Une nature consciente

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Loin de moi l'idée prétentieuse que je m'oppose aux écrits de Camus mais il n'en reste pas moins que je n'aime pas dans cette citation le fait de considérer que le "monde" puisse se défaire s'il ne s'agit que de l'humanité et je suppose qu'il en était ainsi dans la pensée de Camus. Je n'ai pas souvenir dans mes nombreuses lectures de ses écrits que la nature elle-même ait tenu une place prépondérante. L'humanité oui, bien entendu. Les descriptions de la nature aussi mais pas dans le sens de sa nécessité. Juste de son impact. Il suffit de penser à "L'étranger" et au soleil, à la chaleur, à l'océan. 

Ce monde qui se défait n'est donc pas juste la masse humaine mais bien l'entièreté de la vie. C'est elle que nous regardons souffrir. C'est elle qui se défait avec une ampleur que Camus n'aurait pu imaginer. 

C'est pour cette raison que dans la dystopie en cours d'écriture, la nature devient un être réel, une entité intelligente, consciente, un personnage à part entière et comme l'humanité s'est engagée dans une voie destructrice, elle accompagne le mouvement, par mimétisme non par colère ou désir de vengeance. Juste parce que l'humanité représente une masse intelligente et qu'elle en vient à imiter ses comportements. 

L'humanité souffrante, au lieu de se montrer solidaire et bienveillante envers l'ensemble du groupe humain, s'est dispersée, fragmentée, nourrie par des idées nationalistes, des suprématies, des désirs de puissance, de domination. Le chaos déclenché par des individus puissants, aux idées extrémistes, a plongé l'humanité toute entière dans une dévastation. Et la nature, si longtemps meurtrie, si impitoyablement martyrisée par les volontés d'exploitation s'engage elle aussi dans le chaos. 

Les phénomènes naturels d'ampleur ne sont plus des effets de l'activité humaine mais des phénomènes intentionnels. 

Je sais que cette idée remonte à loin dans ma vie. J'étais adolescent quand j'ai commencé à me demander si la nature ressentait l'amour que j'éprouvais pour elle et si elle s'en réjouissait. Il m'arrivait également de m'interroger sur ce qu'elle pouvait éprouver devant l'avidité destructrice des hommes. Est-ce qu'il était envisageable de penser qu'un jour peut-être elle ne le supporterait plus. Je n'imaginais pas pour autant une révolte de sa part mais bien plutôt un accompagnement. Puisque les hommes s'entretuent, elle se joint au mouvement. Dans une accélération du processus. 

 

Un ancien texte écrit en 2012

L’AMOUR DE LA NATURE

Le titre évoque bien entendu, en première pensée, l'idée que l'homme peut aimer la Nature.

Mais la Nature éprouve-t-elle de l'Amour pour nous, pour tous les êtres, les végétaux, tout ce qu'elle crée ?

Y a-t-il en elle une émotion, un sentiment, un bonheur ?

Bien entendu, au premier abord, la proposition paraît absurde. Pour que cela soit, il faudrait une conscience et par conséquent un organe émetteur, un "cerveau", une entité extrêmement évoluée...

La Nature ne peut pas être assez évoluée pour ça.

Non, c'est cette phrase qui est absurde en fait. Rien de connu n'est plus évolué que la Nature. Nous en sommes un élément, performant c'est un fait, mais devant la richesse infinie de la Nature, rien ne dit que nous en sommes le point ultime au point d'être plus évolués qu'elle alors que nous en sommes issus. Cela signifierait qu'une des créations serait plus perfectionnée que l'entité créatrice elle-même... Que nous aurions conscience de l'élément qui nous a créés alors que ce créateur en serait dénué...

Il semblerait par conséquent que la performance humaine nous ait amenés à penser que rien ne serait plus conscient que l'être humain au point que la Nature dont nous sommes issus ne possèderait pas cette conscience. Comme s'il nous était insupportable d'imaginer une entité supérieure.

Et je ne parle évidemment pas d'un Dieu issu de la conscience des hommes.

Je parle uniquement de la Nature.

Mais si la Nature est effectivement dotée de cette conscience, cela suppose qu'il y a en elle une intelligence et par conséquent une intention quant à sa création. Nous sommes des êtres dotés d'intelligence et de conscience et nous nous engageons dans des voies précises avec une intention, un projet, une projection temporelle. C'est cela qui a permis l'évolution de notre espèce et nous ne pouvons pas regretter les temps préhistoriques. Nous vivons dans une sécurité bien supérieure à celle de Lucy, de Toumaï, des Gaulois, des serfs, des sans culottes, des Poilus, de nos grands-parents...Impossible de le nier. Malgré tout...

Bien, nous avons donc évolué en fonction d'une intention, celle d'améliorer le quotidien de chaque individu. Le nôtre d'abord. En travaillant à notre survie individuelle, nous avons contribué à celle de l'ensemble.

Pouvons-nous dès lors envisager que la Nature, dans l'hypothèse d'une conscience et d'une intelligence, agit différemment que la création la plus évoluée de son œuvre ? Il nous est bien nécessaire de considérer que cette Nature a un projet. Ou alors nous devons rejeter toute idée d'intelligence de sa part. Ce qui reviendrait à dire que nous sommes une entité disparate issue d'un fabuleux hasard...Hum...

Bien. Quel projet ? Voilà LA question... Ce projet nous est-il accessible dès lors que nous adoptons une attitude hautaine, dès lors que nous ne sommes plus dans un statut de création respectueuse mais que nous nous attribuons le rôle de maître supérieur ? Dès lors que nous considérons la Nature comme une entité hasardeuse, comment pourrions-nous accéder à ce projet alors que nous ne voyons dans notre évolution que le résultat de nos efforts et non une osmose constructive entre l'oeuvre créatrice ?

Si dans une classe, un élève en vient à penser qu'il est plus performant que le maître, il finira obligatoirement par fabriquer en lui un projet qui ne sera plus celui de ce maître...Je reconnais que parfois, c'est préférable pour les élèves au vu de certains professeurs...

Mais pour l’humanité ? Avons-nous bien fait de nous extraire ainsi d'une fusion nourricière en décidant que nos performances millénaires suffisaient à nourrir notre évolution ? Quelle évolution ?

Médicale, culturelle, technologique, matérielle. Oui, c'est indéniable.

Est-ce suffisant ?

Qu'en est-il de cet Amour dont je parlais ? Lorsque j'aime la Nature, le sait-elle ? N'y a-t-il de ma part qu'une opportunité que je saisis, la plénitude de la contemplation, le bonheur de la marche en montagne, l'émerveillement devant la neige qui tombe, ou cette joie infinie en moi transmute-t-elle dans le corps immense de la Nature ? Est-ce que je lui suis relié en tant que créature naturelle au point de lui faire ressentir ce que je vis lorsque je l'aime ?

On pourrait craindre si c'est le cas qu'elle ressente depuis un certain temps une animosité quasi générale et non un amour infini...Inutile de rappeler certains passages de la Bible par exemple. Ça remonte à loin tout ça...Et ça ne s'arrange guère...

Se pourrait-il dès lors que cette intention, ce projet de la Nature se soit révélé inconsidéré et que nous ayons échappé à son contrôle ? Mais a-t-elle instauré un contrôle ou sommes-nous une expérience libre de toutes entraves ? Le risque me paraît monstrueux...Se peut-il que cette intelligence humaine se soit retournée contre le créateur lui-même ou cela fait-il partie d'un projet qui nous échappe totalement étant donné qu'il semble se retourner contre l'expérimentateur lui-même ?

L'expérimenté se révolte et délaisse toute forme d'amour. Il brise ses chaînes ou ce qu'il imagine être des entraves, il s'élève sur le piédestal de son progrès, il réduit la création à une marchandise... Et cela ferait partie d'un projet ? Alors cela voudrait dire que la raison de la Nature est au-delà de la raison humaine. Et que nous ne pouvons pas la comprendre.

Ou bien que tout ceci n'était qu'une élucubration de plus et que nous ne sommes qu'un hasard fortuit au milieu d'un capharnaüm intersidéral.

Tant pis si c'est le cas. Je continuerai béatement à aimer la Nature en imaginant qu'elle m'aime en retour.

 

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