FIFA

C’est la théorie de la saucisse:

«Si vous aimez quelque chose, n’essayez pas de savoir comment c’est fait.»

Après la neutralité du Net, John Oliver s’est attaqué à la Fédération internationale de football, la Fifa, ce dimanche 8 juin dans l'émission Last Week Tonight, sur HBO. Et l'humoriste britannique arrive parfaitement à expliquer les enjeux au public américain (et européens):

«La Fifa est une organisation incroyablement grotesque. Expliquer à quelqu’un comment fonctionne la Fifa est un peu comme lui montrer Two Girls One Cup. Vous le faites surtout pour regarder comment il réagit

Une série d’extraits de journaux télévisés montre l’argent dépensé dans des stades qui ne serviront que pour quelques matchs, les retombées économiques qui ne reviennent pas aux Brésiliens, mais à la Fifa:

«Imaginez l’argent comme des poils pubiens, et la Fifa comme de la cire. Quand ils s’en vont, ils prennent tout l’argent avec eux. Y compris dans certains endroits dont vous ignoriez l’existence.»

Ajouter à cela le fait que la Fifa ne paie aucun impôt ou taxe:

«Le Brésil laisse ainsi à la Fifa 2,5 millions de dollars. Wesley Snipes (condamné à trois ans de prison pour fraude fiscale en 2010) doit donc se dire que le foot était la solution.»

Mais la Fifa laisse aussi beaucoup derrière elle... comme des lois.

En 2003, le gouvernement brésilien a banni l’alcool des stades pour des raisons de sécurité. Petit problème du côté de la Fifa, Budweiser (une marque de bière américaine) sponsorise la Coupe du monde. Jérôme Valcke, le secrétaire général de la Fifa s’était exprimé à ce sujet, ce qui donne une raison à John Oliver de se moquer de son accent:

«J’ai peut-être l’air arrogant, mais on emmerde vos lois et la sécurité. C’est bien comme ça qu’on dit?»

Avant de reprendre plus sérieusement:

«Et le plus incroyable, c’est que la Fifa  réussit. Une loi Budweiser autorise la vente de bière dans les stades de foot. A ce point-là, soit vous êtes horrifiés, soit vous êtes soulagés que la Fifa ne soit pas sponsorisée par la cocaïne et les tronçonneuses.»

Avant d’expliquer que la Fifa est déjà allée plus loin:

«Quand l’Afrique du Sud a accueilli la Coupe du monde en 2010, la Fifa a obligé le pays à créer des tribunaux spéciaux.  Ceci a l’air drôle dit comme cela, sauf que, c’était loin d’être une blague. Deux Zimbabwéens qui ont volé deux journalistes un mercredi, ont été arrêtés le jeudi, et commencé leur peine de 15 ans de prison le vendredi.»

Tout cela avant de rappeler que la Fifa elle-même et certains de ses membres dirigeants sont régulièrement accusés de corruption:

«Et si vous pensez que la Fifa ne peut pas être encore plus comiquement grotesque, voici leur salle de réunion. Elle ressemble comme deux gouttes d’eau à celle deDocteur Folamour. Je crois que c’est la meilleure preuve que c’est une organisation qui n’en a rien à foutre de ce que vous pensez d’elle. Et pourtant, la personne à la tête de la Fifa continue de répéter que cette dernière n’est qu’une humble organisation à but non-lucratif… Avec une réserve de plus d’un milliard de dollars à la banque.»

Il décide ensuite de présenter Sepp Blatter en publiant un extrait où un présentateur raconte que le président de la Fifa pense que la meilleure façon de rendre le foot féminin plus attractif est de demander aux filles de mettre des shorts plus courts.

Mais le plus terrifiant avec la Fifa n’est peut-être pas son passé ou son présent, mais son futur.

«Le Qatar en 2022? Il y a entre une et cinquante raisons pour lesquelles c’est une horrible idée.»

Premièrement la température, avec des pointes à 50°C. Et en revenant sur lesaccusations de corruption pour que le Qatar accueille la compétition :

«J’espère que c’est vrai. Sinon, c’est littéralement insensé. Pas seulement à cause du temps, mais aussi à cause des conditions de travail. La Coupe du monde au Qatar est l’entreprise de construction la plus mortelle depuis les pyramides d’Egypte. Et à ce point, j’espère vous avoir montré à quel point la Fifa est consternante.»

Et pourtant, comme la plupart des gens dans le monde, nous sommes incroyablement excités avant même le coup d’envoi du premier match, jeudi 12 juin. Pour l’expliquer, John Oliver décide de rapprocher le foot des autres religions:

«Le foot n’est pas qu’une simple religion. C’est plus que ça, et la Fifa est son église. Prenez une minute pour réfléchir à cela: son leader est infaillible, elle oblige des pays sud-américains à construire des cathédrales opulentes avec de l’argent qu’ils n’ont pas, et elle est responsable d’un nombre incroyable de morts au Moyen-Orient.

Mais pour beaucoup de gens à travers le monde, comme moi, c’est le seul gardien de la seule chose qui leur donne une raison d’être.»


Cette "loi Fifa" qui ligote le Brésil

Par Pauline Hofmann

Publié le 10 juin 2014 à 19h59Mis à jour le 10 juin 2014 à 20h48

     
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Un manifestant écoute un discours devant une cohorte de policiers brésiliens (illustration)
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Un manifestant écoute un discours devant une cohorte de policiers brésiliens (illustration) © Reuters

TOUTE PUISSANTE - Brasilia a dû voter la "loi générale de la Coupe", qui dédouane la Fifa de toute responsabilité et préserve les sponsors de la Coupe du monde.

Le Brésil doit gérer une fronde sociale et l’organisation de la Coupe du monde de football au même moment. 42 employés du métro de Sao Paulo ont été licenciés lundi pour avoir fait grève, en vertu d'une législation mise en place pour la Fifa, estiment les signataires d'une tribune dans Libération. La Fédération, elle, n’est pas très inquiète, puisqu’elle a assuré ses arrières en mars 2012 en faisant voter la Lei geral da Copa, la loi générale de la Coupe.

Le Fifa protège ses deniers. Cet appareil législatif imposé par l’instance internationale du football bouleverse fortement l’économie brésilienne. Quand la Seleçao jouera, la Fifa a ordonné un jour férié dans les villes.

Plus grave : porter atteinte à l’image de la Fifa ou à ses sponsors est désormais un crime fédéral, tout comme l’utilisation sans autorisation de l’image de la Coupe du monde. Des employés de métro de Sao Paulo ont été licenciés après leur grève justement dans le cadre de cette loi. "C’est une grave atteinte à la liberté d’expression", estime pour Europe 1 Marc Perelman, chercheur en esthétique philosophique à Nanterre, signataire de la tribune.

La tradition du football populaire en prend également pour son grade, puisque la Fifa a imposé la fin des prix réduits. Le gouvernement a malgré tout voulu maintenir des tarifs seniors.

Cette "loi Fifa" qui ligote le Brésil

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La libre-concurrence, connais pas. Mais les vrais protégés de la Fifa avec cette Lei geral da Copa controversée, ce sont ses sponsors. Fini l’interdiction de boire de l’alcool dans les stades brésiliens. Peu importe la violence engendrée par la consommation d’alcool, la Fifa veut préserver ses relations avec un de ses plus gros sponsors, Anheuser-Busch, qui fabrique la bière Budweiser. La fédération a également assuré de gros cadeaux aux entreprises engagées dans l’organisation de la compétition, notamment les entreprises de travaux publics, grâce à des exonérations fiscales, des réductions de délais dans l’obtention de permis, ...

Comme le remarque pour Europe 1 le sociologue Patrick Vassort, la Fifa a réussi à mettre la libre-concurrence entre parenthèses le temps de la compétition. Elle se réserve le privilège de toute activité commerciale sur certains produits aux abords des stades. Les 300.000 vendeurs installés dans un périmètre de 2km autour des stades devront baisser leur rideau s’ils ont l’intention de vendre des produits de sponsors de la Fifa.

Cette "loi Fifa" qui ligote le Brésil

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Des tribunaux spéciaux. Pour juger si les Brésiliens respectent ou non cette loi Fifa, l’instance internationale de football a bien l’intention de créer des tribunaux d'exception, comme cela a été le cas en Afrique du Sud, totalement anticonstitutionnels dans un pays qui assure l’égalité de ses citoyens devant la justice. Pourtant, le Tribunal fédéral suprême a débouté une action contre la Loi générale de la Coupe.

De plus, la Fifa se dédouane par avance d’éventuels incidents : "Le gouvernement fédéral assumera la responsabilité" d’un incident "lié à la sécurité" et "objectivement attribué à la Fifa, à moins que la Fifa elle-même contribuera à cet incident", explique l’Etat.

Mais le Brésil le promet, l’Etat garde sa souveraineté, puisqu’"aucun amendement ne va à l’encontre de la Constitution fédérale ou de l’ordre légal du pays." Ce n’est pas l’avis des deux signataires de la tribune deLibération, qui estiment, comme l’ancien joueur brésilien Romario, que la Fifa sera le temps du Mondial "la vraie présidente du Brésil". Cette loi temporaire, dans tous les cas, sera supprimée cinq jours après la compétition.

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STATU QUO - La grève du métro suspendue

MOUVEMENT SOCIAL - Grève dans le métro à Sao Paulo

CONTESTATION - Qui sont les manifestants brésiliens ?

INTERVIEW - "La Fifa fait une sorte de néo-colonialisme", selon Sébastien Lapaque

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