Si le coup du détachement était un grand classique parmi les responsables politiques, il en va différemment depuis la loi sur la transparence de la vie politique votée à la hâte après l’affaire Cahuzac. Depuis le 1er octobre 2014, les fonctionnaires élus ou membres du gouvernement doivent se mettre en disponibilité – et non plus en détachement – comme leurs collègues désireux d’exercer dans le privé. Pour conserver leur maroquin, Fleur Pellerin, mais aussi Emmanuel Macron, avec un peu de retard* se sont mis fissa en « dispo », renonçant ainsi à leur avancement de carrière et aux points retraite qui vont avec. Une règle qui vaut pour tout le monde… sauf pour François Hollande.
La situation du président « n’est expressément prévue par aucun texte. C’est donc le droit commun qui s’applique », précise-t-on à la Cour des comptes. En juin 2013, lors de la présentation de la loi, Alain Vidalies, alors ministre chargé des Relations avec le Parlement, assurait toutefois que « le président de la République […] se mettra en disponibilité ». Une promesse de plus non tenue, donc.
« Il a intérêt à continuer de cotiser à la Cour des comptes. Le régime est très favorable », assure Charles de Courson, député UDI de la Marne et lui-même retraité de la Rue Cambon. Malgré sa fréquentation très épisodique de la cour — trois ans en début de carrière, en 1980, quelques mois en 1993 —, François Hollande a su jouer à plein du système. A part quelques mois de mise en disponibilité entre 1993 et 1995, il a continuellement été détaché comme élu. Résultat : il a d’ores et déjà accumulé trente-deux ans de droits. Avec la majoration de 20 % pour ses quatre enfants, notre président magistrat s’assure une petite pelote de près de 5 000 € brut par mois, que chaque trimestre supplémentaire placé en détachement fait grossir.
Viennent ensuite ses très nombreux mandats. C’est bien simple, à part sénateur et président de syndic (ça, on ne sait pas), il a tout fait : conseiller puis président de conseil général, adjoint au maire puis maire de Tulle, conseiller régional. Pour ces fonctions locales, il est déjà assuré de toucher 6 000 € par mois. Vingt ans comme député et cinq mois comme eurodéputé ouvrent droit à 6 800 € supplémentaires. Un peu de gratte comme prof à Sciences-Po, mettons 300 €. Et ce n’est pas fini : le bonus « président de la République » lui vaudra encore 6 000 € de retraite. Et son statut de membre de droit du Conseil constitutionnel, 12 000 €. Total général : pas loin de 36 000 €. Chirac est enfoncé.
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* Pan sur le bec, comme dirait le Canard enchaîné : le 24 octobre dernier, Marianne titrait« Quand Macron était à la fois fonctionnaire et banquier », en se fondant sur l’absence de publication au Journal officiel du bon de sortie de cet inspecteur des finances parti pantoufler chez Rothschild. Sous couvert de simplification administrative, une obscure instruction de 2007 a rendu, en réalité, facultative la publication de ces arrêtés. Rien ne change, sinon l’apparition d’un nouveau tampon « non publié au JO ». Du coup, les arrêtés pour ces très hauts fonctionnaires restent dans un tiroir, quand la situation du moindre magistrat doit, elle, être publiée au JO… Notre méprise a au moins permis au ministre de rentrer dans les clous. Alerté par nos questions, Emmanuel Macron (enfin, le responsable de l’Inspection des finances… qui dépend de lui) a placé le 20 octobre Macron Emmanuel « en disponibilité », avec effet rétroactif au 1er octobre.