Mémoire....cellulaire.....(7)

Ce texte a pour objectif de donner un aperçu de la sophrologie analysante mais il est inévitablement très incomplet au regard des interventions d'un professionnel. Ce n'est donc qu'une vue très succincte de tout ce qui peut être fait dans le cadre de cette thérapie.

Belanger1

 

Un rendez-vous de pris pour une séance. Pendant ces mois d’éloignement, Paul n’avait plus rien fait, ni méditation, ni même réflexion sur tout ce qui s’était dit avec Yoann. Mais le travail inconscient avait continué son chemin. Il fallait rétablir le contact et aller voir encore plus loin.

 

« Entre Paul. Comment tu vas ?

-Comme si je venais d’enterrer mes parents.

-Et bien, on va se servir de ça pour faire une nouvelle séance.»

-Je ne sais pas si j’arriverai à quelque chose.

-Encore une fois, Paul, si tu inscris en toi des pulsions limitantes, il est probable que tu ne bougeras pas. Balancer à la corbeille des émotions négatives ne les fait pas disparaître. C’est comme dans un ordinateur. Tant que tu n’as pas vidé la corbeille, les éléments sont toujours là, quelque part dans le disque dur. Et ton mental se chargera de les restaurer sans que tu ne puisses t’y opposer. C’est une restauration automatique. L’effacement définitif par la compréhension est le seul moyen de se libérer. Il ne s’agit surtout pas de poser un voile opaque sur les traumatismes mais d’aller au contraire les explorer. Et cette exploration en soi est déjà une réussite puisqu'elle sort l'individu de son inertie spirituelle.

 

-Bon, je te fais confiance de toute façon et je n’ai plus rien à perdre. Tout est déjà perdu.

-Tu es vivant ou pas ?

-Oui, évidemment.

-Alors, tu n’as pas perdu l’essentiel. Imagine que tu sois toujours avec Emma, dans ta nouvelle maison, avec votre enfant mais que tu sois mort. Là, tu aurais tout perdu. Actuellement, tu as perdu ce que tu considères être ta vie alors que ta vie est bien autre chose que les événements qui la décorent.

-Qui la décorent ? C’est quand même plus important que des guirlandes sur un sapin de Noël ! Ce ne sont pas des décorations, je ne suis pas d’accord.

-Si tu ne prends pas conscience de la vie en toi, c’est comme si tu voulais accrocher des guirlandes alors qu’il n’y a pas de sapin. Elles n’auront aucun support. Et tu ne retireras de l’expérience qu’un profond sentiment de vide. Et tu chercheras d’autres guirlandes et encore d’autres. Et le vide sera toujours là. C’est sur ce phénomène que s’est construite la société de consommation. À défaut de consommer en eux l’énergie spirituelle, les individus consomment des biens matériels. Une façon inconsciente de combler le vide. On va donc commencer par la méditation de l’arbre. Tu n’auras qu’à repenser au chêne de ton enfance par exemple ou à un sapin de Noël, c’est toi qui décides. »

 

Méditation.

Ondes alpha.

Induction hypnotique.

Les yeux fermés, allongé sur le canapé, Paul se laissa guider.

« J’aimerais Paul que tu visualises Emma, telle qu’elle est aujourd’hui.

-C’est facile, elle est constamment dans mes pensées.

-Bien. Comment est-elle ? Décris-la.

-Elle est belle, comme toujours. Elle a mis une robe longue avec un petit chemisier, ses cheveux tombent sur ses épaules, elle a juste maquillé ses yeux, elle marche vers moi. Le visage fermé.

-Qu’est-ce que tu ressens, là, maintenant ?

-De la tristesse, une épouvantable tristesse, et de la colère contre moi. J’ai tout gâché, j’ai tout perdu. Tout ce que je fais, ça foire.

-Ce sont des mots mais moi, j’aimerais que tu me dises comment ces émotions prennent forme en toi.

-J’ai mal au ventre. Comme d’habitude. Et j’ai la gorge serrée.

-Bien, dis-moi maintenant exactement pour quelles raisons tu es triste.

-Emma, mon enfant, ma maison, toute la vie que je voulais préserver, je l’ai perdue.

-Et pourquoi es-tu en colère contre toi ?

-Parce que je suis nul. Partout où je vais, je suis nul, avec tous les gens que je vois. Et même avec Emma. Je n’ai pas confiance en moi, je n’ose rien faire tellement j’ai peur de mal faire. Comment veux-tu que je m’en sorte.

-Est-ce que Emma souhaite que tu sois triste et en colère contre toi ?

-Non, je ne pense pas, elle aussi, ça lui fait du mal. Mais elle ne supporte plus d’attendre que je change. Elle est triste pour moi et pour elle. Mais il fallait que je réagisse avant. Je n’ai même pas vu que pour elle, c’était trop long, beaucoup trop long. Elle m’a dit que ça lui faisait trop de mal d’attendre toujours que ça change et trop de mal aussi de me le reprocher sans cesse. Elle sait que ça me fait du mal et ça lui fait du mal de m’en faire. Alors, elle dit que c’est mieux qu’on se sépare. Même pour le bébé, elle dit que c’est mieux parce qu’au moins, elle vivra sans colère. Elle préfère être triste.

 

-Est-ce que tu as déjà dit tout ça à Emma ?

-Non, bien sûr, elle n’a pas besoin de ça pour savoir qui je suis.

-Qu’est-ce qui t’a empêché de  parler de ta douleur, de cette tristesse et de cette colère ?

-Je n’ose pas parce que je suis sûr que ça ne servirait à rien. Si je me mets à me plaindre, je n’envoie pas l’image d’un homme, d’un vrai mais juste celle d’un petit garçon et c’est justement ça qu’Emma ne supporte plus. Je n’ai même pas réussi à me défendre, à lui dire que je l’aimais, que je ne voulais pas partir, que j’avais besoin d’elle, que je voulais accueillir notre enfant à ses côtés, que je voulais prendre en main la construction de notre maison, que je serais plus directif avec les artisans, que je serais le patron. Pour une fois. D’ailleurs, c’est la gestion des artisans qui a été l’élément déclencheur, la goutte d’eau, comme on dit. Je n’ose pas leur dire ce qu’ils doivent faire, ils viennent quand ils ont envie, les travaux n’avancent pas.

-Et bien, tu vas lui dire maintenant tout ça. Tu vas expliquer mentalement à  Emma tout ce que tu ressens. Tu vas lui dire clairement tout ce dont tu as conscience et que tu n’as pas osé lui expliquer, tu vas lui dire exactement tout ce que tu essaies de réaliser, tout ce que tu essaies de changer en toi, qu’elle comprenne que tu n’es pas indifférent à ses attentes, que tu sais ce dont elle a besoin.

-Comment Emma réagirait si elle entendait tout ça ?

-Elle serait heureuse, je pense.

-Et qu’est-ce que ça fait en toi d’imaginer Emma heureuse ?

-Oh, c’est juste immense, magnifique. Que ça soit grâce à moi, c’est comme un miracle.

- Bien. J’aimerais maintenant que tu visualises un lien entre vous deux. Un lien positif qui contiendrait les plus beaux souvenirs, les plus belles émotions, tout ce qui vous a réunis, tous les bonheurs que vous avez partagés.

Quelle est la forme de ce lien ? Quelle est sa couleur, sa densité, sa taille, sa température ?

-C’est comme une corde bleue, solide, épaisse, une corde lisse, agréable à tenir.

-Où est-elle attachée sur toi ? À quelle partie de ton corps ?

-Elle part de mon cœur.

-Et où va-t-elle se fixer chez Emma ?

-À son cœur aussi.

-Bien.     

-Qu’est-ce que tu ressens à travers ce lien ?

-Du bonheur, quelque chose de tellement fort, je ne sais pas le décrire mais c’est chaud partout.

-Bien. Et qu’est-ce que tu voudrais mettre à l’intérieur de ce lien ? Non pas des souvenirs, ils y sont déjà mais un sentiment essentiel, quelque chose que tu aurais découvert dans cette vie avec Emma. Le partage, l’attention, la tendresse, l’amour.

-Oui, c’est l’amour. L’amour, comme je voudrais le vivre tout le temps. Avec de la tendresse et le sentiment d’être protégé, comme dans une bulle.

-C’est quoi être protégé ? Et protégé de qui ?

-Protégé de tout en fait. Ne plus voir personne. Rester seulement dans les bras d’Emma et la serrer contre moi. Quand je suis avec elle, je ne pense plus à la pression du travail, à mes collègues qui sont toujours plus performants que moi, je ne pense plus à tout ce que je risque de rater, je ne pense plus que j’ai toujours besoin d’être rassuré pour faire quelque chose.

-Bien… J’aimerais maintenant que tu visualises de la même façon, un lien limitant, quelque chose qui t’empêche de vivre sereinement, des émotions invalidantes, des peines, des hontes, de la rancœur, des regrets.

-C’est noir, lourd, glacé, inquiétant. C’est dans ma gorge, ça m’empêche de parler. Et dedans… C’est la peur d’être tout seul, la peur que j’ai eue quand j’ai quitté la maison de mes parents. J’avais trouvé ce job. À deux-cents kilomètres de chez mes parents et ce sont eux qui m’ont poussé à partir. J’avais honte de ne pas avoir le courage de le faire tout seul mais j’avais encore plus peur. Et puis, c’est là que j’ai rencontré Emma. C’est elle qui m’a fait tenir.

-Où va ce lien chez Emma ?

-Dans sa tête, sur son front, là où elle a des migraines. Des migraines à cause de moi.

-Est-ce que tu veux garder ce lien limitant avec Emma ?

-Non, sûrement pas, je veux la libérer de moi.

-Paul, je voudrais que tu retires ce lien de ta gorge, je voudrais que tu le prennes dans tes mains et que tu le poses par terre. Mais tu ne touches pas au lien qui part du front d’Emma. Il lui appartient et c’est à elle de s’en défaire si elle le souhaite.

-Il va disparaître de toute façon puisque je ne suis plus avec elle.

-Occupe-toi de ton lien maintenant, Paul. Prends-le et dépose-le au sol.

-Voilà, c’est fait.

-Bien. Il reste le lien positif avec Emma. Tu peux le garder et elle fera de son côté ce qui lui semble juste.

-Et si Emma décide de déposer aussi son lien positif un jour, et si elle décide de tout oublier, de tout effacer ?

-Tu n’es pas responsable de ses décisions et il est donc inutile de t’en préoccuper. Tu fais ce qui est juste pour toi. Tu ne sais pas ce que ça peut déclencher chez les autres et ça ne t’appartient pas. C’est le chemin de vie des autres. Si ton intention dans tes actes est d’être juste, tu as fait ta part. Comment tu te sens ?

-Pas terrible en fait.

-C'est-à-dire.

-Fatigué. Lourd. J’ai envie d’aller dormir, fermer les yeux et arrêter de passer tout ça en boucle.

-Je voudrais que tu remercies ces deux liens de s’être présentés à toi. J’aimerais que tu laisses diffuser ce qu’ils t’ont enseigné. Le lien positif avec Emma existera toujours. Le lien limitant ne te sert plus à rien. Laisse les choses se mettre en place à l’intérieur, donne-toi le temps d’assimiler tout ça. Tu pourras toujours visualiser cette corde bleue avec Emma et tous les bonheurs qu’elle contient. Ils ne pourront jamais disparaître, quoiqu’il arrive.

-Oui. Je vais essayer. »

 

Ils se quittèrent après avoir planifié une nouvelle séance. Une certitude pour Yoann. Le travail n’était toujours pas fini.

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