Une illusion organisée.
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/04/2010
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"Le monde mental
ment
monumentalement."
Jacques Prévert.
"En vérité, ce que tu vois cache ce que tu dois voir et ce que tu entends brouille ce que tu dois entendre."
Jaffar le Berbère.
C'est assez effrayant le nombre de textes, de citations de poésies qui dénoncent cette illusion dans laquelle nous évoluons...
S'agit-il d'une tournure d'esprit, d'un jeu dialectique, existe-t-il réellement une voie de lucidité ?
Si cet état hallucinatoire est prouvé, d'où vient-il ? Pourquoi sommes-nous ainsi fermés à la réalité ?
Depuis plusieurs jours, je cherche à établir ce qui pourrait condenser cet état hallucinatoire, comme un résumé de nos errances. Mais systématiquement j'en reviens toujours à cette capacité à analyser la situation et à ne pas entrer tête baissée dans une impasse. Mais s'il n'y a pas cette lucidité, cette observation constante, qu'en est-il ?
L'impression qu'une bonne partie de l'humanité court après des enluminures pour cacher les murs de la geôle.
Education formatée par l'Histoire. Nos parents vivant dans les conditionnements générés par leurs parents, eux-mêmes conditionnés par leur environnement immédiat, l'inconscient collectif, leurs traumatismes transmis ou transférés sous d'autres formes dans leur progéniture et ainsi de suite en remontant à l'envers dans le temps. Nous ne sommes jamais libres au départ. Nous naissons en accrochant sur nos dos fragiles les fardeaux de nos aïeux. Parfois même à un niveau plus vaste encore que notre famille immédiate : Rwandais, Cambodgiens, Vietnamiens, Algériens, Amérindiens, Tibétains, Tziganes, Inuits, Sames, Aborigènes, Papous, Wayanas, Alakalufs... Une liste effroyablement longue.
Education formatée par les états et les idées directionnelles. Sans aller jusqu'au Stalinisme ou au Nazisme, nous vivons dans un environnement construit par quelques individus. Les médias par exemple, j'en ai déjà parlé. L'enseignement. Les modes commerciales. J'entends depuis quelques jours des élèves de ma classe parler de l'ipad d'Apple et penser déjà qu'à Noël ils vont en demander un...Les autres veulent savoir ce que c'est et se mettent à rêver de la même chose...Des enfants de dix, onze ans... Le consumiérisme à outrance, créer un besoin par un martelage médiatique, les médias s'enrichissant eux-mêmes par les budgets publicitaires.
Ecoeurement.
Cette humanité vit dans le poids de son passé en se projetant sans cesse dans un avenir à acheter. Sans s'apercevoir que ce fonctionnement détruit l'instant, le présent, la vie réelle. Conditionnement. Jusqu'à détruire même la planète qui l'accueille. Tout est à vendre, il faut pouvoir acheter. Travaillons, travaillons...Dépensons, dépensons...Travaillons, travaillons...
"Pourvu que mes enfants aient un bon salaire."
Effectivement je pense sans le moindre doute que ce que nous voyons n'est pas ce que nous devons voir, que ce que nous entendons n'est pas ce que nous devons entendre. Pas besoin de m'interroger longtemps.
Mais alors, que devons-nous voir, que devons-nous entendre ? Et d'ailleurs s'agit-il d'un "devoir" ? Ou d'une chance à saisir ? Dans le mot "devoir" il y a une obligation générée par une instance supérieure. Comme une obligation nourrie par une morale ambiante. Mais justement il n'y a aucune instance dirigeante qui s'en préoccupe. Sinon, celle que nous possédons nous-mêmes. Notre propre morale que je préfère imaginer sous la forme d'une conscience.
Conscience du phénomène vivant, conscience que je ne suis que la forme en évolution d'un projet qui me dépasse. Que sera l'homme dans dix mille ans si jamais il n'a pas fait disparaître ce phénomène vivant ? La vie est une intelligence dont la dimension ne m'est pas accessible. Même si je comprends accessoirement les "comment", je n'aurais sans doute jamais accès aux "pourquoi." La finalité de l'ensemble m'échappera toujours. Quel est le projet du phénomène vivant ? Je ne peux que tenter de répondre au phénomène qui est en moi en donnant à cette énergie une direction verticale,comme une ascension spirituelle. Sans comprendre pour autant la raison fondamentale de cette énergie en moi. Je peux lui donner une direction sans pour autant accéder à la compréhension totale de sa présence. Un hasard ? Ce mot n'est jamais que l'étiquette apaisante de mon incompréhension.
Bon. Et alors ? Faut-il donc s'extirper de cette mélasse humaine ?
Oui, sans doute.
C'est effroyable mais je n'ai pas d'autre solution. Soit je plonge dans le courant et je me laisse emporter, bercé dillusions et soutenu par mes compatriotes de misère, soit j'envisage la lévitation. Une lévitation spirituelle. Je participe, mentalement à ce maëlstrom mais je tente par un effort constant de garder la tête hors de l'eau. Il ne me suffit pas de prendre quelques bouffées d'air pour survivre. Ma survie, je veux en être le seul responsable. Je sais aujourd'hui que ce goût de l'altitude, de mon engagement physique et moral au coeur des montagnes n'était que le symbolisme vécu de cette démarche.
Mais qu'il est douloureux parfois de supporter le dégoût...
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