Médecine de l'âme.

 

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Une discussion sur un blog que j'aime beaucoup.

medecine de l'âme:

http://medecinedelame-leblog.fr/

 


*Thierry

Ce que je trouve un peu désolant, c’est que tous les jours, nous sommes des survivants, tous les jours, nous sommes dans cette situation de « miraculés », mais nous prenons tous ces jours qui défilent comme des évidences, comme des dus, des propriétés, des choses éternelles. C’est absurde. Tous les jours, nous sommes ces survivants et tous les jours, à chaque instant, cette vie en nous se doit d’être bénie, honorée, pleinement absorbée. Il faut vivre comme des affamés et non comme des repus apathiques. Ne pas attendre cet instant de rupture dans notre endormissement mais rogner chaque instant, non pas seulement dans les actes, mais dans la dimension spirituelle.

 *Pierre

Merci pour votre commentaire, je partage assez ces idées qui décrivent bien nos tendances. Je suis sensible aussi à ce côté pratique que vous proposez, empli de gratitude d’une part, et de décision pleine et entière de se mettre au travail d’autre part. Qu’entendez-vous par « rogner chaque instant, non pas seulement dans les actes, mais dans la dimension spirituelle.

*Thierry

Henry David Thoreau disait qu’il s’agit de « vivre profondément et sucer toute la moelle de la vie ». Bien plus encore que de rogner l’os, il faut explorer jusqu’aux fibres qui constituent l’os, percevoir l’énergie qui crée la structure. C’est cela « l’Illumination ». Etre capable d’expérimenter la réalité telle qu’elle est, sans interférence, sans distorsion, sans apport personnel, dans une complète acceptation, sans projection, sans peur, sans attente, sans espoir, c’est un état d’illumination. Cela revient à déposer ses charges, ses fardeaux, son passé et toutes les identifications qui s’y sont greffées. Il s’agit des fardeaux d’ordre mental. Ils peuvent bien entendu avoir des répercussions sur le physique. Cette conscience temporelle dont nous disposons peut se retourner contre notre plénitude. Elle installe une charge émotionnelle, majoritairement inconsciente. Pour entrer dans cette acceptation libératrice il est indispensable d’établir la liste de ces fardeaux, de les identifier et de prendre conscience qu’ils ne sont pas ce que nous sommes. Ils sont l’image que nous avons donnée de la vie mais ils ne sont pas la vie. Les pensées commentent la vie et si nous n’y prêtons pas attention, nous finissons par considérer que ce commentaire est la vie elle-même. La vie n’est rien d’autre que l’énergie qui vibre en chacun de nous. Elle ne doit pas être salie, alourdie, morcelée par cette vision temporelle à laquelle nous nous attachons. Les pensées que nous avons établi comme l’étendard de notre puissance est un mal qui nous ronge. L’égo y prend forme et se détache dès lors de la conscience de la vie. L’individu se couvre d’oripeaux comme autant de titres suprêmes. Ca n’est que souffrance et dans la reconnaissance que nous y puisons nous créons des murailles carcérales. L’illumination consiste à briser ce carcan. L’individu n’en a pas toujours la force, il manque de lucidité, d’observation, il est perdu dans le florilège d’imbrications sociales, familiales, amoureuses, professionnelles. Il se fie à son mental nourri inlassablement par les hordes de pensées.

Survient alors, parfois, le drame. L’évènement qui fait voler en éclat les certitudes, les attachements, les conditionnements. La douleur physique se lie à la souffrance morale. Les repères sont abolis, les références sont bannies. L’individu sombre dans une détresse sans fond, il en appelle à l’aide, il cherche des solutions extérieures, condamne, maudit, répudie, nie, rejette, conspue, insulte le sort qui s’acharne sur lui alors qu’il est lui-même le bourreau, le virus, le mal incarné. Il a construit consciencieusement les murs de sa geôle et jure qu’il n’est pour rien. Dieu, lui-même, peut devenir l’ennemi juré alors qu’il avait jusque là été totalement ignoré. Tout est bon pour nourrir la révolte.

S’installe alors peu à peu l’épuisement. Le dégoût de tout devant tant de douleur. Ca n’est qu’une autre forme de pensée, une autre déviance, une résistance derrière laquelle se cache l’attente d’une délivrance, un espoir qui se tait, qui n’ose pas se dire. Une superstition qu’il ne faut pas dévoiler. La colère puis le dégoût, des alternances hallucinantes, des pensées qui s’entrechoquent, des rémissions suivies d’effondrements, rien ne change, aucune évolution spirituelle, juste le délabrement continu des citadelles. Cette impression désespérante, destructrice de tout perdre, de voir s’étendre jour après jour l’étendue des ruines.

Il ne reste que l’illumination. Elle est la seule issue. Car lorsqu’il ne reste rien de l’individu conditionné, lorsque tout a été ravagé jusqu’aux fondations, lorsque le mental n’est plus qu’un mourant qui implore la sentence, lorsque le corps n’a plus aucune résistance, qu’il goûte avec délectation quelques secondes d’absence, cette petite mort pendant laquelle les terminaisons nerveuses s’éteignent, comme par magie, comme si le cerveau lui-même n’en pouvait plus, c’est là que les pensées ne sont plus rien, que le silence intérieur dévoile des horizons ignorés.

Révélation. Illumination.

Je ne suis pas ma douleur, je ne suis rien de ce que je veux sauver. Je ne suis rien de ce que j’ai été.

Je suis la vie en moi. Je suis l’énergie, la beauté de l’ineffable.

 *Hélène :


Merci, c’est très beau et très bien écrit …
J’ai l’impression d’avoir déjà entrevu ce type de descente aux enfers …
Ce qui m’a permis de, finalement, surnager, est ce socle de valeurs éternelles, indissociables, tout en haut, du divin. En ce sens, pour répondre à l’auteur de l’article, pour moi ce « rapport conscient au divin » a une grande importance dans une pratique quotidienne de valeurs humaines. Mais cette illumination, pour reprendre vos termes Thierry, je l’ai ressentie plus comme un présent que comme le résultat d’un effort de ma part. Je me suis tournée dans la bonne direction certainement, sincèrement probablement, mais c’est tout. La suite, je l’ai reçue comme un cadeau. Même si je reste persuadée que ce petit effort, il fallait tout de même le faire.

 

*Thierry.


Pour ma part, le « choc », je l’ai reçue sans en être l’instigateur. C’est à une médium magnétiseuse que je dois une guérison, jugée comme « miraculeuse » par le corps médical. Trois hernies discales (deux déjà opérées), paralysie totale de la jambe gauche, une opération envisagée mais qui comportait comme probabilité le fauteuil roulant. Je l’ai refusée. J’ai eu la « chance » alors de croiser la route d’Hélène. Une séance de quatre heures, un « au-delà » dont j’ignorais l’existence, la rupture totale de toute résistance. Trois mois après je reprenais le ski et la haute montagne. Une incompréhension absolue et puis un long cheminement intérieur qui m’a mené vers cette absorption complète de la Vie, non pas d’un point de vue intellectuel mais dans un domaine spirituel, c’est à dire à mon sens, une compréhension qui va bien au-delà du mental. Le « rapport conscient au Divin » que vous évoquez.

 

*Hélène


Expérience intéressante !
Ca me fait réfléchir un peu plus à cette idée de causalité, qui me travaille depuis l’article en question sur ce blog … Quand il s’agit de guérison inexpliquée, ou de guérison explicable d’ailleurs, quels sont les chemins causaux qui ont été empruntés et, si on remonte ces causes, de cause en cause, dans quelle mesure l’impact d’une « cause des causes » s’est révélé déterminant de manière directe ?

 

*Pierre :

Oui, c’est un exercice que je trouve passionnant, remonter la trame de la causalité !
Dans un but de compréhension, de ce qui nous entoure, comme de nous-mêmes.
Dans un but d’accomplissement, en mettant en œuvre les causes appropriées pour les effets recherchés.
Par rapport à une cause des causes, et à son impact plus ou moins direct dans notre vie de tous les jours : je ne pense pas que Dieu, ou une Source, le divin, ou autre appellation de cette entité qui serait une Cause Première, agisse directement dans la chute d’un objet qu’on lâche et qui tombe et se brise … En revanche nous sommes dans le réseau de cette trame causale qui fonctionne très bien, avec ses lois, et tous les jours nous l’expérimentons dans tous les domaines de notre vie … cette trame causale pourrait être en elle-même le fruit de cette cause initiale, qui la permet, la pense, la perpétue et la maintient en place. Histoire de causalités primaire et secondaire, ou de Cause Première et de causes secondaires.

 

*Thierry :

Pour ma part, j’ai écrit, écrit, écrit pendant des mois afin d’essayer d’éclairer ce cheminement et de remonter à « la » cause initiale. Le problème, ou la nécessité, c’est qu’il a fallu que je sépare ce que mon mental apportait comme réponse (et qui en soi n’en est pas une) et essayer d’envisager ou d’identifier ce que mon âme avait choisi comme chemin. Prajnanpad disait que le mental créait une multitude de problèmes et s’efforçait ensuite de les résoudre. Juste un fonctionnement qui lui donne un rôle adoré, même s’il s’agit d’une accumulation de tourments jusqu’à la destruction. Il s’agit pour lui de rester le Maître. Mais il est l’ouvrier et pas l’architecte. Et il est très rapidement dépassé par les actes anarchiques qu’il occasionne. Il faut le faire taire tout en usant de sa maîtrise dans le domaine du langage. Il faut se « dé-penser ». C’est là que l’activité physique dans l’effort long est un épurateur formidable. Ca n’est pas la performance qui importe mais l’ouverture spirituelle que l’effort long procure. La vie, prioritairement, ne se commente pas, elle s’éprouve. Et c’est dans cette mise au silence du mental que la lucidité s’éveille.
La connaissance de soi consiste à se libérer du connu, comme le disait Krishnamurti. Le mental est cet espace connu dans lequel nous errons.

Je vois dans l’expression de Krishnamurti la nécessité d’affronter « une pulsion de mort » qui consiste à survivre dans les conditionnements auxquels nous nous sommes identifiés. Celui-là est « mort » qui n’existe que dans l’hébétude et la futilité.

« La pulsion de vie » impose au contraire de s’extraire de cette routine érigée en réussite parce qu’elle annihile en les analysant les inquiétudes et les tourments. Bien entendu, on ne voit souvent l’étreinte consciente des traumatismes que comme une auto flagellation, un goût pervers pour la souffrance, une exacerbation narcissique de l’égo qui se complait dans le malheur ressassé. S’il ne s’agit effectivement que d’une exploitation malsaine du statut de victime afin d’amener vers soi la compassion, la plainte et l’identification à ce rôle adoré, il n’y a dans cette dérive qu’un enfoncement néfaste dans le bourbier des douleurs irrésolues.

La pulsion de vie n’est pas cela. Elle demande à explorer l’inconnu en nous, cet inconnu qui nous terrorise et que nous ne voulons pas affronter parce qu’il porte tous les stigmates des coups reçus, les souffrances enkystées, les malheurs fossilisés. En nous accrochant désespérément à nos habitudes, à nos croyances, à nos chimères, nos sempiternelles répétitions, en vissant nos yeux aux veilleuses qui repoussent les noirceurs, nous restons figés dans la pulsion de mort. Rien n’est possible et nous irons ainsi jusqu’à la mort réelle. Hallucinés de certitudes et de mensonges maintenus. Bien sûr que l’existence nous aura paru aussi douce que possible, tant que nous serons parvenus à résister aux assauts de l’inconscient. Encore faudra-t-il que notre enveloppe corporelle parvienne à échapper aux somatisations de toutes sortes…Ca n’est pas gagné…Cette pulsion de mort n’est par conséquent qu’une errance enluminée. Il n’y a aucun éveil mais un cinéma hollywoodien. C’est le mental le metteur en scène.

C’est le chaos des étoiles qui créé la splendeur de l’Univers. La pulsion de vie qui détruit les dogmes personnifiés nous pousse vers le chaos en nous-mêmes. C’est un chemin de clarté et une épreuve. Il ne s’agit pas de dolorisme mais une quête de lucidité. Rien n’empêchera d’admirer le cosmos dans les nuits calmes.

Refuser la pulsion de mort, celle qui maintient l’individu dans le carcan de ses traumatismes, par peur, par déni, par accoutumance, c’est refuser de se nourrir de l’élan vital qui veut que la vie soit une évolution verticale et non l’extension horizontale de l’individu.

De toute façon, il suffit de regarder autour de nous, nos proches, quelques connaissances, pour réaliser que si ce travail n’est pas entamé, consciemment, maintenu, préservé, encouragé, les dégâts collatéraux finissent la plupart du temps par jaillir comme si l’âme étouffée gangrenait l’enveloppe qui la porte. Je l’ai vécu. J’en suis sorti. La médecine ne l’explique pas. Nous sommes nombreux dans ce cas.

La connaissance de soi peut se présenter comme une tentative de l’individu à ramener l’inconscient à la conscience ou à ouvrir le conscient à l’inconscient. De nombreuses pratiques sont envisageables. L’écriture m’a servi de support. La haute montagne est un écrin.
Ca n’était donc plus « LA » cause qui m’importait mais l’intention qui s’y trouve.
Lorsque j’ai faim, je sais que la cause de cette sensation est la dissolutiond es éléments nutritifs dans mon organisme. Il faut donc que j’apporte de nouveaux éléments. Mais c’est l’intention qui importe. Continuer à fonctionner organiquement.
Dans le domaine spirituel, les tourments du mental ont une cause. Mais l’essentiel du travail associé à la résolution de cette énigme n’est pas d’identifier simplement ces causes mais de comprendre l’intention de l’âme derrière tout ce fatras. Où doit-elle aller ? Quel est son chemin de vie ? Et ça n’est pas le mental qui peut répondre à cette interrogation. Il n’est pas l’architecte.

*Pierre.


Concernant l’idée de la causalité, pour moi la recherche d’une cause n’est effectivement pas un but en soi. Elle doit s’intégrer de manière naturelle dans une démarche de médecine de l’âme. L’analogie avec la médecine du corps fonctionne très bien. On ne fait pas des découvertes sur les causes des maladies, juste pour les découvrir, l’idée est de comprendre pour mieux cerner les conditions d’une bonne santé comme celles de l’émergence de telles maladies, et dans ce dernier cas pour les traiter. Je l’ai développé, à mon niveau bien entendu, dans un article tout récent en mai sur le blog. En ce sens je vous rejoins assez quand vous dites : « Mais l’essentiel du travail associé à la résolution de cette énigme n’est pas d’identifier simplement ces causes mais de comprendre l’intention de l’âme derrière tout ce fatras » : l’identification d’une cause n’a pas de valeur en soi si c’est juste pour cocher une case et l’archiver. Il faut que ce soit suivi d’une décision qui traite justement la cause. Ou qui utilise cette compréhension d’une relation cause-effet pour un autre traitement. Je pense en revanche que l’identification d’une cause ne se fait pas « comme ça » mais qu’elle est le fruit d’un travail de connaissance sur soi acharné. D’une démarche de recherche et d’identification des dysfonctionnements voire des maladies de notre âme qui font que justement, pour reprendre notre discussion précédente, on n’est pas altruiste à 100%, voire, dans certains cas, sous des dehors pseudo-altruistes ce n’est que l’amour de soi même que nous mettons en pratique.
« Où doit-elle aller ? Quel est son chemin de vie ? Et ça n’est pas le mental qui peut répondre à cette interrogation. Il n’est pas l’architecte. » : je vous rejoins, toute cette démarche de reste indissociable d’une idée précise de la finalité de notre création.

 

*Thierry

Je vous rejoins totalement dans ce principe de causalité mais pour avoir pu en juger de par mon parcours, dans le domaine de la médecine, la causalité reste au niveau organique et ne prend pas suffisamment en compte, à mes yeux, la part spirituelle de l’individu. Comme si la mécanique n’avait pas de conducteur, ni même de concepteur, ce qui est encore plus grave…Yvan Amar écrivait : « Si un médecin me guérit de mon mal, il ne doit pas oublier d’évoquer ce que mal cherchait à me faire comprendre, sinon il me prive d’une avancée spirituelle en limitant mon individu à une mécanique. »
On peut estimer que cela ne relève pas du médecin. Mais alors, dans ce cas-là, si le médecin doit rester un « mécanicien », l’éducation spirituelle doit être mise en avant afin que l’individu cherche en lui-même l’intention de cette douleur. Le corps est un révélateur des maux de l’âme, pour moi. C’est ainsi que j’ai vécu mon parcours en tout cas.
On peut d’ailleurs étendre cette attitude « mécaniste » à bien d’autres domaines que celui de la médecine. Cette fameuse causalité apparaît dans l’esprit occidental comme une finitude alors qu’elle n’en est que le seuil. C’est l’horizon qu’elle propose qui devrait être exploré.
Qu’en est-il par exemple de l’affectivité ? On peut, assez facilement, identifier les causes d’une émotion (ou alors c’est que le travail spirituel à entamer est immense ) mais ce qui importe à mon sens, c’est bien davantage le travail de conscientisation qu’elle propose. Si je m’arrête à la causalité de l’affectivité, je ne suis pas un explorateur mais un scribe…
La conscience est-elle soumise à l’affectivité ? Si je suis heureux ou triste, ma conscience en subit-elle les effets ou est-ce uniquement ma perception de l’existence à travers mon affectivité ? Lorsque nous alternons entre les moments euphoriques et les moments de détresse, est-ce que notre conscience est touchée ou reste-t-elle dans une dimension parallèle ou même englobante ? A-t-elle la capacité à identifier les causes de ces fluctuations et à les analyser ou est-elle saisie elle-même par les effets épisodiques de nos conditions de vie ?

Prendre conscience, c’est se donner les moyens d’observer tout en ayant conscience d’être l’observateur. Un détachement qui permet de ne pas être totalement saisi par les émotions générées par cette observation mais de rester lucide. Il ne s’agit pas non plus de rester inerte mais d’être capable de cerner les raisons profondes des émotions. Etre emporté par une bouffée de bonheur ou de colère n’implique pas nécessairement une perte de contrôle tant que l’individu parvient à observer cette émotion exacerbée en lui-même. La perte de contrôle survient dès lors que les émotions ne sont plus regardées par cette conscience macroscopique et que le mental se soumet à ce flot de perceptions. Il suffit de penser à la peur pour en prendre conscience…Si j’observe ma peur, je m’offre un point de contrôle. C’est la conscience qui dépasse l’affectivité, qui la surplombe ou l’englobe. Je vais pouvoir me servir de cette peur pour exploiter les poussées d’adrénaline, je vais même pouvoir l’entretenir parce qu’elle m’offre des capacités physiques insoupçonnées. Sans l’adrénaline, les hommes préhistoriques auraient succombé aux prédateurs. La peur est un carburant, une source de forces, une énergie redoutablement efficace. Mais elle l’est encore plus lorsque la conscience reste le chef d’orchestre.
Un homme préhistorique poursuivi par un prédateur connaissait parfaitement les causes de sa terreur mais en l’observant intérieurement, il se donnait les moyens d’user de cette énergie au lieu de succomber à une stupéfaction fatale…On court vite quand on se sert de sa peur.
Il ne s’agit pas de rejeter l’affectivité mais de prendre conscience du potentiel qu’elle propose. Lorsque j’écris avec une musique que j’aime, il m’arrive de voir les mots débouler en cascades, des flots d’émotions surpuissants, une osmose avec ce que je porte, c’est une affectivité que j’entretiens, je ne cherche pas à l’effacer, je la laisse m’emporter et en même temps, je l’observe, je la nourris, je l’honore et la vénère, j’ai pleinement conscience de sa présence, du « jeu » que j’instaure et des règles à suivre. Cette affectivité ne dépend pas de moi à la source mais la conscience que j’en ai sait l’entretenir. De la même façon, un sportif saura avec l’expérience faire monter l’adrénaline, la tension, le stress, avant une épreuve mais en apprenant à l’observer et à en avoir pleinement conscience, il parviendra à l’entretenir, à s’en servir, alors que si l’absence de conscience l’emporte, cette adrénaline l’enverra au décor. Le fil du rasoir est très affûté. Il faut l’effleurer, jouer avec la lame avec délicatesse sans appuyer comme une brute.

On pourrait à travers cette description assimiler la conscience avec la raison. Et c’est là que je me heurte à une problématique qui me tracasse.

Je ne vois pas la raison comme une entité observant l’observateur mais comme une entité œuvrant à la neutralité. La raison est déterminée à ne pas laisser les émotions se développer. Elle est davantage éducative, formative, un conditionnement qui agit comme un étouffoir. Elle va chercher à convaincre l’individu que sa peur est injustifiée ou que ce bonheur ne durera pas. Elle n’existe que dans le maintien du contrôle. Elle est le piédestal du « raisonnable ». Je ne la vois que comme une incapacité à recevoir les émotions en toute conscience. Cette conscience qui est au contraire de la raison capable d’assumer pleinement les élans émotionnels, à s’en servir pour la création artistique par exemple. Si je m’interdisais d’être bouleversé par une musique, je n’ouvrirais pas en moi les horizons littéraires et si je laissais de la même façon, les émotions m’emporter, je ne parviendrais pas à écrire une seule phrase. La conscience devient dès lors le trait d’union entre la raison qui me sert de transcripteur des émotions pendant que ma conscience observe l’ensemble. C’est en cela que je vois la conscience comme englobante. Elle est le placenta qui permet le lien.
Les causes sont du domaine de la raison. L’Eveil va plus loin et se sert de la Conscience.
C’est sans doute dans cette osmose qu’apparaît l’individu unifié.

*Pierre

 

Cher Thierry
Je ne pourrais pas répondre de manière aussi détaillée, j’ai vu de nombreux autres développements sur votre blog d’ailleurs. Juste quelques commentaires rapides :
- tout à fait d’accord pour la causalité à étudier dans le domaine de la part spirituelle de l’individu : c’est l’un des points essentiels que j’essaie de développer, à savoir la connaissance de la trame causale qui gère notre esprit, notre âme. Étudions-la avec autant de sérieux qu’on étudie la causalité dans la science matérielle et on arrivera à des résultats !
- je suis médecin, et je peux vous dire que pour moi toute guérison, même si elle n’est pas le fruit d’un antibiotique, d’une chirurgie, même si elle est apparemment « surnaturelle », suit une loi causale propre qui débouche sur la guérison, dans votre cas de ces problèmes rachidien. Ce qui n’enlève rien à la force de l’expérience vécue, mais c’est ainsi. Un effet particulier provient d’une cause particulière. Même si cela fait appel à cette dimension spirituelle de l’individu.
- d’accord pour ne pas s’arrêter à la causalité de l’affectivité : une fois trouvée, ou qu’une hypothèse est posée, tout dépend de ce qu’on en fait. Cette part de connaissance, de compréhension, cette « prise de conscience » dont vous parlez est pour moi aussi essentielle. et elle est indissociable d’une pratique.
- la raison est un potentiel qui s’éduque, je ne parle pas seulement de la raison au sens du QI et des capacités intellectuelles strictement – qui est reste très utile, d’autant plus utile qu’elle est développée – mais aussi de cette part de la raison qui devient capable de s’intéresser aux vérités spirituelles, à l’existence de l’âme et à son devenir, à la bonne gestion de nos émotions justement, pour qu’elles concourent à notre perfectionnement et non à notre avilissement. En lien avec la foi, la conscience, etc.

*Luc :

@Pierre
« Étudions la avec autant de sérieux qu’on étudie la causalité dans la science matérielle et on arrivera à des résultats ! » : message très motivant. Si on accordait à ces question quelques % du temps et de l’intérêt que l’on consacre à ce qui est dévolu au bien être éphémère, on irait loin. Il faudrait équilibrer. Enfin de mon point de vue.

*Thierry

Cher Pierre. J’avais bien compris que vous êtes médecin et c’est bien par rapport à ce statut et la richesse de votre blog dans votre démarche spirituelle que j’ai choisi d’intervenir. Un parcours qui me ravit au regard de mon vécu avec le milieu médical…
Vous avez écrit :  » …cette part de la raison qui devient capable de s’intéresser aux vérités spirituelles, à l’existence de l’âme et à son devenir… »
Et là, je ne parviens pas à « croire » ^^ que la raison puisse explorer certains espaces inconnus…

« Du jour au lendemain. »

Un film avec Benoit Poolvoerde.
Totalement désespérant…L’histoire d’un homme qui « du jour au lendemain » va voir sa vie passer d’un long marasme quotidien, avec une rupture sentimentale, une situation professionnelle humiliante et de multiples désagréments quotidiens à un bonheur parfait, sans aucune explication, sans avoir changé quoique ce soit en lui, une transformation totalement irrationnelle. Et cette absence d’explication va rendre pour lui ce bonheur totalement insupportable, il ne va pas s’y retrouver, l’image à laquelle il est attachée, dans laquelle il se reconnaît s’est effacée, les autres, ses proches, ne le voient plus de la même façon, tout ce qu’il vit est empli d’un bonheur immédiat, sans qu’il élabore le moindre projet, sans qu’il intervienne le moins du monde dans cette accumulation de situations positives. On sent alors, au fil des jours, que cette situation l’angoisse, qu’il semble attendre, guetter sans cesse l’instant où tout va s’arrêter, que ça ne peut pas continuer ainsi alors que rien ne l’explique…Cette disparition de ce qu’il était va le conduire à la folie…Alors que sa femme est revenue à ses côtés et qu’elle attend un bébé, il est interné en hôpital psychiatrique. C’est un homme inapte au bonheur et qui sombre.
Le médecin explique à sa femme que seul un évènement déclencheur pourrait le ramener à la vie.
C’est la cafetière qui va s’en charger, cette cafetière, qui au lieu de dysfonctionner chaque matin s’était mise à faire normalement du café, de façon irrationnelle, alors qu’il n’avait nullement cherché à la réparer, cet engin anodin va de nouveau s’emballer. Ce retour à une vie passée, celle qu’il voulait retrouver, celle qui correspond à ce rôle de « perdant », va le sortir de sa torpeur et le ramener à la vie…Mais quelle vie ?…Celle d’un homme qui n’a pas su saisir ce que la vie réelle lui proposait, celle d’un homme qui préfère rester enfermé dans ses conditionnements, sa « raison », son histoire…Il préfère être ce qu’il a toujours été que d’accepter cette irrationalité, ces phénomènes inexpliqués, qui n’ont aucune « logique » pour lui…

« Mais qu’est-ce que vous avez tous avec votre amour? »

Tout le problème est là. Cet homme ne peut pas être aimé, pas de façon aussi universelle, la vie ne peut pas être aussi belle, pas avec son histoire… »Se libérer du connu. » Voilà ce qui aurait pu le sauver.
Et c’est là que ce film passe, à mes yeux, de la comédie, ou satire sociale à une vision désespérante de l’humain.

Cet enfermement « rationnel » est avant tout éducatif et social. L’identification de cet homme à son histoire, une histoire qu’il a lui-même fabriquée par une attitude constamment négative, va l’emporter sur le changement « irrationnel » qui lui est proposé par la vie elle-même. Il ne s’agit pas de « chance », de « destin », mais de l’opportunité d’appréhender la vie d’une autre façon. Mais la peur va être la plus forte, la peur de ne plus exister dans un rôle, la peur de ce changement considérable d’existence. Celui qui ne change pas est avant tout un être qui a peur, ça n’est pas une question d’incapacité mais d’interdiction. C’est en cela que le conditionnement est une enceinte, un carcan, une geôle adorée. Se plaindre de cet enfermement est plus rassurant que d’en sortir…C’est effrayant…

J’ai longtemps eu peur, après la rémission inexpliquée de mes trois dernières hernies discales, que le mal me retombe dessus. Ca n’était pas rationnel, les médecins n’y comprenaient rien, moi non plus. Je savais bien que j’avais vécu une situation incompréhensible, que j’avais basculé à un moment dans une dimension inconnue mais cette absence d’explication était une torture. J’avais peur. Ca ne pouvait pas durer cette rémission, ça allait me retomber dessus sans prévenir, revenir aussi brutalement que ça avait disparu. Ce bonheur n’était pas pour moi…L’identification…Je devais me libérer du connu, de ce passé morbide, de cette détresse à laquelle je m’étais attaché parce qu’elle m’offrait un rôle en « or »…La victime, le malheureux, le supplicié…C’est là que j’ai compris que je devais écrire, aller chercher au plus profond de mes traumatismes les plus anciens la source de cette inaptitude à être heureux…Comprendre aussi que le seul instant réel, c’est celui dans lequel j’existe, que je n’avais aucune réalité dans ce passé assassin, que je n’étais rien dans cet avenir incertain, mais que le fait de me lever librement de ma chaise, sans tituber, sans canne, de pouvoir marcher, puis courir, puis skier était la seule réalité, la seule vie réelle.
J’ai enfin appris à vivre. Ca m’aura pris quarante-deux ans. Six ans que je vis pleinement, librement. Libre de moi-même, de l’autre, celui qui est mort lorsque je suis né.
Et ça n’est pas à la raison que je dois tout ça. C’est à elle par contre que je devais l’épaisseur de ma geôle.

*Pierre

Cher Thierry me voici de retour … J’aime vous lire dans la mesure où je vois encore beaucoup de points communs avec ce que je pense … Le rapport entre spiritualité et rationalité est des plus intéressants. Et des plus surs, quand on voit la nuée de pseudo-spiritualités et divers mouvements qui surfent sur la vague de recherche de vérité des hommes et qui au final les trompent et profitent d’eux … Si un peu de raison était présente, le risque de se faire berner par des mirages conceptuels et contes féériques serait moins important …
En réalité, quand je lis votre histoire, votre analyse de vous-mêmes par vous-mêmes (vos émotions, pensées, parcours, vie intérieure), la description fine et détaillée de votre processus de pensée, la manière dont il a évolué, la critique ciblée de votre vie « d’avant », les conclusions très hiérarchisées que vous avancez : et bien j’y vois une part énorme de … raison ! Dans la mesure où tout ce processus, même s’il est nourri par votre vie spirituelle intérieure, par des expériences qui sont inexplicables rationnellement, par votre foi, par votre amour inextinguible pour une transcendance, ou autre domaine de pensée ou de conscience qui ne soit pas traditionnellement attribué à la raison, et dont on a aussi absolument besoin : si vous le vivez et le partagez, et bien c’est parce que votre raison l’accepte, accepte qu’il y a des choses qu’elle ne peut pas comprendre, accepte la logique de croire en quelque chose que l’on ne voit pas mais parce qu’elle valide les effets qu’elle a perçus au travers de nombreuses expériences et de votre état actuel … Alors que d’autres personnes, vous leur racontez votre expérience, leur faites part de l’idée d’une part spirituelle en l’homme, vous leur donnez vos conclusions et l’idée que vous vous faites du divin, pour eux, et même s’ils ont des capacités intellectuelles très élevées, peuvent très bien rire doucement et vous dire que tout ceci n’a ni queue ni tête, n’est pas « rationnel » … Ils sont effectivement peut être emmurés par leur « raison-QI » ou leur manque de « raison disons spirituelle » dans la geôle dont vous parlez … Donc la raison-QI stérile qui emmure, non. Celle qui s’allie à l’intelligence-QI habituelle pour ouvrir l’esprit en restant garante d’une progression sure, acceptant ce qui dépasse sa compréhension parce qu’elle a senti et constaté les effets de quelque chose qui la dépasse et qu’elle va essayer de comprendre, oui. Développer cette attitude pour moi s’apparente, à l’inverse de m’enfoncer dans ma geôle, à justement ne pas rester figé, ne pas abdiquer ma raison face aux questions spirituelles : réfléchir, chercher, ne pas avoir l’esprit fermé et borné, accepter de me remettre en question, avoir un avis objectif sur des parcours spirituels que j’estime dangereux pour la santé de mon âme …
J’avais mis en lien dans mon article sur la causalité un post intéressant concernant cette idée d’un entendement spirituel, c’est peut être ce mot qui est le mieux choisi, plus que « raison spirituelle » :
http://www.e-ostadelahi.fr/eoe-fr/lentendement-spirituel-et-le-systeme-causal/, blog passionnant par ailleurs.
Bonne soirée

Thierry

Merci Pierre pour ce lien, je vais aller voir ça de près.
Si tout ce que j’ai connu et ce que je vis a bien un rapport avec la raison, au-delà du travail de mise en forme écrite, et bien j’en serais le premier ravi car cela signifie que c’est accessible à n’importe qui et qu’il ne s’agit pas d’une rupture incompréhensible et limitée à « une mystique sauvage ». Effectivement, je rencontre des individus qui rejettent furieusement tout ce cheminement spirituel et qui ne voit dans mes propos qu’un délire mystico-religieux-affabulatoire. Je m’y suis habitué depuis le temps…Si ma raison accepte ce cheminement, je pense que c’est justement parce qu’elle a repris sa juste place et qu’elle n’est plus ce costume de capitaine de vaisseau dont elle s’était affublée et qui est trop grand pour elle.
Tu n’es pas Je.
Qui es-Tu, toi, qui m’étouffes sous tes certitudes
entassées comme autant de fêlures ?
Tu as établi ta prétention au royaume des altitudes,
miasmes enluminés d’infinies convenances,
soumissions passives, perverses accoutumances.
Qui es-Tu pour vouloir ainsi me perdre alors que Je t’héberge ?
Tu as voulu te nourrir des amitiés soudoyées,
honorer les vénérations, les reconnaissances
Te gaver sans répit des amours galvaudés.
Tu as cru prendre forme, pâte malléable
abandonnée langoureusement aux caresses versatiles
Tu réclamais ta pitance, le cœur éteint
et l’égo malhabile, prêt à t’humilier pour calmer Ta faim,
l’euphorie anarchique Te servait de remède et
Tu refusais d’écouter en ton sein
vibrer une âme éteinte qui tendait vers sa fin.
Mais la Vie a trouvé la faille et t’a mené vers le tombeau
nulle crainte pour elle tu n’étais qu’un vaisseau
Tu pouvais bien sombrer dans les abysses lointaines
elle était l’Océan, Tu te croyais capitaine,
au creux des montagnes mouvantes Tu as eu peur enfin,
Tes pensées se sont tues et Je suis revenu.
De mon corps paralytique ont jailli des lumières,
des étreintes amoureuses ruisselant de semence,
palpitations d’univers comme autant de naissances,
J’ai compris les douleurs car Tu n’étais plus là,
dressé à la barre d’un navire perdu Tu n’avais pas le choix,
Ta solitude morbide t’emplissait de morve,
il fallait que Tu craches toutes tes nuisances,
pour échapper enfin aux avides noirceurs.

Je ne t’en veux pas, Tu sais,
Tu as fait ce que Tu croyais juste,
le courant était bien trop fort pour Toi,
Je te tends la main,
il n’y a plus rien à fuir, ni peur à nourrir,
Tu as rejoint ton âme et Tu t’y sens bien,
laisse -toi porter la Vie sait ce dont elle a besoin,
l’Océan n’existe que là où Je me trouve,
cesse de regarder les horizons lointains,
ils ne sont que chimères et Je te le prouve.

Je suis là maintenant, Tu es mort pour ton bien.

*Pierre

Très beau poème, Thierry. Vraiment. Merci !

*Thierry

J’ai lu votre lien Pierre et c’est effectivement très parlant. Merci. Une idée qui me vient d’ailleurs ou une expression à laquelle je dois réfléchir : l’écosystème spirituel. J’y reviendrai.

 

*Pierre

Excellente idée ! Sujet passionnant.

 

*Thierry

Le fond de mon prochain roman…

 

 

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