Dominique Bourg : la sobriété

 

 

Dominique Bourg : "La sobriété, ce n'est pas vivre plus mal, c'est apprendre à vivre mieux"

 

Vendredi 12 août 2022

ÉCOUTER (24 MIN)

Image d'illustration ©AFP - CAMILLO BALOSSINI / ROBERT HARDING

8h20 - Podcast

Provenant du podcastL'invité de 8h20 : le grand entretien

CONTACTER L'ÉMISSION

Résumé

Dominique Bourg, philosophe franco-suisse, professeur honoraire à l'Université de Lausanne et spécialiste des questions environnementales et Olivier Sidler, membre fondateur et porte-parole de l'association négaWatt, qui prône la sobriété énergétique, sont les invités de France Inter.

En savoir plus

"On se comporte comme si la Terre n'existait pas. Comme s'il n'y avait pas d'équilibres sur cette planète, et comme si on pouvait, par nos techniques, tout transgresser", commence le philosophe Dominique Bourg, spécialiste de l'écologie. Il donne une définition de la sobriété : "Ce n'est pas de vivre plus mal, c'est d'apprendre à vivre mieux, avec une empreinte écologique beaucoup plus petite". Or, dit-il, "quand vous parlez de sobriété, si chacun doit faire moins, ça rend les écarts de richesse beaucoup plus insupportables. Qu'un Jeff Bezos fasse du tourisme planétaire et émette en carbone ce que des centaines de personnes ne feront même pas dans leur vie, ça n'est plus tolérable", analyse-t-il.

"L'idée clé de la sobriété, c'est l'autolimitation"

Il revient sur l'origine philosophique de ce concept. Selon Dominique Bourg, l'idée clé de la sobriété, "c'est l'autolimitation et la civilisation qui a le plus excellé dans ce domaine, c'est la Grèce. La Grèce s'est construite sur le rejet de la démesure, de l'hubris", détaille-t-il. Puis il poursuit : "la sobriété, ce n'est pas pour se faire suer. C'est pour trouver une forme d'équilibre, car il n'y a pas de bonheur sans une forme d'équilibre. Dans nos sociétés, où on nous incite à acheter sans cesse, c'est très anxiogène. On crée un manque artificiel". Selon lui, passer à la sobriété, c'est donc changer de "civilisation".

Pour Olivier Sidler, membre fondateur et porte-parole de l'association négaWatt : "La sobriété, c'est tout ce qu'on peut faire à titre individuel et collectif pour changer nos comportements et nos choix afin de réduire la quantité d'énergie nécessaire pour satisfaire nos besoins de base. Si chacun s'astreint à cela, c'est un grand progrès", avance-t-il.

"On peut tous prétendre qu'on est libre, sauf qu'on fait mourir l'espace qui nous fait vivre"

Que répondre à ceux qui prônent plutôt la liberté, et notamment celle de consommer ? "La Terre a ses limites", déclare Olivier Sidler*. "On peut tous prétendre qu'on est libre et qu'on a le droit de faire ce qu'on veut. Sauf qu'on est en train de faire mourir l'espace qui nous fait vivre, qui nous nourrit. Donc c'est suicidaire de faire ça*."

Et donc, cette fameuse liberté individuelle que chacun s'octroie est au final la disparition de la liberté de tous puisque chacun condamne les autres à souffrir et même à mourir. On pourrait donc dire "que j'ai le droit d'être libre de faire ce que je veux, légalement parlant, même si cela impacte la vie de tous. C'est face à ce paradoxe mortifère qu'il est urgent et impératif de légiférer. Mais qui aura le courage de le faire ? 

Dominique Bourg revient sur ce concept de liberté : "La liberté a pour limite ce qui ne nuit pas à autrui, or c'est ce qu'on fait. La manière dont nous, Occidentaux, avons répandu une illusion de l'accomplissement de soi par la consommation, ça a pour conséquence de détruire la vie sur Terre. Donc ce n'est pas de la liberté", estime-t-il.

Les "énormes intérêts pour le particulier" de la sobriété

Olivier Sidler, fondateur de négaWatt, liste les "énormes intérêts pour le particulier" de la sobriété : "l'intérêt économique, se sentir mieux dans la maitrise de sa vie, l'amélioration de sa santé, une plus grande résilience, la préservation du bien être animal et de la biodiversité…Ca fait beaucoup de choses qui sont positives lorsqu'on s'engage dans ce concept de sobriété."

 

 

 

blog

Ajouter un commentaire