Autisme et création

Documentaire : Dernières nouvelles du cosmos ou la complexité de l'autisme

Le film, Dernières nouvelles du cosmos, prend l'affiche le 6 avril au Québec. On y aperçoit une jeune file ceinturée d'un gonflable qui s'avance dans l'eau sous un ciel étoilé.Le film, Dernières nouvelles du cosmos, prend l'affiche le 6 avril au Québec.  Photo : Artistik Rezo

Dernières nouvelles du cosmos est un documentaire consacré à Hélène Nicolas, une jeune autiste au parcours stupéfiant. Ce film de la cinéaste Julie Bertuccelli, qui prend l'affiche cette semaine, vous fera reconsidérer votre conception de l'intelligence.

Un texte d'Anne-Josée Cameron

Souffrant d'autisme déficitaire, Hélène Nicolas est confiée aux bons soins d'un centre spécialisé (de jour) sans aucune amélioration pendant 14 ans.

En 1999, sa mère Véronique Truffert décide de tout abandonner pour se consacrer à sa fille. Elle prend alors le temps de la connaître vraiment, réussit à lui apprendre à utiliser ses mains et parvient même à la toucher.

Quelle n'est pas sa surprise lorsqu'au détour d'un jeu, elle réalise que sa fille sait lire. Elle lui offre alors un alphabet en pièces détachées et découvre du même coup que sa fille sait également écrire.

Hélène a d'ailleurs publié, depuis, trois livres sous le nom de Babouillec.

On a fait une batterie de tests et j'ai fini avec le dictionnaire car je ne savais plus quoi lui demander.

Véronique Truffert, mère, extrait de Dernières nouvelles du cosmos

Le documentaire Dernières nouvelles du cosmos se penche sur le cas de cette jeune femme brillante, possédant de grandes capacités intellectuelles, dont la plupart des gens auraient dit qu'elle était déficiente.

C'est avec beaucoup de sensibilité que la réalisatrice, Julie Bertuccelli, suit Hélène dans son quotidien. On la voit en compagnie de sa mère, mais également en compagnie du metteur en scène Pierre Meunier qui, ébloui par son recueil de poésie Algorithme, crée un spectacle inspiré du livre.

Dernières nouvelles du cosmos est un documentaire profondément troublant parce qu'il nous oblige à reconsidérer notre conception de l'intelligence et de la normalité. Hélène a trente ans, semble en avoir 20 et a le comportement d'une enfant de deux ans, mais lorsque le dialogue s'établit grâce aux lettres avec lesquelles elle écrit, elle fait preuve d'une intelligence supérieure qui force l'admiration.

Dernières nouvelles du Cosmos prend l'affiche au cinéma à Québec le 6 avril prochain.

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Rouge de soi. Une splendeur !

 

04/04/2018CommenterAllez aux commentaires

 

Si vous ne connaissez pas Babouillec, vous ne me croirez pas. Son portrait ici. C’est une autiste profonde qui n’a jamais appris à lire, à écrire, à parler mais qui possède un cerveau somptueux. Elle retient tout, s’intéresse à tout, écrit comme personne avec un vocabulaire insensé. Chacune de ses phrases est une lumière dans une explosion d’artifice, c’est interrogeant, ça demande une attention pour ne rien rater car tout est important, ou interpellant, ou philosophique dans Rouge de soi. Comme dans Algorithme éponyme et autres textes son premier opus.
Il faut savoir qu’elle « écrit » en déposant des petites lettres en carton sur une feuille et c’est sa mère qui transcrit tel quel. Pas une seule faute d’orthographe, jamais. Des litanies superbes, des pensées magnifiques.
C’est un roman, l’héroïne s’appelle Héloïse Othello, elle est danseuse et participe à des ateliers de créations. Elle a deux chères amies plus le frère de l’une d’elles, en sus, pour le fantasme. Elle a aussi une réparatrice de vie, madame Sanchez (jeu de mot ?) qui la remet sur des rails. C’est pas qu’elle veut être comme tout le monde, avec son cerveau qui ne se plie pas aux règles sociétales, bien au contraire, elle attache une grande importance à la différence mais cherche le minimum de confort pour pouvoir communiquer.
Héloïse, qui jouit de l’autonomie de son corps ce qui n’est pas le cas de Babouillec, est néanmoins sa projection. Elle aussi écrit son livre qui va s’appeler Rouge de soi. Elle explique : « rouge comme les interdits, le sang, l’intimité, l’émotion suprême, la timidité, le dépassement de soi dans la profondeur de l’identité, le carrefour des sens interdits. »
A lire absolument si vous êtes amoureuse/reux des mots, des questions philosophique, du vocabulaire. C’est l’éloge de la différence ou comment faire d’un enfermement terrifiant la zone de décollage d’une poésie hallucinante !

 

Quelques citations d’Hélène Nicolas, alias Babouillec :
« La définition du mot plaisir oriente notre vision du plaisir : fournir du désir à nos intentions. La vie occupée à décrypter les intentions polymorphes de ses hôtes ignore la routine. »
« La liberté d’opinion est un acte précieux inscrit dans la charte des droits de l’homme. A-t-on le droit de s’en servir lorsque nos opinions froissent notre famille, doit-on élire à l’unanimité les opinions permises ? »
« Ma soeur, c’est la nana qui aimerait squatter votre subconscient pour écrire votre histoire avec ses idées. Elle fait partie des gens qui prennent beaucoup de place. Elle ne sait pas où loger son « elle », alors elle déborde. »
 » Suzy la femme a la générosité sauvage d’un cerveau sans garde-fou. Elle a laissé entrer Héloïse et ses valises remplies d’inconvenances  dans la démesure. Suzy, cette raccommodeuse d’esprits effilochés, aide son amie à rassembler les morceaux rouges de soi ».
« Je me suis battue en dehors des conventions sociales qui véhiculent des modèles indéchiffrables dans ma panoplies sensorielle, ce vaste monde de l’auto-construction et je me suis construite dans cet indéchiffrable surréalisme de la pensée, cet ailleurs tellement loin de l’hypothèse du bébé parfait. Combien sommes-nous dans ce monde réglementé à dérailler dès la naissance et à ne jamais trouver la bonne bicyclette ? »
Et la plus belle :
« Avec l’écriture, j’ai enfin trouvé un moyen de me raconter sans parler de moi. »
Epoustouflante, je vous dis !

Rouge de soi de Babouillec, 2017 aux éditions Rivage. 142 pages. 15 €

Texte © dominique cozette

 

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