Sur la route de Jarwal

 

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Aujourd'hui, 12 mars 2024, j'ai signé le contrat avec les éditions du 38 pour le tome 1 de JARWAL LE LUTIN.

Le huitième roman publié.

Mais quand on n'est pas auteur, a-t-on réellement conscience du parcours d'un roman ?

Première étape : l'idée. D'où vient-elle ? A-t-elle un point de départ précis, un évènement, une situation particulière où nait-elle après une longue gestation dans le mystère fécond d'une matrice cérébrale ? 

Deuxième étape : il faut nourrir l'idée, l'alimenter, en prendre soin, la câjoler, l'encourager, la motiver, lui donner confiance. Il arrivera inévitablement des moments de doute, des impressions pénibles, l'idée entêtante d'une impasse. C'est là qu'il faudra garder à l'esprit que si cette idée est là, c'est qu'elle a pensé que vous étiez la bonne personne pour elle, que c'est avec vous qu'elle peut tracer sa route.

Troisième étape : écrire, penser, écrire, penser, écrire, penser, écrire, penser, écouter ce qui se tient caché, au plus profond et qui ne demande qu'à émerger, écrire, râturer, recommencer, corriger, modifier, écrire, penser, rêver.

Quatrième étape : lorsque les rêves deviennent récurrents, c'est que l'histoire ne vous quittera plus, elle est en vous, elle se nourrit de vous, elle vous appartient, à moins que ça soit l'inverse.

Cinquième étape : ne pas oublier que l'histoire a besoin de phases de repos, ne pas oublier que la précipitation n'est pas de mise, qu'il est nécessaire d'accorder des périodes de paix aux personnages, qu'il n'est pas bon qu'ils soient toujours sur le grill. Ne pas oublier pour autant qu'il serait irrespectueux de les délaisser au-delà du raisonnable. Ils pourraient vous en vouloir. Leur existence est encore incertaine, ils ne sont pas pleinement constitués, ils guettent la fin de l'histoire comme une délivrance. Eux aussi, ils connaissent l'impatience.

Sixième étape : poser le point final et s'éloigner. Plusieurs jours, semaines, mois, peu importe. Il faut prendre soin de soi aussi. Plus rien ne disparaîtra désormais. Tout est là. Les personnages sont emplis de la matière que vous leur avez insufflée. Ils ne peuvent plus être dilués dans le néant d'où ils sont sortis.

Septième étape : relire, relire l'histoire, une première fois, juste l'histoire, d'une traite, comme si vous étiez dans une salle de cinéma. Il faut que ce livre soit un film et que pas un instant, vous ne vouliez le quitter. Relire une deuxième fois en vous appliquant à corriger la langue, c'est une traque que vous devez mener, le fusil effaceur à la main, et vous montrer sans pitié. Si votre lecture est ralentie par une tournure, c'est qu'elle n'est pas bonne et qu'elle doit disparaître. Tout doit être fluide, ou heurtée si tel était l'objectif, léger ou pesant, poétique ou grossier, romantique ou assassin, si le sang doit couler il doit se voir, si l'amour doit jaillir, il doit vous enflammer, si la peur est nécessaire, tourner la page doit se faire le souffle haché, si la beauté du monde est appelée, c'est un hymne qui doit retentir.

Chaque phrase a un sens, un but, une visée, un horizon, une présence. Ou alors, il faut la reprendre.

Oui, ce travail sera long, peut-être même aussi long que l'écriture du livre. Peut-être même davantage.

Au total, l'écriture de ce livre vous aura pris un an, deux, trois, ou peut-être six mois et peut-être moins. Il n'y a pas de règles, pas de cadre, pas de frontières, c'est une terra incognita et vous êtes l'explorateur.

Huitème étape : l'envoi à l'éditeur est un moment particulier. Celui où vous allez partager cette histoire avec la personne qui sera susceptible d'en faire un livre. Vous avez écrit une histoire mais elle pourrait rester en l'état. La suite ne vous appartient déjà plus. Vous entrez dans l'attente. Longue et incertaine. Si vous avez bâti cette histoire avec en tête l'idée qu'elle deviendra un livre, vous avez construit vous-même l'ampleur d'une éventuelle désillusion et pendant l'écriture, vous avez inséré dans l'histoire elle-même une menace. Il faut écrire pour écrire et rien d'autre. La suite ne vous appartient pas, la suite ne vous appartient pas, la suite ne vous appartient pas. C'est une idée qui ne doit pas vous quitter. La réponse négative, vous l'avez déjà. Des milliers de réponses négatives sont envoyées par les éditeurs. Parfois, c'est un oui.

Il ne s'agit même pas d'espérer quoi que ce soit. L'espoir n'est que le ferment de la désillusion.

Neuvième étape : un jour, vous revevez un mail de l'éditeur. Le comité de lecture a retenu votre roman. Là, vous pouvez être heureux et fier du travail accompli. L'histoire entre dans le domaine de la littérature, dans cet espace gigantesque qui remonte à l'aube de l'humanité. Les peintures de Lascaux racontaient des histoires.

Dixième étape : l'éditeur vous propose une couverture, vous lui donnez votre avis, le projet prend forme, les idées se rejoignent, le graphisme s'affine puis la dernière mouture est retenue, l'éditeur vous demande d'écrire une quatrième de couverture, de son côté il s'applique à corriger les dernières erreurs orthographiques, celles que vous n'avez pas vues parce que vous connaissez votre texte par coeur, que vous n'arriviez plus à le lire mais seulement à le réciter et que vous ne pouviez pas voir le s qui manque, l'accord d'un participe passé, une virgule oubliée...

Onzième étape : un jour vous recevez un colis, vous l'ouvrez, vous sortez un exemplaire. Il est là. Votre livre. L'émotion est immense. Mais il faut comprendre alors que ça ne doit pas rester votre livre mais devenir le livre des lecteurs et lectrices, le livre de tous les gens qui seront attirés par la couverture et le résumé. Ces gens devront payer ce livre et c'est un geste fort parce qu'un livre n'est pas un élément vital. C'est un luxe. Des millions de personnes à travers le monde ne lisent pas de romans. Et ils survivent pourtant. Et il n'est pas de mon ressort de dire s'ils ont tort ou raison. Peut-être que leurs conditions de vie sont trop rudes pour se payer ce luxe de lire, peut-être que leurs intérêts sont ailleurs, peut-être qu'ils ont été trop souvent déçus, peut-être que l'école les a dégoûtés de la lecture. Ils sont nombreux dans ce cas-là, d'ailleurs.

Douzième étape : par reconnaissance envers votre éditeur, vous vous appliquez à faire connaître ce livre, vous le présentez, vous l'accompagnez au mieux sur la route.

Treizième étape :  la suite ne vous appartient plus.

Et puis vient ce jour étrange où une nouvelle idée émerge...

 

 

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