Réfléchir...

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Réfléchir... On pourrait penser que c'est une démarche intérieure bénéfique.
C'est insuffisant si cela ne concerne que la raison car l'individu est parfaitement capable de s'inventer "des raisons" qui lui sont favorables là où la raison commune pourrait s'opposer.
Il n'y a que le filtre de l'âme qui puisse détourner l'esprit des gouffres sombres du mental.
Le mental, l'esprit, la raison et l'âme.

 

C'est ce que j'ai cherché à analyser dans "Les héros sont tous morts".

Chaque individu, confonté à la tentation de la fortune, réfléchit selon ses intérêts et non selon une raison universelle. 

Et c'est pour cela aussi que j'ai tenu à insérer dans ce roman la vision raisonnée des Kogis. Ils n'ont pas d'intérêt personnels prioritaires. Ils ont des intérêts communs et chaque individu puise dans cette cohésion le bonheur de son développement personnel. 

Une vision inverse de celle du monde occidental. 

S'il existe bien dans les sociétés "modernes", des objectifs communs, ils serviront toujours des intérêts personnels et ces intérêts seront le moteur de l'engagement de l'individu.

Le monde politique est l'exemple type de ce fonctionnement. Ces individus vont nous parler de l'intérêt général alors que leur positionnement au regard de leur idée de la politique est à l'encontre même de la cohésion de l'ensemble. Nos politiques sont systématiquement en opposition les unes et les autres non pas parce que les objectifs ne sont pas suffisamment puissants pour créer un mouvement unitaire mais parce que ces objectifs sont détournés par les intentions individuelles des leaders politiques. Dans leur esprit, la politique les sert et non l'inverse.

On  peut bien entendu étendre ce constat à bien d'autres secteurs et situations : Les enseignants qui répondront favorablement à des injonctions ministérielles pour soutenir leur plan de carrière et leur tranquillité alors que les décisions vont à l'encontre du bien commun des enfants...Des industriels qui se gausseront de créer des emplois en développant des produits qui contribueront à tuer les vies des ouvriers eux-mêmes et de l'ensemble des personnes inévitablement contaminées. Des consommateurs qui continuent à acheter des produits dont la nocivité est reconnue, pour eux et pour la planète, et qui vont s'émouvoir quelques secondes en regardant les images du désastre au journal de 20 heures...

L'intérêt personnel est le moteur commun.

Je ne vais pas m'étendre davantage, j'en aurais pour des heures. 

Il n'existe qu'une solution à mes yeux : la raison universelle. Non pas une raison qui ne concernerait que les humains mais bien l'ensemble de la création, c'est à dire une raison qui aurait la capacité à établir un regard macroscopique et non plus un regard sur le "moi" et ses proches... 

Autant dire que c'est une utopie et qu'elle ne verra jamais le jour. Pas dans l'état actuel des choses.

Par contre...

Imaginons que ce système de pensées, ce formatage et cet abêtissement volent en éclat pour des raisons exogènes, planétaires, un chaos mondial, une extinction partielle de l'humanité.

Qu'en sera-t-il de la raison ?

Devant l'anéantissement, les individualités formeront-elles une entité capable de s'extraire des intérêts personnels ? ou pas ? 

"Les héros sont tous morts" explore la dimension de la tentation.

"Tous, sauf elle" établit les germes du chaos.

"Le désert des Barbares" décrit l'effondrement.

Je sais aujourd'hui qu'il faudra un quatrième tome, celui des survivants.

 

EXTRAIT :

« La Terre souffre et nous l’entendons. Vous, les petits frères, vous avez oublié d’où vous venez, vous n’avez plus de racines, vous n’avez aucun ancrage et vous errez dans le vent à la recherche d’un bonheur que vous avez saccagé. Mais votre quête du bonheur ajoute encore au désastre car vous courez tous dans le même sens ? Qu’es-tu allée chercher là-haut ? Une vie meilleure ? Ou juste une image de toi ? Une image qui comblerait la douleur que tu portes, que vous portez tous, vous les Petits Frères. Parce que vous êtes les serviteurs de la mort. »

 

Parking extérieur. Lumière du jour. Zone d’approvisionnement du centre commercial. Des containers, des déchets de toutes sortes, tous les véhicules des employés. Elle balaya rapidement l’espace et s’engagea dans les enfilades des voitures. Elle jeta un regard rapide dans son dos. Rien, personne, aucun mouvement. Le tueur avait abandonné la poursuite. Sans doute s’était-il décidé à éliminer des proies plus faciles. Elle ne voulut pas ralentir sa course. S’éloigner, fuir, loin, disparaître, éviter les forces de police. Elle vit surgir au bout du parking trois véhicules militaires, des bâches sur les armatures en demi-cercles, le camouflage habituel des frondaisons. Elle se tapit derrière un 4X4 et laissa passer les troupes. Elle regarda furtivement les hommes sauter des camions et se ruer à l’intérieur du bâtiment. Exactement le chemin inverse au sien. Elle était sortie juste à temps.

Disparaître.

Elle resta accroupie et se faufila derrière les véhicules jusqu’à la sortie du parking. Elle traversa l’avenue et s’accorda une pause. Elle était en dehors de la zone dangereuse, hors d’atteinte, hors de vue, anonyme parmi la foule. Elle devait reprendre son souffle, observer, tenter de comprendre.

Quelques soldats descendus des camions barraient l’entrée du parking avec de la rubalise, périmètre de sécurité, vérification des identités.

Elle prit conscience du chaos.

De la fumée s’échappait d’un toit du bâtiment, un feu en cours. Elle entendait des sirènes de l’autre côté du centre. Des gens qui couraient, des cris, des appels, elle vit un soldat soutenir une femme blessée. Des dizaines de voitures arrêtées sur la chaussée, des curieux qui cherchaient à comprendre, inconscients du danger, heureux d’être des témoins privilégiés. Personne n’avait idée du massacre.

Elle en était sortie.

Une fortune dans les bras.

Disparaître.

Réfléchir…


 

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