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Désindustrialisation (2)
- Par Thierry LEDRU
- Le 23/12/2025
Un site vraiment très intéressant.
https://www.arteacom.fr/la-desindustrialisation-de-la-france-petite-synthese-sourcee/
28 Juil 2025
La désindustrialisation de la France : petite synthèse sourcée
par Muriel Agnès | Classé dans : Economie, Notes de synthèse | 0
A la suite du visionnage de la vidéo de la chaîne MoneyRadar – Mais que s’est-il passé avec l’industrie française ?! – que j’ai trouvée intéressante et de la lecture de certains commentaires qui m’ont semblé erronés ou à vérifier, j’ai fait quelques recherches en puisant parmi les sources académiques. Mon but était de clarifier certains points de la vidéo et rajouter quelques notions supplémentaires non évoquées ou peu développées. Voici cette note de synthèse.
Le constat de la vidéo
Selon la vidéo, la France aurait perdu environ deux millions d’emplois industriels en quarante ans. Cette baisse s’accompagne d’une chute de la part de l’industrie dans le PIB : on passe de 25 % dans les années 1970 à environ 11–13 % aujourd’hui. L’auteur affirme que la France est aujourd’hui l’un des pays les plus désindustrialisés du G7, avec un déficit commercial chronique et une forte dépendance aux importations.
Ce constat est confirmé par les données de l’INSEE et de la Direction générale du Trésor. Selon une note de 2021 (La désindustrialisation en France), l’industrie représentait 24 % de la valeur ajoutée en 1974, contre 13,4 % en 2019. L’économiste Nicolas Dufourcq, dans La désindustrialisation de la France (2023), rappelle que la France est passée de 5,1 à 2,7 millions d’emplois industriels entre 1980 et 2020.
Les causes évoquées
La vidéo met en avant les délocalisations vers les pays à bas coûts, la faiblesse du soutien aux PME, le coût du travail et la perte de filières stratégiques (vente d’Alstom, Pechiney, Technip, etc.). L’Allemagne est montrée en contre-exemple, ayant conservé une base industrielle solide grâce à une politique cohérente.
Cette analyse rejoint celle de Patrick Artus, qui dans La France sans ses usines (2011), explique que la désindustrialisation française tient à un désintérêt structurel pour l’outil productif, contrairement à l’Allemagne où les PME industrielles sont soutenues par des banques régionales, des instituts de formation et une politique publique cohérente.
D’autres causes structurelles souvent oubliées
Beaucoup de fonctions autrefois internes aux entreprises industrielles (maintenance, comptabilité, nettoyage, restauration, sécurité) ont été externalisées. Ces emplois sont désormais classés dans les statistiques comme emplois tertiaires alors qu’ils participent encore au fonctionnement de l’industrie. Cette transformation dans l’organisation explique une part de la baisse apparente des effectifs industriels.
Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de désintégration verticale des entreprises : au lieu de produire en interne, les firmes se recentrent sur un cœur de métier et s’appuient sur des réseaux de sous-traitants. Ce phénomène a été largement analysé par Luc Boltanski et Ève Chiapello dans Le nouvel esprit du capitalisme (1999), expliquent comment les grandes organisations utilisent désormais des réseaux de relations entre les personnes plutôt que des structures hiérarchiques rigides.
Autre facteur : les gains de productivité. Grâce à l’automatisation, à l’informatisation et à la modernisation des procédés une entreprise peut produire autant — ou plus — avec beaucoup moins de main-d’œuvre qu’il y a 40 ans. L’OCDE1 note dans un rapport de 2020 que la productivité du travail dans l’industrie a augmenté de 160 % en France entre 1980 et 2018.
Le rôle central de la financiarisation de l’économie
Ce que la vidéo aborde brièvement, mais qu’il faut expliciter davantage, c’est le basculement progressif du capital vers des activités non productives mais fortement rentables comme la finance, la spéculation ou l’immobilier.
À partir des années 1980, les grands groupes industriels ne sont plus uniquement gérés par des ingénieurs ou des industriels, mais de plus en plus par des profils financiers, issus des banques d’affaires ou des cabinets de conseil. Leur objectif est souvent de maximiser la valeur pour l’actionnaire à court terme plutôt que de maintenir une activité productive à long terme.
L’analyse est solidement développée par Frédéric Lordon, notamment dans La crise de trop (2009) et Capitalisme, désir et servitude (2010). Il y montre comment la priorité donnée aux profits rapides pour les actionnaires a profondément modifié les décisions d’investissement en détournant les entrepreneurs des activités industrielles jugées trop lentes ou trop coûteuses.
L’industrie — avec ses coûts fixes élevés, ses délais de retour sur investissement, ses risques sociaux (grèves, coûts de licenciement…) et réglementaires (normes environnementales, règles de sécurité…) — devient alors moins attractive que la finance où les rendements sont plus rapides et plus élevés. Les groupes industriels se recentrent sur leur cœur de métier, vendent des filiales, arrêtent la production pour la sous-traiter ailleurs ou sont eux-mêmes démantelés.
C’est par exemple le cas d’Alcatel, fleuron des télécommunications, dont les choix stratégiques — cessions d’activités, fusions mal maîtrisées (notamment avec Lucent en 2006) et logique de rentabilité immédiate — ont conduit à sa disparition effective en quelques années. L’entreprise a fini absorbée par Nokia en 2016, après avoir vendu la plupart de ses brevets.
Ce mécanisme est aussi décrit dans les travaux de Michel Husson, économiste du collectif Économistes Atterrés, qui analysait la montée des logiques de rentabilité à court terme pour les actionnaires comme principale force de désintégration de l’industrie.
Dans ce contexte, certaines corporations financières ont joué un rôle actif dans les ventes d’actifs industriels français, souvent avec l’assentiment de l’État. C’est le cas par exemple dans l’affaire Alstom où des banques d’affaires françaises ont accompagné la vente de la branche énergie au groupe américain General Electric. Emmanuel Macron, alors banquier d’affaires chez Rothschild, a participé à une opération emblématique de ce type : la vente de la branche lait infantile de Pfizer à Nestlé en 2012.
L’économiste Pierre Cahuc souligne dans ses travaux sur l’État actionnaire que les élites françaises sont passées d’une logique de stratégie industrielle à une logique de « gestion de portefeuille », alignée sur les intérêts des marchés. Cahuc critique la confusion des objectifs de l’État actionnaire et recommande généralement de recentrer son action sur des missions d’intérêt général plutôt que de chercher à agir comme un investisseur privé.
Une stratégie économique abandonnée
À mesure que la finance prenait le pas sur l’industrie, les élites politiques françaises ont progressivement renoncé à porter une stratégie industrielle cohérente. L’idéologie dominante, dans les années 1980, 1990 et 2000, était que le pays devait devenir une “économie de services” ou de « commerçants » (dixit ma prof d’économie dans les années 80) et que la production industrielle pouvait être confiée à d’autres.
En parallèle, à partir des années 1990, les règles européennes de la concurrence ont limité les possibilités de soutien direct aux entreprises françaises (aides d’État, subventions ciblées) au nom du libre marché et de la lutte contre les “distorsions de concurrence”
Ces tendances sont décrites par Robert Boyer, économiste, dans Les capitalismes à l’épreuve de la pandémie (2020) où il montre comment les politiques industrielles ont été abandonnées sous l’influence de l’idéologie de marché, au profit d’un capitalisme financiarisé.
En résumé
La désindustrialisation de la France est bien réelle mais ne s’explique pas uniquement par la mondialisation ou des coûts salariaux élevés.
Elle résulte aussi :
– de l’externalisation (sous-traitance) de nombreuses fonctions,
– de gains de productivité (on produit plus avec moins de salariés),
– d’un basculement stratégique de l’investissement vers la finance,
– et de décisions politiques orientées vers la rentabilité financière de court terme plutôt que vers le maintien d’un tissu productif solide.La vidéo de MoneyRadar pose de bonnes questions et propose une lecture accessible du problème. Mais pour en comprendre toutes les dimensions, il faut y ajouter la réflexion sur le rôle des logiques financières, des élites économiques et de l’abandon progressif d’une stratégie industrielle nationale.
Pour information, la chaîne YouTube MoneyRadar – dont on ne connait pas les propriétaires, ce qui pose un problème déontologique selon moi – propose depuis 2020 des contenus vulgarisés sur l’économie, la finance et les enjeux géopolitiques contemporains. Elle s’adresse à un large public avec un ton accessible et un certain effort pédagogique. Si certains développements peuvent parfois manquer de nuances ou de sources explicites, cette approche a le mérite de susciter l’intérêt pour des sujets complexes.
La vidéo de MoneyRadar : MAIS QUE S’EST-IL PASSÉ AVEC L’INDUSTRIE FRANÇAISE ?!
Crédit photo : Sergey2025 Pixabay
L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) est un forum stratégique et un centre d’expertise unique en matière de données, analyses et bonnes pratiques dans le domaine des politiques publiques. Nous travaillons à l’élaboration de politiques meilleures pour des vies meilleures en étroite collaboration avec les pouvoirs publics, les responsables politiques et les citoyens. ↩︎
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Désindustrialisation
- Par Thierry LEDRU
- Le 23/12/2025
L'économie m'intéresse parce qu'elle concerne les hommes et la planète. Donc, je lis aussi beaucoup de documents, j'écoute beaucoup de podcasts, je regarde des vidéos. Mais si je décidais de publier tout ce que je vois, ça ferait vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup...Là, ce qui m'interpelle avec les agriculteurs, c'est que j'ai l'impression que le parallèle avec le maillage industriel est de plus en plus évident. Et ça n'est évidemment pas réjouissant.
"La liquidation de Brandt, décidée jeudi 11 décembre par le tribunal des activités économiques de Nanterre, avec la suppression de 750 emplois, est un nouvel exemple de la crise économique et sociale qui frappe l’industrie tricolore. Ces derniers mois, les plans sociaux et les fermetures se multiplient, tous secteurs confondus : métallurgie (ArcelorMittal, NovAsco, Erasteel), automobile (Valeo, Forvia, Michelin, Stellantis), verrerie (O-I Glass), pharmaceutique (Sanofi), agroalimentaire (Teisseire, Ynsect, Blédina)…"
https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/12/11/la-liquidation-de-brandt-nouvel-episode-de-la-desindustrialisation-en-france_6656932_3234.html
Entre défaillances et crises, «la France est à l'aube d'une nouvelle vague de désindustrialisation»
L'industrie française traverse une crise majeure : les spécialistes s'attendent à ce que les fermetures d'usines soient plus nombreuses que les ouvertures en 2025. La chercheuse Anaïs Voy-Gillis, géographe et chercheuse associée à l'université de Poitiers, auteure de Pour une révolution industrielle, pointe la nécessité d'un sursaut européen dans un contexte rendu encore plus difficile par le retour de Donald Trump au pouvoir.
Publié le : 10/02/2025 - 17:16Modifié le : 11/02/2025 - 16:43
9 min Temps de lecture

Un ouvrier inspecte un bol dans l'usine du verrier français Duralex, à La Chapelle Saint-Mesmin, dans le centre de la France, mercredi 7 septembre 2022. (Image d'illustration) © Thibault Camus / AP
Par : Nathanaël Vittrant Suivre
RFI : Quelle place occupe l'industrie aujourd'hui en France ?
Anaïs Voy-Gillis : Le poids de l'industrie représente environ dix points de PIB, contre une vingtaine en Allemagne et une quinzaine en Italie, ce qui est à peu près la moyenne de la zone euro. La France s'est désindustrialisée plus fortement que les autres pays européens. Aujourd'hui, le poids de l'industrie dans le PIB est proche de celui de la Grèce, alors que la Grèce n'a jamais été une grande nation industrielle.
Comment expliquez-vous la vague de défaillances d'entreprises et de fermetures d'usines à laquelle on assiste depuis fin 2023 ?
D'abord, je suis convaincue qu'il y a un phénomène de rattrapage post-Covid, puisque dans les années 2021-2022, on avait moins de défaillances que dans la période qui a précédé la pandémie. Les prêts garantis par l'État, qui ont été massivement accordés en 2020, ont commencé à être exigibles, et certaines entreprises se sont retrouvées en difficulté pour les rembourser. Et depuis la crise énergétique de 2022, les prix de l'énergie restent structurellement plus élevés en Europe qu'aux États-Unis ou en Chine. La France se retrouve donc à être moins compétitive, et dans un contexte de guerre de prix, les entreprises françaises perdent face à des acteurs non-européens qui sont extrêmement agressifs.
Tous les secteurs sont concernés par ces défaillances ?
Tous les secteurs industriels et toutes les régions sont concernés. Néanmoins, l'est et le nord de la France sont particulièrement touchés, du fait de leur spécialisation dans l'automobile. Le secteur est en pleine conversion vers l'électrique, ce qui pénalise un certain nombre de sous-traitants, soit parce qu'ils fabriquaient des pièces spécifiques aux voitures thermiques, soit parce qu'ils sont victimes d'une stratégie des constructeurs qui, dans le cadre de la réorganisation de leur chaîne de valeur, se détournent massivement du territoire français. Le secteur automobile européen est dans une situation critique, confronté dans l'électrique à la concurrence de nouveaux acteurs chinois ou américains, une situation inimaginable il y a 10 ans.
Au-delà de l'automobile, la chimie et la métallurgie sont aussi touchées. Quand le bâtiment et l'automobile, qui sont des industries de l'aval, connaissent un ralentissement comme c'est le cas aujourd'hui, les industries de l'amont sont touchées par effet de contamination. L'Allemagne est aussi concernée. Le phénomène s'est accentué depuis la guerre en Ukraine et l'arrêt de la livraison de gaz russe.
Quelles sont les conséquences sociales de ce phénomène pour les territoires concernés ?
À partir du moment où vous avez une usine qui ferme, vous avez un effet de contamination sur tout le territoire. Si vous avez un grand donneur d'ordres qui ferme, l'effet sur le territoire est important, puisque les salariés de l'usine vont être concernés, mais aussi les emplois indirects : les sous-traitants et les fournisseurs, ce qu'on appelle les emplois induits, c'est-à-dire tout ce qui est lié à la consommation et à la fiscalité générées par les gens qui travaillent dans l'usine, par l'entreprise et par les sous-traitants. On a observé des territoires qui ont perdu des habitants, des cafés, des commerces, des services publics, des classes dans les écoles... Certains territoires parviennent à rebondir. Pour d'autres, c'est plus difficile. On voit certaines régions toujours pénalisées par les vagues de désindustrialisation qui ont commencé dans les années 1980.
Quand on se rend sur place à la rencontre des salariés concernés, ils ont l'impression d'une forme d'attentisme, voire d'inaction de la part des autorités.
Il n'y a pas de doctrine d'État en matière industrielle, et encore moins sur le rôle que l'État peut jouer via les participations qu'il possède dans les grands donneurs d'ordre, comme Renault. Tant que l'on n'aura pas de vision et que l'Europe ne sera pas un peu plus agressive sur la réciprocité dans les normes et dans l'accès au marché européen, cette situation va perdurer. Après la pandémie, on avait réussi à stabiliser le mouvement de désindustrialisation. Nous sommes dans un moment de crise économique qui va entraîner la destruction d'emplois industriels. Cela appelle à un sursaut. Si on veut assurer la réindustrialisation, il faut qu'on prenne acte du contexte géopolitique dans lequel on se trouve.
Il est plus difficile de réindustrialiser que de conserver une industrie existante ?
Oui. Quand vous perdez les savoir-faire, l'outil industriel, et que le territoire est en perte de dynamique économique, il est beaucoup plus compliqué de faire revenir une activité que de la maintenir ou d'accompagner une mutation. Pendant un temps, on a pensé compenser en créant des emplois dans la logistique, mais la logistique, ce sont des emplois à moins forte valeur ajoutée et moins bien rémunérés que ceux de l'industrie. Il faut que l'État, les politiques et le ministre de l'Industrie aient une vision de ce qu'ils veulent faire de l'industrie en France. Ça ne suffit pas, de parler de réindustrialisation. La réindustrialisation s'inscrit dans un contexte, dans un projet de société. C'est parce qu'on a créé un cadre, qu'on a mis en place des réformes sur la fiscalité, qu'on a un dynamisme économique, que les usines vont venir s'implanter. Mais se dire « je veux des usines », et donner des subventions, c'est risquer de les voir partir au premier changement de conjoncture économique. C'est ce qu'a connu le Royaume-Uni : plein d'entreprises étrangères sont venues, ont bénéficié de millions de livres d'aides publiques, et sont reparties sans tenir leurs engagements et sans qu'on leur demande de restituer le moindre cent. C'est aussi cette gestion de la désindustrialisation et des années d'inégalités économiques qui a conduit au Brexit.
Cela fait pourtant une quinzaine d'années que la question de la réindustrialisation s'est imposée dans le débat public, et encore plus depuis la pandémie de covid-19. Ça n'a rien donné ?
C'est vrai qu'on reparle beaucoup d'industrie depuis 2020. Mais dès 2008, la crise économique et financière a conduit à l'organisation, l'année suivante, des états généraux de l'industrie. En 2012, il y a eu le ministère du Redressement productif, piloté par Arnaud Montebourg et ses 34 plans pour une nouvelle France industrielle. Sauf que dès qu'il est parti, ces plans ont été balayés et remplacés par autre chose. La nécessité de réindustrialiser pour des questions d'autonomie et de souveraineté fait consensus dans la classe politique française, mais il n'y a pas de consensus sur le « comment ». On parle beaucoup d'industrie, mais on n'a pas réussi à inscrire cette notion de réindustrialisation dans le temps long. Il n'y a pas de doctrine d'État en matière industrielle.
Plus récemment il y a eu France 2030, avec des investissements publics d'ampleur…
C'est vrai que des moyens massifs ont été alloués à la réindustrialisation, avec 54 milliards d'euros mis dans une dizaine de plans. Mais on avait des objectifs très clairs, comme celui de produire deux millions de véhicules électriques, et d'autres beaucoup plus flous, comme « prendre notre part dans l'exploration des fonds marins ». Et puis, dans ces 54 milliards d'euros, qu'est-ce qui était vraiment de l'argent frais et qu'est-ce qui relève simplement de la bascule de fonds existants ? Néanmoins, même si c'était insuffisant, il faut saluer l'initiative.
La période qui a suivi, entre 2020 et 2023, a semblé plus favorable, avec une augmentation du remplissage des carnets de commande. On recrutait beaucoup. Mais c'est une situation très fragile, dans un contexte géopolitique de concurrence entre les pays qui veulent tous renforcer leur base industrielle, au moment où la demande mondiale est complètement atone, notamment en Chine. Et ce alors même que la Chine est déjà en surcapacité de production, notamment concernant les biens clés pour la transition écologique : l'éolien, les panneaux solaires, les véhicules électriques... À cela s'ajoutent les barrières tarifaires aux États-Unis qui poussent les entreprises chinoises à exporter encore plus vers l'Europe, le prix de l'énergie toujours très élevé en Europe... Et puis, il y a les normes environnementales et sociales, nécessaires mais exigeantes, que doivent respecter les entreprises européennes, mais pas leurs concurrents. Tout cela mis bout à bout : nous sommes plutôt à l'aube d'une nouvelle vague de désindustrialisation en France qu'à un véritable mouvement de réindustrialisation.
Il y a pourtant eu des ouvertures d'usines, notamment de batteries électriques dans le nord de la France…
Oui, mais cela reste fragile. On ne produit pas encore massivement des batteries électriques en Europe. Et quand bien-même ce serait le cas, si les constructeurs n'assemblent pas les véhicules en Europe, la chaîne de valeur ne va jamais se reconstituer.
Est-ce que c'est un risque qui pèse sur ces usines, cette « vallée de l'électrique » que les pouvoirs publics tentent d'encourager ?
J'aimerais vous dire que la réponse est non. Malheureusement, je ne suis pas convaincue que toutes les usines ouvertes survivent. Pour différentes raisons : à la fois le manque de dynamisme du marché, les difficultés à reconstituer les chaînes de valeur (de la fabrication des batteries électriques à leur recyclage en passant par la fabrication des pièces des véhicules et leur assemblage, NDLR) sur le territoire européen, la concurrence entre les différents projets européens, le fait qu'on ne maîtrise pas la chimie derrière la production des batteries, parce que la Chine a plusieurs années d'avance sur nous... Aujourd'hui, l'Europe va se retrouver dans la situation de certains pays émergents, et elle va devoir assurer des transferts de technologie si elle veut assurer sa pérennité.
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"Les salauds devront payer"
- Par Thierry LEDRU
- Le 22/12/2025
Quel est le rapport entre le monde agricole qui s'écroule et celui des usines qui ont fermé ? La misère et ses conséquences.
J'ai fini cette nuit la lecture de ce roman (très bon roman) et bien évidemment que la correspondance existe. Les gens de ma génération ont suivi le démantèlement de la filière industrielle du nord de la France et quand on regarde aujourdhui les statistiques sur le niveau de vie des populations concernées, le milieu ouvrier, on ne peut que faire le rapprochement avec le monde paysan.
Des travaux usants, des salaires dérisoires, des physiques cassés avant même l'âge de la retraite et des pensions de retraite juste bonnes à survivre. Dans ce roman, les salauds sont des individus qui profitent de la misère pour prêter de l'argent sans passer par les banques, avec des intérêts élevés bien évidemment. Mais dans la réalité, les premiers salauds de l'histoire, à mon sens, ce sont les gens qui ont détruit le maillage industriel de ce pays. Tout comme ils vont envoyer à l'abattoir, les paysans en même temps que leurs vaches.
Quasiment un suicide par jour...

EAN : 9782867467981
378 pages
Liana Lévi (07/01/2016)
Existe en édition audioRésumé :
Wollaing. Une petite ville du Nord minée par le chômage. Ici, les gamins rêvent de devenir joueurs de foot ou stars de la chanson. Leurs parents ont vu les usines se transformer en friches et, en dehors des petits boulots et du trafic de drogue, l’unique moyen de boucler les fins de mois est de frapper à la porte de prêteurs véreux. À des taux qui tuent... Aussi, quand la jeune Pauline est retrouvée assassinée dans un terrain vague, tout accuse ces usuriers modernes et leurs méthodes musclées. Mais derrière ce meurtre, le commandant de police Erik Buchmeyer distingue d’autres rancœurs. D’autres salauds. Et Buch sait d’expérience qu’il faut parfois écouter la petite idée tordue qui vous taraude, la suivre jusque dans les méandres obscurs des non-dits et du passé.
https://reporterre.net/Agriculture-au-dela-de-la-dermatose-la-mobilisation-d-un-monde-qui-se-voit-mourir
Agriculture : au-delà de la dermatose, la mobilisation d’un « monde qui se voit mourir »

Si la mobilisation agricole contre la gestion de la dermatose bovine est si puissante, c’est que la colère est profonde : revenus bas, signature du traité Mercosur, aides de la PAC bientôt revues...
Autoroutes bloquées, trafic ferroviaire perturbé, préfectures et services de l’État dégradées… Malgré les annonces du Premier ministre et de la ministre de l’Agriculture sur la gestion de l’épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) bovine, la colère d’une partie des agriculteurs ne faiblit pas. Les mobilisations agricoles se poursuivent et débordent désormais largement le Sud-Ouest, avec des rassemblements en Moselle, en Isère et dans la Manche.
« C’est une colère qui vient de loin. Il faut la mesurer, il faut la comprendre », a dit sur RTL la ministre de l’Agriculture Annie Genevard. De fait, si l’épidémie de DNC, qui a débuté en juin en Savoie et Haute-Savoie a mis le feu aux poudres, les raisons du malaise agricole sont bien plus profondes : grandes difficultés économiques de la filière, traité Mercosur honni, budget de la PAC attaqué...
« C’est l’amour des vaches qui pousse beaucoup à devenir éleveurs »
Déjà, l’épidémie ne semble pas terminée. Le 16 décembre, la ministre de l’Agriculture a déclaré qu’il n’y avait plus de foyer actif et a annoncé une accélération de la campagne de vaccination. Mais à ce stade, pas d’abandon de l’abattage total d’un troupeau en cas de découverte d’un cas, ni de généralisation de la vaccination à tout le territoire — ce que réclament une partie des agriculteurs et notamment la Confédération paysanne et la Coordination rurale (CR).
Lire aussi : Dermatose bovine : la colère agricole s’intensifie
« On est atterrés. On voit bien que la ministre n’a pas choisi la sortie de crise. À la Confédération paysanne, on va continuer le combat, les mobilisations », a réagi un des porte-parole du syndicat, Thomas Gibert.
Le fait que la mobilisation soit née d’une maladie affectant les bovins n’est pas un hasard, pour Amelia Veitch. La chercheuse en anthropologie à l’université de Lausanne (Unil) et à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) a réalisé une étude ethnographique des mobilisations paysannes de 2024 en Bretagne. À cette occasion, elle a constaté le lien viscéral des éleveurs à leurs bêtes. « C’est un amour très fort des vaches qui pousse beaucoup de jeunes hommes à devenir éleveurs, et pas tractoristes ou éleveurs de porcs. En témoignent aujourd’hui les vidéos d’éleveurs qui fondent en larmes. »
Les grandes difficultés économiques que rencontre cette filière mettent à mal les trésoreries aussi bien que la relation des éleveurs avec leurs bêtes. Les éleveurs bovins ont aussi une conscience très forte de la précarité de leur secteur, « alors même que ce sont souvent des profils très attachés au modèle de l’agriculture familiale, qui s’érode progressivement au profit de fermes plus grandes. L’abattage des troupeaux symbolise l’accélération d’un sentiment de fin imminente ».
Colère contre le Mercosur
À cette crise sanitaire s’ajoute le rejet du traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen espère signer ce texte lors d’un déplacement au Brésil le 20 décembre, malgré une demande de report de la France. Les agriculteurs français craignent que des produits agricoles sud-américains — viande bovine, poulet, sucre, maïs, etc. — moins chers et ne répondant pas aux normes européennes inondent le marché communautaire, provoquant une concurrence accrue et une baisse de leurs revenus.
« Ça participe à un climat ambiant de désinformation, où les éleveurs disent “c’est voulu, ils veulent tuer l’élevage français pour favoriser le Mercosur”, rapporte Nicolas Fortin, membre de la Confédération paysanne. Ce sont des arguments que je ne partage pas, mais les éleveurs ont un sentiment d’abandon face à un ensemble de décisions qui vont à l’encontre de leurs intérêts et c’est gravissime. » Si l’accord avec le Mercosur « devait être signé à la fin de la semaine, évidemment que ça amènerait à des mouvements beaucoup plus importants », a prévenu le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, invité sur France Inter le 17 décembre.
Lire aussi : Mercosur : des centaines de paysans manifestent contre une « agriculture bradée »
Sur les politiques européennes, s’expriment aussi des inquiétudes concernant le budget 2028-2034 de la PAC — principal dispositif de soutien économique de l’Union européenne aux agriculteurs —, qui pourrait être réduit de 20 % par rapport à la période 2021-2027, et sur l’entrée en vigueur du mécanisme européen de tarification du carbone aux frontières le 1er janvier 2026, qui pourrait augmenter le prix des engrais de plus de 10 %.
Effondrement du modèle familial historique
Ces différents problèmes ont été les gouttes d’eau qui ont fait déborder le vase, déjà rempli à ras bord de difficultés économiques. « Il y a presque deux ans, les seules réponses apportées aux colères agricoles, déroulées par la FNSEA [et reprises dans la loi Duplomb], ne correspondaient en rien aux attentes des paysans, explique Nicolas Fortin. Ce qui a mis les gens dans la rue, ce ne sont pas les contraintes environnementales, mais le revenu. »
Si le revenu médian annuel des ménages agricoles en 2020 (22 800 euros) pouvait paraître correct, il dissimulait des disparités importantes. 17,7 % des exploitants agricoles vivaient sous le seuil de pauvreté, contre 14,4 % parmi l’ensemble de la population. Parmi les filières les plus fragiles, les maraîchers (24,9 % sous le seuil de pauvreté), les éleveurs ovins et caprins (23,6 %) et les éleveurs de bovins allaitants (21,5 %). Fin septembre, 57 % des agriculteurs pensaient que leur situation financière s’est dégradée pendant l’année.

Entre 2000 et 2023, environ 40 000 fermes de petite taille ont disparu (image d’illustration). © Emilie Massemin / Reporterre
François Purseigle, sociologue, voit dans cette mobilisation celle « d’un monde qui se voit mourir ». L’auteur du livre Une agriculture sans agriculteurs (Presses de Sciences Po, 2022) relate l’effondrement du modèle agricole familial historique au profit d’une agriculture dominée par les grosses structures, les associations entre exploitations et la sous-traitance. « Jusqu’à présent, ça tenait parce que les familles se sacrifiaient sur l’autel de l’exploitation. Mais on voit aujourd’hui les fragilités de l’exploitation familiale », couplées au vieillissement des agriculteurs, explique le sociologue à l’AFP, qui note dans son ouvrage que ce modèle « ne tient plus qu’à un fil ».
Des revenus particulièrement faibles dans le Sud-Ouest
Entre 2000 et 2023, environ 40 000 fermes de petite taille ont disparu, avalées par des exploitations plus vastes. La Confédération paysanne dénonce un « plan de licenciement massif et silencieux délétère pour le bien-être des paysan·nes ». Avec des conséquences parfois tragiques : presqu’un agriculteur se suicide chaque jour.
Lire aussi : Suicide des agriculteurs : une loi examinée à l’heure où le mal-être augmente
Dans ce contexte, le fait que la mobilisation parte du Sud-Ouest n’est pas étonnant. Samuel Legris prépare un doctorat de sociologie à l’université de Pau et des Pays de l’Adour. Il s’était rendu sur les barrages agricoles dans les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées en janvier 2024 et est allé observer le rassemblement devant la préfecture de Pau, le 15 décembre. « Le revenu mensuel moyen des exploitants agricoles est particulièrement faible dans le Sud-Ouest, parfois inférieur à 1 000 euros par mois dans les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées et l’Ariège », explique-t-il. Le modèle agricole s’y est transformé moins rapidement que dans d’autres régions : exploitations plus petites, élevage et polyculture-élevage encore très présents dans les contreforts pyrénéens. »
« L’Occitanie est un territoire où les aléas climatiques sont énormes »
L’outil agroalimentaire local y est en déclin. « Abattoirs en grande difficulté financière, laiteries, ateliers de transformation, coopératives… Tout ce qui permettait aux exploitations de taille moyenne ou petite d’être résilientes devient défaillant, observe Samuel Ouahab, doctorant en sociologie sur les politiques publiques agricoles à l’université de Toulouse, qui se rend lui aussi régulièrement sur les barrages. L’Occitanie, c’est aussi un territoire où les aléas climatiques sont énormes et ont tendance à progresser très significativement. »
Pour toutes ces raisons, la mobilisation pourrait bien durer. Des agriculteurs ont d’ailleurs sorti des sapins de Noël sur les barrages, avec la ferme intention d’y rester pendant les fêtes de fin d’année.
On ne va pas vous le cacher : à Reporterre, on est inquiets.
Les gouvernements se succèdent, la confiance s’effrite, le débat public se polarise : tout semble instable.
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Concrètement, ça veut dire que :
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Samuel Barber : Agnus Dei
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/12/2025
Depuis quelques jours, avant d'aller me coucher, j'écoute ça.
Juste parce que c'est beau.
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Foutez le bordel
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/12/2025
Le rassemblement des luttes a été savamment désorganisé depuis des années par les politiques, les médias et les syndicats. Je serais même incapable de dire de quand ça date mais quand je repense à mon adolescence, la dernière fois que j'ai vu toute une population se regrouper dans une lutte, c'est à Plogoff, contre la centrale nucléaire. La seule fois où j'ai éprouvé de l'amour pour l'intégralité du groupe humain. Les années qui ont suivi m'ont ramené à la réalité..
Fonctionnaires, chômeurs, profs, immigrés, retraités, LGBT, hétéros, catho, juifs, musulmans, agriculteurs empoisonneurs et paysans bios, etc etc... l'idée, c'est de créer des clans, des castes, des groupes, des entités, des gens qui défendent "leurs" intérêts, leur job, leurs droits, leurs acquis sociaux...
Ca marche car chacun veut sauver ses miettes et ne surtout pas prendre le risque de perdre le peu qu’il lui reste. Les gouvernants savent d'ailleurs depuis bien longtemps qu'en annonçant des changements rudes, très rudes, ils vont déclencher des rébellions et qu'il suffira ensuite de lâcher un peu de lest pour que les "sans dents" se réjouissent. Et ça marche, encore et toujours.
Le « petit plus » ça serait le mouvement des policiers. Il est difficile pour eux de rejoindre les mouvements en cours, mais il serait intéressant que le peuple les soutienne car eux aussi sont sacrifiés depuis longtemps. Les militaires pourraient eux aussi rentrer dans la partie. Parce qu'en fait, il n'y a plus que les "forces de l'ordre" qui tiennent le bazar en place.
La colère des agriculteurs est présentée comme une colère sectorielle.
" Les paysans ne sont pas contents". Ils risquent de bloquer les routes des vacances.
Mais bordel de merde, personne ne devrait partir en vacances, les routes devraient être vides. Pourquoi est-ce que Lecornu et toute la clique veulent que les Français partent en vacances ? Mais pour oublier bien évidemment, pour se vider la tête, pour claquer du pognon, pour calmer les colères, pour recharger les batteries et ensuite remonter au front, bref, pour continuer à faire marcher le bazar qui leur permet de toucher leurs émoluements (oui, oui, c'est nous qui les payons).
Le mouvement des agriculteurs inquiète les gouvernants (de toute l'UE, c'est une certitude) parce qu'il peut devenir un mouvement déclencheur, un mouvement commun, un regroupement de toutes les colères, celle des artisans, celle des PME, celle des rmistes, celle des chomeurs, celle des sous-payés, celle des miséreux et ils sont nombreux, très nombreux, celle des épuisés et ils sont nombreux, très nombreux, celle des dégoûtés et ils sont nombreux, très nombreux, celle de tous ceux qui ne croient plus en rien dès lors que c'est l'état, le politique, l'UE, l'assemblée, les députés, les sénateurs, les corrompus, les hors sol, ceux qui n'ont plus aucune idée de ce que la populace endure. Manquerait plus un dérapage majeur dans une banlieue, un "incident" qui mettrait le feu. Là, le potentiel de révolte, il est au top.
La France a toujours été reconnue comme une terre agricole, la bonne bouffe, la gastronomie, les campagnes, les paysans, les bêtes dans les champs, la multitude et la diversité des produits locaux, c'est plus qu'une image d'Epinal, c'est une réalité qui a un véritable fondement. Et tout ça est taillé en brèche depuis des décennies par les mesures de Bruxelles, par l'agro industrie fomentée par les lobbies, par les conditions de vie des paysans, par cette réalité effroyable que c'est la profession qui compte le plus de suicides, bordel de merde, quand est-ce que ça va péter pour de bon ?
Les agriculteurs doivent reconnaitre les artisans. Les commerçants doivent comprendre les pêcheurs. Le bâtiment doit discuter avec les taxis. Les profs doivent soutenir l'hôpital, les fonctionnaires des impôts doivent cesser le travail, les flics doivent poser les armes. Les petites entreprises doivent parler aux salariés, les retraités échanger avec les actifs. Ils parlent tous la même langue. Pas celle des discours. Celle des chiffres. Des factures. Des charges. Des normes, de l'administration de l'UE, celle qui plombe mais qui autorise la mondialisation. De la pression permanente. De cette étrange sensation d’être indispensable au fonctionnement du pays, tout en étant systématiquement sacrifié quand il faut “ajuster”, "négocier", "discuter" "trouver un "compromis".
Macron 1er a dit qu'il repoussait le calendrier du Mercosur jusqu'en janvier. Oh, magnifique. Le temps, en fait, de calmer "les bouseux" sur leurs tracteurs.
La méthode préférée des politiciens et donc des financiers qui les gouvernent, c'est de jouer sur l'épuisement.
La rage, c'est dangeureux, l'épuisement, c'est la solution. Il faut jouer la montre.
"On fait passer Noël et ça ira mieux".
Ils ont peur d'une seule chose, c'est que les maltraités finissent par s'écouter les uns les autres, que se mette en place une convergence, une unité.
Je me souviens de certains commentaires sur le mouvement des Gilets Jaunes. J'espère que ceux qui leur ont craché dessus sont aujourd'hui dans une merde noire, que le système les broie jusqu'à la moelle et qu'ils ne s'en relèveront pas. Qu'ils crèvent.
Oh, les paysans, barrez les routes, cramez des pneus, pétez les péages, balancez le lisier sur les préfectures, foutez le bordel, bloquez tout et que les putains de vacanciers de Noël bouffent leurs dindes et leurs marrons dans le cul avec la peur au ventre ou qu'ils descendent dans la rue.
Bon, demain, faut vraiment que j'aille courir.
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La nature de la conscience : Sylvie Dethiollaz
- Par Thierry LEDRU
- Le 20/12/2025
Je ne connaissais pas cette femme, ni ses travaux.
Je l'ai écoutée avec un ressenti de plus en plus joyeux pour finir par une profonde reconnaissance. Je réalise à quel point toutes mes pensées les plus "étranges" sont justifiées, que tout ce que j'ai pu chercher à traduire dans mes romans ne vient pas de rien, que mon histoire personnelle depuis mon enfance m'a mené là, que je ne pouvais échapper à ce cheminement, heureusement.
Il me plaît de réaliser que ces interrogations et ces cheminements personnels ont pris forme à travers des expériences uniques et non a priori des voies intellectuelles. J'avais 14 ans quand j'ai vécu pour la première fois une "sortie corporelle". J'avais 16 ans quand j'ai rencontré la mort, physiquement, spirituellement, émotionnellement, dans ma chair, que j'ai découvert ce que signifiait le néant. J'avais 24 ans quand j'ai exploré le Réel, c'est à dire ce champ de conscience en tant que l'au-delà de notre infime réalité.
Et puis, ensuite, j'ai entamé des recherches, intellectuelles, cognitives, j'ai cherché à savoir si d'autres personnes expérimentaient des situations similaires. Et puis ensuite, j'ai commencé à écrire.
Alors, oui, entendre cette femme est un réel bonheur parce qu'elle oeuvre dans la dimension scientifique et spirituelle et que donc, ma vie intérieure ne relève pas de la psychiatrie.
"La conscience est le substrat de l'Univers à partir duquel tout prend forme."
Sylvie Déthiollaz
Sylvie Déthiollaz est une docteure en biologie moléculaire, spécialisée dans l'étude des états modifiés de conscience. Elle a fondé à Genève le centre Noêsis, qui est devenu en 2012 l'Institut suisse des sciences noétiques (ISSNOE). Son objectif est d'étudier la conscience à travers des phénomènes tels que les perceptions extrasensorielles, les expériences de mort imminente (EMI) et les phénomènes de décorporation.
Parcours et contributions
Formation : Elle a effectué des études post-graduées à l'Université de Berkeley.
Fondation de l'ISSNOE : L'institut qu'elle a créé se concentre sur la recherche pluridisciplinaire autour des relations entre l'esprit et la matière.
Publications : Elle a co-écrit plusieurs ouvrages, dont un sur les états modifiés de conscience publié en 2011.
Collaborations et projets
Collaboration avec Claude Charles Fourrier : Elle a travaillé avec Fourrier, un psychothérapeute ayant vécu une expérience de mort imminente, pour mieux comprendre et accompagner les personnes ayant vécu des expériences similaires.
Projets de recherche : L'ISSNOE mène des recherches sur les états modifiés de conscience non ordinaires, les EMI et les perceptions extrasensorielles.
Vision scientifique
Sylvie Déthiollaz encourage une approche scientifique ouverte et méthodique pour explorer les phénomènes de conscience. Elle soutient que la science actuelle admet que la réalité perçue est seulement une partie de ce qui existe, laissant la porte ouverte à l'idée que la conscience pourrait exister en dehors du corps physique.
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Contre-nature
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/12/2025
"Il n'y a pas de fait contre nature ; la nature n'est jamais contre elle-même". Paul Toupin
Les coïncidences, c'est tout de même un phénomène fascinant. Comme à chaque fois que je croise la route d'une phrase qui m'interpelle, m'interroge, me trouble, je la malaxe, la mâche, la décortique, l'autopsie jusqu'à plus faim.
Depuis deux jours, c'est la phrase de Spinoza, présentée dans l'article précédent. Alors, je cherche, je fouille, je sors d'autres ouvrages de ma bibliothèque ou je surfe sur les vagues infinies de l'océan du net et bien évidemment, au fil de mes recherches, il arrive que je croise la route d'une autre phrase, tout aussi importante à ce moment-là. Et cette fois, c'est celle-là, la phrase de Monsieur Paul Toupin dont je n'avais jamais entendu parler et qui me happe au détour d'une lecture.
Et toute la journée, alors que j'avais décidé de repartir en forêt chercher de jeunes arbres à déterrer pour les installer bien à l'abri dans notre terrain, alors que je faisais des trous, que j'installais les nouveaux résidents, que je couvrais le sol de broyats divers et que j'expliquais à ces arbres que ce changement de lieu, aussi perturbant puisse-t-il être, est destiné à leur offrir un espace protégé, je tournais l'expression du "contre nature" dans le terreau de mes pensées.
Larousse : Contre nature est une locution adjectivale signifiant monstrueux ou contraire à l'ordre naturel, s'opposant à ce qui est naturel ou normal.
Mais alors, si la nature n'est jamais contre elle-même, comment l'humanité peut-elle parvenir à être aussi destructrice ? Serait-ce donc que l'humanité ne puisse être reliée à la nature ou s'en est-elle extraite au fil du temps ? Et comme la quadrilogie sur laquelle je ne travaille plus depuis quelque temps s'intéresse principalement aux comportements humains et à leurs effets, j'ai inséré dans l'histoire cette interrogation de l'idée d'une nature inhumaine ou d'une humanité dénaturée.
TERRE SANS HOMMES (texte qui sera changé, repris, rechangé, revu, modifié, effacé, réécrit, et ne sera peut-être jamais publié)
Chapitre 8
Joachim Nichols avait rencontré Nancy. Et à la fin de la troisième journée à ses côtés, participant avec enthousiasme aux activités de la communauté, écoutant cette femme comme il n’avait jamais écouté ses anciennes compagnes, bouleversé, fasciné, comblé, envahi d’une sérénité joyeuse qu’il n’imaginait pas ressentir un jour, il avait compris qu’il ne retournerait pas dans son fortin, que l’invitation de Nancy ne pouvait plus être rejetée, que sa solitude n’était aucunement une nécessité, que son histoire n’existait plus, que tout avait été effacé, qu’il n’avait plus aucune mission, qu’il était juste un survivant, au même titre que Josh Randall et les autres occupants du centre. Un survivant qui se devait de saisir les opportunités que la vie lui proposait.
Nancy. Ses robes colorées, sa longue chevelure noire, cette silhouette féline, une personnalité mystérieuse et pourtant intégralement disponible, un phrasé posé, modulé par une voix captivante, un sourire lumineux qui réjouissait instantanément celui ou celle à qui il était destiné, des yeux bleus d’océan, des regards pénétrants, aimants, l’impression d’être déshabillé. Oui, c’est la première impression qu’il avait eue, comme s’il n’était pas possible devant elle d’être autre chose que soi.
Il en avait eu peur.
Puis, il avait réalisé que c’était absurde.
Nancy embaumait la vie d’un amour immense.
« Tu portes des choses lourdes, Joachim, lui avait-elle dit. Et tu ne veux pas en parler mais elles parlent pour toi. »
Au potager, en soins pour les plantes aromatiques, à la taille des arbres fruitiers, à l’aménagement des combles pour accueillir de nouveaux arrivants, pendant la préparation des repas, n’importe quand, n’importe où, Nancy pouvait prononcer des paroles inattendues et d’une justesse absolue, avec un sourire délicat, amusé et respectueux, pleinement consciente de la portée des mots et essentiellement tournée vers l’éveil de son interlocuteur, une révélation à entendre, un nœud à défaire, un lien à créer, un soulagement à offrir, une vérité à saisir.
« Oui, Nancy. »
Il n’en disait rien de plus.
Elle souriait. Lui aussi.
Il avait rencontré l’intégralité de la communauté, des gens ouverts, solidaires, impliqués, tous actifs, tous reconnaissants, tous désireux de se montrer utile, de construire un avenir commun.
Il avait été considérablement surpris de réaliser que Walter Zorn ne tournait plus dans ses pensées, que cette mission qui lui avait été attribuée s’effaçait dans une brume opaque, comme une vie lointaine qui ne lui appartenait plus, que cette nouvelle humanité dont il aurait été un organisateur n’avait pas eu besoin de lui pour s’établir, elle était là, devant ses yeux, il y avait trouvé une place, il en était heureux. Chaque soir, une fois rejoint la salle commune où dormaient les hommes célibataires, il voyait s’éparpiller dans son esprit les pièces du puzzle de son ancienne vie et alors qu’il craignait intensément cette idée d’une disparition existentielle, une perte de sens, une dilution morbide dans une continuité morne, il réalisait avec bonheur que ses journées dans le centre le comblaient au-delà de toutes projections. Un basculement. Il avait bien conscience que Nancy jouait un rôle prépondérant dans cette sérénité joyeuse. Il s’amusait en lui-même de cette frivolité juvénile, de ce pétillement interne, cette chaleur en lui quand elle l’invitait à travers le camp, pour une activité précise ou juste pour s’asseoir sur un banc, au bord de la baie.
« On pourrait penser que la nature ne peut agir contre elle-même et pourtant le comportement des humains depuis bien longtemps est contre-nature puisqu’il contribue à porter atteinte à cette nature elle-même. Est-ce que ça signifie que l’humain est un être dénaturé ? Ou est-ce que la nature est inhumaine dans le sens où elle ne peut être associée à l’humanité entière ? »
Elle le regarda en souriant. Le ciel gris plombait les eaux de la baie d’une lourde tristesse, comme un monde éteint à tout jamais et les vents tournoyants ne plaidaient aucunement à une contemplation prolongée. Et Joachim rayonnait intérieurement.
« Une nature inhumaine, j’aime beaucoup la tournure, répondit-il. Les humains qui accusent la nature dans le cas des catastrophes et qui omettent que rien dans ces situations ne relèvent d’une quelconque volonté, d’une intention, d’un projet, d’un objectif. Pour être coupable, il faut être conscient de ses actes. La nature est neutre alors que l’humain est conscient. Il sait ce qu’il fait même s’il est souvent incapable d’identifier les conséquences de ses actes. Donc, oui, l’humain s’est dénaturé, il s’est mis de côté.
-Ou au-dessus, intervint Nancy. Ce qui est encore bien pire. »
Ils s‘étaient levés lorsque le bateau de pêche de George était venu se ranger le long du quai et ils avaient aidé au déchargement des caisses de crabes.
« C’est impressionnant la vitesse avec laquelle les populations de crabes se sont multipliées depuis le début du bordel, lança le marin. Et même chose pour les poissons. Je laisse traîner cinq lignes et au bout de trois heures, je reviens avec dix-sept poissons. Cinq espèces différentes. Plus qu’à les saler. »
Depuis plus de dix ans, le centre avait développé un système de marais salants et la production était réputée pour sa qualité. La vente assurait un revenu en plus des séjours touristiques ou à visées scientifiques. George et Jack avaient même construit un fumoir cinq ans auparavant et la vente des poissons sur les marchés locaux s’était révélée fructueuse. Tout ce qu’il produisait était écoulé. Désormais, tout entrait dans les réserves alimentaires.
« Tout ce qui est contraire à la nature est contraire à la raison, énonça Nancy. C’est un texte de Spinoza. »
Ils avaient rejoint la salle commune du centre, une grande pièce toute lambrissée et au bout de laquelle trônait une belle cheminée. La chaleur des bûches attirait les résidents après les travaux du jour.
Nancy et Joachim étaient assis dans un canapé. Nancy avait couvert ses jambes avec un plaid. Joachim lui avait apporté un mug rempli d’eau chaude. Elle y avait versé un sachet de thé. Et devant la danse des flammes, elle reprenait le fil de ses idées.
« Alors, c’est que l’humanité est déraisonnable depuis bien longtemps, intervint Joachim.
-C’est évident. Mais j’en reviens dès lors à cette hypothèse selon laquelle l’humain n’est plus un être de nature, qu’il est une excroissance, une mutation, un virus, un extra-terrestre en fait. En tout cas, une entité qui par le truchement de son cortex s’est extirpé de son statut de nature. Dès lors qu’il porte atteinte à la nature et donc à lui-même, c’est qu’il ne raisonne plus et si sa raison le conduit à détruire la nature, c’est qu’il n’en fait plus partie. Il est devenu un être contre-nature. »
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Hors sol et hors de raison.
- Par Thierry LEDRU
- Le 18/12/2025

Il faut prendre conscience du désastre, prendre conscience que le comportement humain est "hors de raison" depuis très longtemps, beaucoup trop longtemps, que l'attitude de l'humain envers l'ensemble de la nature relève de la pathologie étant donné qu'il s'agit de porter atteinte à la vie en nous.
Les climatologues identifient le début des problèmes du dérèglement climatique à l'entrée dans l'ère industrielle, à la découverte et à l'usage des énergies fossiles. Mais, non, en fait, c'est bien avant ça. Les énergies fossiles n'ont été que la conséquence, que la continuité d'une attitude néfaste bien plus ancienne. Je ne chercherai pas à en situer l'émergence. Est-ce que c'est possible d'ailleurs ? Est-ce que ça n'est pas propre à l'humain ? Ne sommes-nous pas en tant qu'espèce "évoluée" destinés à détériorer un mécanisme naturel parfaitement conçu ?
Car si nous établissons un état des lieux en prenant comme point de départ l'an 1000, juste pour donner une date précise, il est évident et indéniable que l'humanité ne peut être considéré autrement que comme un fléau. Au point qu'aujourd'hui, elle met en péril la pérénnité de la vie sur Terre.
J'entends déjà brailler ceux qui diront que la vie ne disparaîtra pas, que c'est l'humanité qui se condamne, que la nature saura se prolonger etc... Mais faut-il donc rappeler sans cesse que l'humanité par son activité a déjà fait disparaître de la terre des espèces entières et qu'elle contribue chaque jour, à chaque heure, à chaque instant à la mort de millions d'animaux, que les océans ne fonctionnent plus normalement, que l'atmosphère est atteinte, que l'eau est polluée, que les sols sont considérablement impactés etc etc... Que la terre nous survive, oui, bien évidemment, le globe tournera toujours mais qu'en sera-t-il de la vie à sa surface ?
Tout ce qui est contraire à la nature est contraire à la raison et nous sommes déraisonnables, condamnés même par notre hégémonie à un comportement de serial killer.
En ce moment les éleveurs se battent pour préserver leurs animaux, qu'ils ne soient pas abattus sur ordre du gouvernement. Des bêtes qui sont condamnés à l'abattoir pour nourrir grassement des populations qui n'ont pourtant aucunement besoin de viande. Je n'en mange plus depuis vingt ans. Mes prises de sang sont excellentes. Je fais bien plus de sport que beaucoup d'hommes de mon âge. Alors, non, je n'arrive pas à prendre partie pour les éleveurs. Par contre, je comprends parfaitement leur détresse dès lors que c'est leur moyen de subsistance et qu'ils ne roulent pas sur l'or malgré un labeur très dur. Je comprends leur colère mais sur le fond, je ne peux pas défendre leur mode de subsistance. Qu'ils contestent le mercorur, ok, très bien, je suis solidaire de ça parce que les viandes qui viendront du Brésil seront gavés de produits interdits en France. Et qu'il est effectivement possible que l'UE "sacrifie" l'agriculture européenne pour favoriser celle de pays moins "exigeants" en échange de voitures européennes ou d'autres produits. Je n'en sais rien, je l'ai lu, je n'ai aucune preuve et je n'en cherche pas. Je n'ai confiance en rien dès lors que les décisions sont prises à des niveaux politiques qui sont bien trop éloignés de ma vie pour que je puisse m'y opposer. Van der Leyen comme tous les grands pontes de l'UE se contrfichent totalement de ce que je pense, comme ils se fichent des agriculteurs français. Nous ne sommes rien d'autre que des consommateurs. Nous n'existons qu'au regard de notre pouvoir d'achat et de notre carte d'électeur.
Par contre, pour ce qui est de la souffrance animale, des vaches, des cochons, des lapins, des poulets, des canards, des poussins broyés, des poissons d'élevage, je pourrai par exemple poster ici les vidéos du dernier abattoir visé par L214 et dans lesquelles les animaux sont tués dans des conditions effroyables. Hors de raison.
L'élevage n'est qu'un problème parmi des centaines d'autres. Nous avons porté atteinte à la vie depuis bien trop longtemps.
Nous sommes, en tant qu'espèce, hors sol et hors de raison.
Et ça ne pourra pas durer éternellement.
