L'amour et le besoin (2) (spiritualité)

 

 

Ce besoin invalidant dont je parle au coeur de l'amour est bien entendu un besoin "existentiel" et non un besoin évènementiel. 

Un besoin d'être rassuré, soutenu, guidé, réconforté, accompagné, ce besoin d'être pris en charge, de pouvoir se délester sur l'autre des situations contraignantes ou anxiogènes. Tout ce qui relève en fait de la "mission" d'éveil de l'individu et qui doit être assumé au mieux.

S'il s'agit d'un besoin lié à une situation particulière dans laquelle l'individu n'a pas les capacités physiques ou morales, ou les capacités cognitives ou l'expérience suffisante, bien entendu qu'un soutien, qu'un accompagnement, qu'une "assistance" sera nécessaire ou justifiée. 

Quand la bouteille de gaz de la maison est vide, je suis plus apte à la charger dans le coffre de la voiture pour aller la changer que ma Belle. Ce qui ne signifie pas qu'elle ne pourrait pas le faire. Il ne s'agit pas de nier les besoins de l'autre quand il n'a pas le même potentiel pour les assumer. Il s'agit juste de ne pas empiéter sur tout ce qu'il peut réaliser et qui contribuerait à son éveil. 

Ma Belle m'a appris à skier. Elle maîtrisait parfaitement la technique alors que la mienne consistait à creuser des trous....Elle aurait pu me laisser apprendre. J'y serais peut-être parvenu mais au risque de me faire mal ou d'être dégoûté par la chose. Son accompagnement m'était bénéfique. J'avais besoin de ses connaissances. Néanmoins, elle ne peut pas skier à ma place. Il fallait bien que j'apprenne à espacer le pointillé de mes trous dans la neige. Ces moments de vie communs sont des souvenirs merveilleux. Ils auraient pu être aussi l'occasion d'une distanciation....

Ils sont nombreux ces couples qui se séparent le temps d'une pratique sportive ou artistique... Chacun dans son domaine...Et on se retrouvera à table.....Ou au lit....

C'est toute la problématique entre une situation existentielle et une situation évènementielle. La première est fondamentale, constante, archaïque, elle porte l'histoire personnelle de l'individu, ses blocages, ses progrès, ses doutes, ses convictions, ses regrets, ses défis etc etc.... La seconde est épisodique et elle offre bien souvent l'opportunité d'un partage assumé, volontaire, le bonheur de pouvoir délester l'être aimé d'une charge, d'une corvée, d'un travail particulier pour lequel il n'est pas le plus compétent ou adapté.

Bien entendu que si je répondais à ma Belle de se débrouiller pour changer la bouteille de gaz parce que je préfère aller faire un tour de vélo, je ne serais juste qu'un abruti.

Qu'en est-il maintenant de ces besoins existentiels pour lesquels l'être aimé exerce une pression pour qu'il en soit délesté ? Comment réagir ? Est-ce juste de répondre à sa demande ou doit-on se retirer ?

Ni l'un, ni l'autre. Ca n'est pas l'acte qui va importer mais tout le dialogue qui aura précédé, c'est à dire la prise de conscience partagée de ce que la situation génère. 

Imaginons une femme qui craint de parler devant un groupe de personnes et dont le compagnon va occuper le devant de la scène, en permanence. Il peut éprouver un sentiment d'accomplissement de ce qu'il imagine être une "mission de protection", il peut même se sentir glorifié par ce positionnement privilégié. Sa compagne peut lui être reconnaissante, être soulagée, le bénir pour son dévouement...

Mais il n'y aura aucune évolution... C'est une protection qui relève de l'enfermement.

Il se peut même qu'un jour, au fil des années, cette compagne finisse par reprocher à son homme, cette occupation constante de l'espace relationnel.

Il n'y a pourtant aucun jugement à porter, aucun reproche à se faire puisque tout s'est fait dans une sorte d'absence de réflexion, de déni de l'ouvrage à mener, de l'apprentissage à construire. Chacun pensait y trouver sa part mais c'est en fait un pillage. Le pillage du progrès que chacun porte en soi. 

Le besoin existentiel aura été nié, étouffé, rejeté, pris en charge par l'autre. 

L'homme pourrait même se sentir en danger s'il venait à voir sa compagne prendre davantage d'assurance. "Que vais-je devenir si elle n'a plus besoin de moi ?"

La femme pourrait même prendre peur si elle venait à réaliser que son compagnon se sent délaissé, prendre peur au point de se "sacrifier", de refuser ce progrès à vivre, juste pour ne pas lui faire de mal...

Les imbrications inconscientes ou non-dits, les pensées secrètes, les interprétations, les croyances, les peurs, les abandons.....Tout prend forme dans le silence, dans l'absence de dialogue, dans le manque de confiance en soi. Et par conséquent, de confiance en l'autre...

Les besoins existentiels doivent être discutés, explorés, cartographiés, partagés pour être pleinement assumés.

Les besoins matériels, évènementiels, quotidiens, doivent être partagés au mieux des capacités de chacun. Selon son propre potentiel.

Je fends le bois de chauffage pendant que ma Belle tond la pelouse. On pourrait faire l'inverse. Chacun de nous deux en est capable. Mais cette organisation-là nous convient. 

Les besoins peuvent être des enceintes que chacun érige ou des horizons à parcourir. C'est là que prend forme la fossilisation du couple ou son élévation. 

C'est un choix primordial, vital, fondamental. 

Personne n'a le droit de priver l'autre de son besoin d'éveil. Au risque de tuer l'Amour

 

 

 

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