L'impureté de l'oisiveté

Depuis mon opération chirugicale en novembre et l'hémorragie interne qui a suivi, j'ai du mal à reprendre une activité physique aussi intense que d'habitude et je sens une certaine "lassitude", comme un ennui profond, une absence d'euphorie et de bonheur.

Henri David Thoreau en a une explication très claire.


"Je ne me sens jamais inspiré que mon corps ne le soit aussi. Lui aussi repousse une vie médiocre et terne. Ils se trompent fatalement ceux qui pensent qu'ils peuvent exercer leur esprit et laisser croupir leur corps dans la volupté et la fainéantise. Le corps est le premier disciple de l'âme. Notre vie n'est que l'âme manifestée par son fruit, le corps. Tout le devoir de l'homme peut tenir en une phrase : fais toi un corps parfait.

Une personne impure est une personne universellement indolente, quelqu'un qui reste assis près d'un poêle, que le soleil éclaire sur sa couche, quis e repose sans être fatigué. Si vous voulez éviter l'impureté et tous les péchés, travaillez avec sérieux, quand bien même ce serait au nettoyage d'une écurie.

L'impur ne peut rester ni debout, ni assis avec pureté. "

Thoreau


Je le vois chaque matin avec les enfants de la classe. Deux fois par semaine, je dispose du gymnase de 8h30 à 10H. On court, on joue, on saute, on rit, on se dépense sans compter. le retour en classe prolonge ce bonheur dans le travail intellectuel. Les enfants sont très actifs, appliqués, attentifs. Il n'y a aucune excitation mais une concentration parfaite. La pureté du corps en action s'est transmise à l'esprit.


J'aime beaucoup aussi cette réflexion de Gilles Farcet

"L'impureté d'un acte, qu'il s'agisse de manger, de se lever, de parler, réside dans le fait qu'il est accompli mécaniquement et non pas consciemment, par habitude et inertie, plutôt que par choix actif et délibéré en fonction de la situation présente. "


Il me semble évident aujourd'hui que ce travail sur le corps représente un apprentissage de toutes les formes d'attention, que les enfants y sont très réceptifs et qu'il y apprennent bien plus que dans les activités intellectuelles lorsqu'elles ne sont pas nourries par la connaissance de soi à travers l'activité physique.

De la même façon, j'ai lancé l'activité  d'assemblage de maquettes, des paquebots pré-découpés dans du carton qu'il faut assembler et coller avec une lecture attentive et ordonnée d'un plan de montage. Cette manipulation fine de pièces parfois très petites plonge les enfants dans une attention très profonde. Vingt-neuf enfants qui travaillent à leur place à monter, pièce par pièce, un objet, dans un silence de cathédrale...

Il faut pouvoir imaginer l'apprentissage des mathématiques par le corps...

Mesurer le périmètre du gymnase en allant le mesurer avec des pas, fractionner un gâteau d'anniversaire avant de le manger, diviser les cinquante ballons pour cinq groupes de joueurs...

Il faut imaginer tous les apprentissages à travers l'expérience du corps.

La semaine prochaine, je les emmène au ski.

Au printemps, nous irons marcher sur les chemins moyennâgeux de la vallée, observer les murets qui retenaient les charettes dans les dévers, visiter la maison des Réisistants, observer les paysages et lire la végétation sur l'adret ou l'ubac, suivre une sente de chevreuils, je leur lirai un livre de Jack London au fond des bois...

L'école ne devrait jamais rester enfermée et les enfants ne devraient jamais passer six heures assis. Ils ne sont pas là pour apprendre à vieillir.

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