arrêtés interdisant la pratique des activités de plein air et de montagne – dont la randonnée – sur l’ensemble du territoire départemental. Alors que nous manquons de moyens, cette réglementation semble être appliquée avec sévérité en espace naturel et mobilise des moyens parfois très importants (hélicoptères, drones, quads, motocross, etc.), y compris à l’encontre de simples promeneurs, respectant les gestes barrières de mise à distance. La presse locale et nationale s’en fait d’ailleurs régulièrement l’écho.
L’heure n’est pas à pratiquer des sports de nature ou de montagne à risque, au vu de la très forte tension, voire la saturation, dans certains établissements hospitaliers. Mais comment comprendre que l’on verbalise de simples promeneurs respectant les règles ?
Il serait pourtant logique de pouvoir se disperser dans les espaces de nature
En cette période de confinement, il serait pourtant logique de pouvoir se disperser dans les espaces de nature plutôt que de se concentrer dans les lieux à forte densité, dès lors que les activités pratiquées ne sont pas plus risquées que le jardinage ou autres pratiques domestiques, et de manière qu’elles n’induisent pas de surfréquentations dommageables pour la faune, la flore et les milieux. En effet, pratiquées de façon responsable et en respectant une distance minimale qui pourrait être portée à deux mètres, ces activités (promenade, randonnée, trail, photographie, yoga, etc.) n’ont pas d’incidence sur la circulation du virus, ni sur l’accidentologie.
Il est en outre scientifiquement établi que ces activités contribuent à maintenir les individus en bonne santé, sur le plan psychologique mais aussi immunitaire. Ainsi, de nombreuses études médicales démontrent l’effet bénéfique du contact avec la nature sur le stress, l’anxiété, ou encore la dépression. Il est aussi démontré que ce bénéfice se répercute sur le système immunitaire et sur les comportements addictifs (liés à la dépendance envers l’alcool, le tabac, les anxiolytiques, les psychotropes) et probablement même sur les violences familiales. C’est également un outil de justice sociale : l’accès à la nature est d’autant plus important quand on est confiné dans un environnement de béton, dans un logement exigu, sans jardin, et parfois toxique.
En l’absence de vaccin et de traitement, notre système immunitaire apparaît, outre les gestes barrières et de distanciation sociale, comme la meilleure arme pour lutter contre le virus. Il convient donc de le protéger.
Par ailleurs, en favorisant la motivation à « bouger » dans un environnement naturel agréable (beauté, silence, odeurs), ces activités permettraient de lutter contre la morbidité liée à la sédentarité (maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, insuffisance veineuse, douleurs articulaires, mal de dos, etc.), inhérente au confinement. Du reste, en Allemagne, où l’épidémie de Covid-19 est moins sévère qu’en France, la pratique des sports et activités de plein air a été encouragée, dès sa première allocution, par la chancelière Angela Merkel, suivie depuis par les dirigeants des Länder. Les autorités appellent la population à être raisonnable et à privilégier les balades ou sorties en vélo de proximité, sans limitation kilométrique, ni attestation de déplacement. Il est ainsi autorisé d’aller à la plage lorsqu’on habite un Land côtier. Même la pratique générale des sports de montagne n’est pas interdite, seulement déconseillée. Des approches similaires existent en Suisse et en Belgique, notamment.
Le Covid-19 est à l’origine d’une épidémie qui compte déjà plus de 170.000 morts dans le monde et plus de 20.000 en France, et en provoquera certainement beaucoup plus. Le confinement risquant de durer encore de longues semaines, il ne faudrait pas que s’y ajoutent d’autres sources de mortalité parmi celles évoquées plus haut, qui tuent déjà en temps normal des milliers de personnes chaque année (41.000 pour l’alcool, 75.000 pour le tabac, 21.000 pour la sédentarité...)
Ainsi, nous vous demandons, Monsieur le président de la République, dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 et contre les autres causes de mortalité et morbidité associées au confinement, de modifier le décret et d’autoriser l’accès aux espaces naturels, à condition de respecter strictement des règles de distanciation sociale éventuellement renforcées, et exclusivement pour les activités qui ne présentent objectivement pas plus de risque que des activités domestiques ou de jardinage. Nous laissons le soin aux autorités de définir ce cadre.
- Liste des signataire.s. de la tribune
Christophe André - Psychiatre, psychothérapeute
Alexia Barrier : Navigatrice, Skipper du Vendée Globe 2020, Fondatrice de 4myplanet
Delphine Batho - Députée, ancienne ministre de l’écologie, présidente de Génération Écologie
Philippe Bourdeau - Enseignant chercheur, spécialiste des pratiques sportives de nature
Dominique Bourg - Philosophe, professeur honoraire à l’Université de Lausanne
Valérie Cabanes — Juriste internationale, autrice de Homo Natura. En harmonie avec le vivant
André Cicolella – Toxicologue, président du Réseau Environnement Santé
Lionel Daudet – Alpiniste et écrivain engagé, auteur de Le tour de la France, exactement
Pascale d’Erm – Autrice de Natura - Pourquoi la nature nous soigne... et nous rend plus heureux
François Labande – Alpiniste, écrivain, administrateur du Parc national des Écrins
Xavier de Le Rue – Snowboarder, double champion du monde et triple vainqueur du Freeride World Tour
Henri Malosse – 30e président du Comité économique et social européen
Frédi Meignan – Acteur de la montagne, ancien gardien du refuge du Promontoire
Corinne Morel Darleux — Conseillère régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes, autrice de Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce
Guillaume Néry – Champion du monde d’apnée
Xavier Ricard – Philosophe, ethnologue, essayiste, cofondateur de la revue Terrestres
Marie Toussaint – Députée européenne, juriste, à l’origine de la pétition « l’Affaire du siècle »
Guillaume Vallot — Journaliste, éditeur et alpiniste
Les auteurs de cette tribune sont à l’origine d’une pétition, déjà signée par près de 26.000 personnes, « pour un accès responsable à la nature en période de confinement ». Pour la signer, cliquez-ici.
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