Etre aimé. (spiritualité)

Je pensais cette nuit à cette béatitude au coeur de la nature, cette sensation extrêmement forte d'être accueilli, protégé, aimé, compris. Sans que rien ne soit attendu en retour. J'ai pris conscience alors que l'amour humain ne pouvait pas déclencher cet état de paix intérieure. Aussi fort que soit l'amour humain, il restera intérieurement des intentions, des attentes, des réticences, des craintes, des espoirs...Que cela dure, que cela ne soit pas gâché par une mauvaise interprétation, que l'autre ne soit pas déçu dans ses attentes, que l'autre ne s'attende pas à autre chose...Même si ça n'est pas le cas, même si le partenaire n'attend rien ouvertement, on ne peut pas s'empêcher d'avoir peur. Peur de se tromper, de décevoir, de ne pas en faire assez. Ca n'est pas dramatique en soi. Il faut juste accepter de le verbaliser pour que tombent ces non-dits dévastateurs.
Dans la nature, ça ne m'arrive jamais parce qu'elle ne demande rien. C'est un don unilatéral. Je reçois et il me plaît d'imaginer que son bonheur est que je m'abandonne à ce qu'elle me donne. Je n'ai rien d'autre à faire et dès lors la peur disparaît et les pensées avec elle. C'est de là que naît cette fusion. "Perdre la tête" devient possible. Et le corps disparaît avec la tête. Il n'y a plus que l'énergie, le flux vital, cette vibration intime qui coule en moi sans que je sache où je suis.

Il m'arrive aussi de "décrocher" sans que l'état physique soit la cause, sans que je sois allé chercher ce délabrement corporel générant cette paix intérieure. M'asseoir au sommet d'une montagne, devant l'océan, sur un plateau granitique de l'Aubrac...Juste cette contemplation silencieuse et cet envahissement parfois fulgurant de ce flux vital qui vibre aussi en moi, comme une osmose...Difficile à exprimer en quelques mots...
Cette paix intérieure, générée par le plongeon absolu dans le monde, je la vois surtout comme un épuisement du mental parce qu'il arrive un moment dans l'effort où il n'y a plus de pensées, où un silence complet s'installe, comme si les pensées anarchiques ruisselaient avec la sueur, il n'y a même plus de sensations corporelles, tu marches sans effort, dans un état second que je vois davantage comme un état premier d'ailleurs, une dimension de fusion avec la vie, une vie intérieure.
Dans la situation de danger, j'ai connu cet état de lucidité extrême, sans aucune réflexion, un instinct d'une puissance incommensurable, comme si tout était là en moi, tout ce qu'il faut accomplir, dans l'instant, la peur a disparu, il n'y a aucune projection temporelle, tu es là, ancré dans l'instant, avec une force si belle qu'elle te fait pleurer de bonheur. Alors bien sûr, on peut mettre ça sur le compte des endorphines et sans doute qu'il ne faut pas nier les phénomènes chimiques...Mais ce que je trouve dans ces instants là a une puissance si extrême que je ne peux pas la limiter à des phénomènes biologiques...Il y a autre chose. La même énergie que celle que je perçois dans la contemplation simple d'un paysage. Cette unité avec la vie. Disons qu'il y a plusieurs voies.
S'agit-il d'un éveil ? Je ne crois pas parce que ça n'est pas durable dans les effets. Sans doute que la porte reste entrouverte mais je ne suis plus de l'autre côté. Je sais juste que c'est là. Je sais comment passer le seuil. Mais la vie sociale a des exigences incompatibles avec le maintien de cet état de lucidité. Je ne peux pas aller dans ma classe, devant mes élèves, dans cet état de " décrochement". J'en ai longtemps souffert. Et puis j'ai fini par réaliser que je devais me satisfaire de cette "ouverture", qu'il ne servait à rien que je me torture étant donné que je reconstituais dès lors une enceinte gigantesque, des barrières générées par ma volonté. Je sais aujourd'hui que mon corps est un "passeur", un ouvrier au service de cet esprit et que le mental s'effacera devant mon énergie. Je laisse les choses se faire, je vais marcher et je laisse tomber sous mes semelles des résidus mentalisés qui n'ont rien à faire là-haut.

Et puis, je découvre peu à peu que cette paix est accessible par l'absence de tout, aucune course en montagne, aucun raid à vélo, rien, juste s'allonger et entrer en soi, par la canal de la respiration, par l'ancrage de la pensée sur le mouvement de la poitrine, le souffle initial, l'absorption de l'air qui m'enveloppe, son voyage en moi, son rejet pour le mêler au réservoir infini de l'atmosphère...La respiration est un acte d'amour. L'air me pénètre et je le restitue...Ce que je rejette sera purifié, la Nature s'en chargera et elle m'offrira de nouveau le flux vital. Sans aucune attente de sa part, sans aucune demande. Un don bienveillant.

"Faire l'amour" est une expression prétentieuse finalement étant donné que c'est l'Amour qui nous fait.

Nous sommes constamment projetés dans cet acte d'amour. Juste le souffle. Entrer, sortir, entrer, sortir...Doucement, sans aucune violence, avec une tendresse totale...Peut-être devrions-nous honorer cette union. Et délaisser tout ce qui ne participe pas à cette fusion.

Mais que resterait-il ?...

 

blog

Ajouter un commentaire