Je veux mourir jeune

Jon Hopkins. Rien ne ressemble à ses compositions.

Je peux le reconnaître entre mille. Et je le kiffe à mort.

Ce morceau-là, quand je trotte en montagne, je le passe en mode répétitif et j'ai l'impression qu'il nourrit mes muscles, je cours, je cours, les yeux fixés sur le terrain, et une partie qui regarde en moi, chaque fibre, chaque appui, chaque poussée, chaque souffle, c'est un bonheur sans fin, sans fatigue, sans lassitude...

Parfois, je lève les yeux quand le terrain le permet et je me réjouis d'être là, de sentir mon corps vivant, pleinement vivant, brûlant, toute cette énergie intérieure...Les montagnes sont mon terrain de vie, je me nourris de leur beauté.

Peu importe que le potentiel physique se réduise au fil des années, je n'en ai aucune aigreur. Ce qui importe, c'est que la partie disponible à ce jour soit encore exploitée, autant que possible, qu'elle ne soit pas abandonnée parce que je ne peux plus en faire autant que dans mes jeunes années.

Je suis jeune encore parce que je continue avec mon corps d'aujourd'hui, avec toutes ses faiblesses, ses épreuves endurées, ses plaies profondes.

C'est là que se trouve la jeunesse réelle. Celui qui arrête d'user de son corps décide ce jour-là d'être vieux.

 

Les premières notes...Je marche quelques secondes, je sais que mon corps est prêt, je l'ai échauffé avant de partir, je sais qu'il attend l'accélération, je sais que le bonheur que je ressens est le sien.

La rythmique s'enclenche, je lance les premières foulées, mes bâtons de marche à la main, à chaque pente je m'en sers et je pousse avec les épaules pour projeter le corps en avant, à chaque descente, ils me servent d'appui, cette alternance répétitive des gestes est un délice étrange, un état second dans lequel la concentration est sans faille, je vois les pierres, les trous, les ornières, les irrégularités avec une acuité totale, un monde intérieur connecté avec le relief, un lien surpuissant.

Je bénis la nature, je l'aime de tout mon être, je sais tout ce que je lui dois. Si je n'avais pas pu vivre Là-Haut, je serais déjà mort.

Mais je cours encore, j'ai 57 ans de jeunesse en moi et je ferai tout mon possible pour mourir jeune, heureux d'avoir épuisé jusqu'à la dernière goutte l'élixir de vie.

1584126495-p7250033.jpg (4288×3216)

 

Avec ce morceau-là dans les oreilles :

 

blog

Ajouter un commentaire