Coronavirus : Budget des hôpitaux

Et maintenant, que vont-ils faire ?

Il faut bien voir que des crises sanitaires, on va les enfiler comme des perles, année après année. Parce qu'il s'agira, comme celle-ci, de crise écologique et que rien n'est fait pour inverser la tendance. Ni même la ralentir. 

Le covid ou autre chose. 

Il faudra vivre avec. Ou mourir. 

Mais les Etats auront-ils des comptes à rendre ? Non, pas des comptes chiffrés mais des comptes judiciaires ?

A moins que ça soit même des "règlements de comptes". 

Après avoir subi une succession de coupes budgétaires ces dernières années, les hôpitaux sont mis sous pression par l'épidémie de coronavirus.

Après avoir subi une succession de coupes budgétaires ces dernières années, les hôpitaux sont mis sous pression par l'épidémie de coronavirus. - CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

SOCIÉTÉ

Coupes à répétition

11,7 milliards d'économies en 10 ans : comment l'Etat a dépouillé l'hôpital

Par Sébastien Grob

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Les hôpitaux ont subi près de 12 milliards d'euros de coupes budgétaires dans la dernière décennie, planifiées par les différents gouvernements d'année en année. Des moyens qui font aujourd'hui défaut pour faire face à l'épidémie de coronavirus.

Une longue saignée avant la crise. Les plans d'économies se sont succédé ces dernières années dans les hôpitaux publics et privés, afin de répondre aux objectifs de dépenses fixés par le gouvernement d'année en année. Au total, les établissements de santé ont subi près de 12 milliards d'euros de coupes budgétaires en dix ans. Cette cure d'austérité s'est fortement intensifiée sous le quinquennat de François Hollande, et s'est maintenue à un niveau élevé depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. Autant de moyens qui manquent aujourd'hui pour faire face à l'épidémie de coronavirus, alors que les soignants sont confrontés depuis des années à un manque de lits et de personnels.

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L'austérité dans les hôpitaux est planifiée à travers un instrument budgétaire dédié : l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, ou Ondam, un acronyme omniprésent dans les revendications des soignants. Créé en 1996 par le gouvernement Juppé, cet indicateur est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) élaborée par l'exécutif. Il sert de cadre à la politique de santé, en définissant le montant des dépenses que la collectivité doit prendre en charge. Mais sans établir une enveloppe bloquée : les remboursements de l'Assurance maladie ne sont pas coupés s'ils dépassent l'objectif. "L'Ondam a été créé pour contenir les dépenses de santé, rappelle Rachel Bocher, psychiatre et présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). Il correspond à un raisonnement budgétaire primaire, plutôt qu'à une logique de soin". L'Ondam est subdivisé en sous-objectifs par secteurs, dont un pour les hôpitaux.

HAUSSE SOUS CONTRAINTE

L'Ondam augmente chaque année, d'une LFSS à l'autre. Mais moins que l'évolution "naturelle" des dépenses des hôpitaux, qui s'accroissent pour suivre les besoins de santé de la population. "Cette progression est liée à la hausse de la population et de la part des personnes de plus de 65 ans, ainsi qu'à l'explosion des maladies chroniques depuis 30 ans", détaille Rachel Bocher. La hausse des charges des hôpitaux qui se produirait en l'absence de mesures nouvelles d'économies est calculée dans chaque LFSS, et tourne autour de 3,5% par an. "Et c'est une estimation basse", pointe Rachel Bocher. Or, la hausse de l'Ondam fixée chaque année est bien inférieure, à 2,3% en moyenne sur la dernière décennie.

 

L'écart entre les deux chiffres représente autant d'efforts demandés aux hôpitaux. Sur les dix dernières années, un total de 8,7 milliards d'euros d'économies était prévu par les LFSS successives. Cette cure d'austérité s'est fortement intensifiée sous le quinquennat de François Hollande, à partir de 2012. Ce qui peut s'expliquer par un contexte global de resserrement des dépenses publiques : "L'Ondam s'intègre dans une politique de rigueur budgétaire plus large", relève Rachel Bocher. Les restrictions ont culminé à près d'1,7 milliards d'euros en 2017, et sont restées élevées après l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron. A noter que la LFSS est adoptée en décembre pour l'année suivante : les économies prévues pour 2019 ont par exemple été décidées fin 2018.
 

 

Ces objectifs budgétaires sont mis en oeuvre à travers un "recours prépondérant à des leviers de régulation par les prix", avec "une minoration des tarifs hospitaliers", comme l'explique un rapport sénatorial sur l'Ondam publié en octobre 2019. C'est-à-dire en baissant les montants remboursés par l'Assurance maladie à travers la "tarification à l'activité". Mis en place en 2004, ce système organise le financement des hôpitaux à partir du nombre et du type de soins qu'ils effectuent. Un prix est attribué aux différentes opérations, qui sont comptabilisés par les établissements pour servir au calcul de leurs dotations. Ces tarifs sont révisés tous les ans par le gouvernement, et ont été diminués à plusieurs reprises ces dernières années pour atteindre l'Ondam. Charge aux hôpitaux de compenser cette perte de recettes. En plus de ce pilotage national, "les directeurs des Agences régionales de santé sont chargés de faire respecter l'enveloppe prévue" au niveau local, précise Rachel Bocher.

"ON EN PAIE LE PRIX FORT"

Les objectifs d'économies fixés par l'Ondam ont été systématiquement respectés depuis 2019. Et même dépassés : les versements de l'Assurance maladie aux hôpitaux ont été plusieurs fois inférieurs de plusieurs centaines de millions d'euros au plafond fixé en LFSS, comme le note le rapport sénatorial de 2019. Soit 3 milliards d'euros d'économies supplémentaires sur la dernière décennie, qui sont venues s'ajouter aux 8,7 milliards prévus. Au total, les hôpitaux ont donc subi 11,7 milliards d'euros de coupes budgétaires en 10 ans.

 

Les établissements se sont adaptés en sabrant leurs dépenses. "Cela s'est traduit par une réduction du personnel et du nombre de lits. Environ 40% des lits de réanimation ont par exemple disparu en trente ans", estime Rachel Bocher. De quoi handicaper les soignants face à la crise sanitaire actuelle. "On paie au prix fort les économies faites pendant toutes ces années, pointe la présidente de l'INPH. La nécessité du confinement est liée au manque de lits de réanimation. Et rien n'était prêt au niveau du matériel : on manque du surblouses, de masques, de tests…" Les coupes se sont aussi traduites par une "dégradation (...) de la situation financière des hôpitaux publics", avec une hausse de leur déficit budgétaire, indique le rapport sénatorial sur l'Ondam. La vague de l'épidémie de coronavirus a finalement poussé le gouvernement à desserrer l'étau : d'abord prévu à 2,1% pour 2020, l'Ondam a été relevé à 6,5%, comme l'a annoncé Olivier Véran le 14 avril sur RTL. Un répit éphémère ?

 

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