La confiance, l'amour, la force.

Journée de ski de piste avec mes élèves. (CM2)

Il a neigé toute la nuit, 30 à 40 cm de poudreuse, les pistes sommairement damées.

Normalement, nous encadrons les enfants à deux adultes mais il est de plus en plus difficile de trouver des parents bénévoles. Cinquante-six enfants (deux classes), il en faut du monde...

Je me suis donc retrouvé tout seul avec huit enfants.

J'ai commencé doucement, un groupe de niveau moyen, piste bleu-rouge, grand maximum.

Un garçon débrouillard et attentif en serre file.

De nombreuses pauses à chaque descente, des ateliers techniques, des excercices spécifiques pour améliorer la maîtrise.

Et puis, peu à peu, j'ai senti qu'il y avait une cohésion formidable, une écoute fabuleuse, une confiance totale. Quatre enfants du groupe viennent de l'autre classe et pourtant, j'ai senti qu'ils étaient parfaitement à l'écoute de toutes mes paroles. J'ai expliqué la peur, cette tension qui vient en eux et qu'ils doivent observer pour s'en libérer, leur faire comprendre qu'elle n'a aucun intérêt, qu'ils se brident eux-mêmes mais qu'ils peuvent également inverser l'effet néfaste de cette énergie insoumise en la transformant en maîtrise intérieure.

"Vous avez le potentiel pour faire quelque chose de beaucoup plus difficile. J'ai totalement confiance en vous. On va aller faire une piste noire."

La piste n'était absolument pas damée, juste quelques traces dans quarante centimètres de poudreuse. Des bosses, des trous, des accumulations de neige énorme. Une pente raide, sur le versant opposé de la station, un couloir assez étroit, un environnement impressionnant, à l'ombre d'un sommet. Solitude totale. Et puis on a rattrapé un groupe de skieurs. Cinq jeunes, une vingtaine d'années, en perdition. Ils n'avaient pas le niveau mais surtout, ils étaient envahis, intérieurement, par cette certitude qu'ils n'auraient pas dû être là. Des dissensions dans le groupe. Des paroles coléreuses, des reproches.

De notre côté, nous étions heureux et pleinement impliqués dans les gestes à mener.

La confiance...

Et cet amour pour eux, ce bonheur en moi de les voir évoluer dans une situation totalement imprévue, nouvelle, déstabilisante. Ces rires quand ils tombaient, ces efforts titanesques pour réussir à se relever, à dégager leurs skis enfouis, à rechausser, à repartir dans la pente.

La force...
Elle se nourrit de la confiance, elle est portée par l'amour. C'est une certitude absolue.

Je les ai félicités à chaque portion, je les ai encouragés, j'ai expliqué que la chute doit être analysée, il s'agit de comprendre, de ne pas agir dans un état d'inconscience, être en observation de soi tout autant qu'observateur de la piste.

L'apprentissage, quel qu'il soit, n'a pas de valeur en lui-même s'il est dépossédé de la connaissance de soi à saisir.

"Regardez ce que vous vivez, c'est extraordinaire, c'est magnifique, vous dépassez tout ce que vous avez connu, vous découvrez ce que vous ignoriez de vous. La Terre nous en apprend plus long sur nous parce qu'elle nous résiste. C'est Saint-Exupéry qui a dit ça."

Toujours ramener les enfants à une dimension existentielle, les amener à regarder avec profondeur, pas seulement dans l'évènement lui-même mais dans les effets les plus intenses, les plus durables, les plus constructeurs. Se servir ensuite de l'expérience pour la prolonger dans d'autres situations, qu'elles soient différentes n'a aucune importance. C'est la connaissance de soi qui importe. Dans tous les phénomènes intérieurs.

Ils auraient pu rester figés dans leur peur et se faire mal.

Ils ont appris au contraire à saisir la joie d'apprendre, le plaisir de la chute quand elle est l'opportunité de progresser, de comprendre, d'analyser.

La confiance est nourrie par l'amour. La force qui en résulte est au-delà du connu. 

Tous solidaires pour aider le camarade de jeu à se sortir d'un trou, à l'aider à se relever. Aucune compétition. Un élan commun vers l'objectif.

Les regards brillants que je devinais derrière les masques de ski.

Je les aime. J'aime la vie en eux.

 

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