KUNDALINI (22)
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/07/2017
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Dans le film "21 nuits avec Pattie", le personnage de Karin Viard est une femme qui raconte ses expériences sexuelles avec une joie communicative :) Elle jouit, s'extasie, bénit le sexe et la fougue des hommes tout comme leurs fragilités. Il n'y a aucune scène de sexe mais tout est raconté avec une telle euphorie que les images nous sautent aux yeux et c'est une mise en scène totalement visuelle à travers la littérature, les mots et le jeu de l'actrice.
C'est remarquablement bien fait.
Ces échanges entre Karin Viard, amante libertine et insatiable et Isabelle Carré, mariée, mère au foyer et sans désir, conduisent peu à peu cette femme, emplie de peurs et de retenue à se libérer de ses blocages. La nature, belle, sauvage, mystérieuse, induit des états de lâcher-prise, de confiance, d'exploration intérieure.
C'est là que je me suis retrouvé dans l'écriture de "KUNDALINI".
La nature génère la plénitude et cette plénitude est une invitation à l'exploration de l'espace intérieur.
Je ne pense pas que la vie urbaine soit favorable à ce cheminement parce qu'il n'existe pas de silence dans l'espace urbain, ni le silence extérieur, ni celui nécessaire à l'émergence du travail spirituel.
Le retour à la nature est un retour à soi et ce retour à soi est une invitation à la sensualité, à la sexualité, à la corporéité. Il existe dans la nature un "dénuement" social qui devient une invitation à la nudité, une nudité entière, non seulement physique mais émotionnelle, existentielle, spirituelle.
Se baigner nu dans un lac de montagne totalement isolé après des heures de montée n'a rien d'une baignade à l'océan après quelques minutes de marche et entouré de milliers d'individus agités et bruyants...Pour être réellement "nu", il faut être seul sinon la présence des autres vous "habille" du lien social et vous détourne de l'exploration intérieure.
Je ne suis jamais seul puisque je vais Là-Haut avec Nathalie mais comme nous sommes engagés dans une voie personnelle, au coeur du couple, l'autre n'est pas une entrave mais un accompagnamement bienveillant. Et notre solitude partagée en devient lumineuse.
C'est vraiment cette dimension de "nudité entière" que j'ai cherché à décrire dans "KUNDALINI" et c'est ce rapport révélateur avec la nature qui en est le fil conducteur.
Dans ce "dénuement extatique", l'individu découvre la liberté et c'est ce que raconte Karin Viard, avec ses mots, ses images, sa gouaille. Il n'y a plus rien de "cru" ou vulgaire, rien de pornographique mais simplement une totale liberté de paroles similaire à la liberté corporelle. Similaire également à cette sensation de bien-être générée par la nature. Il ne s'agit plus d'une nature "environnante" mais d'une nature intérirorisée.
Isabelle Carré quand elle s'allonge sur le tapis de mousse et s'endort retrouve ce contact intime avec le soi intérieur. Comme une matrice.
La nature est un calice et s'y baigner est une bénédiction, un baptème sensuel, intégral, un produit révélateur dans une chambre close mais fabuleusement lumineuse.
KUNDALINI
"Le contact de l’air agité sur sa peau, entre ses cuisses, sur ses seins, dans son cou, sur ses mains, sur ses fesses, ce bonheur si doux du câlin, elle tournoya et fit jouer ses cheveux, les bras ouverts comme pour l’accueil d’un être aimé, un sourire à cœur déployé, paupières éteintes, les yeux retournés sur les espaces intérieurs, le pétillement de ses cellules, comme des bulles de limonade, le souffle affairé, respirations intensifiées, la musique dans sa tête, sous sa peau, dans ses fibres, un flux électrique qui l’irradiait et gonflait son énergie et le désir de tourner, de se cambrer, de se déhancher, de jouer avec son corps, de sentir poindre des chaleurs sensuelles, comme si l’air frissonnait contre sa peau, comme un amant invisible qui caresserait les territoires les plus secrets, elle s’efforça de se concentrer visuellement sur différentes zones, tous les sens affinés et en laissant le reste du corps s’étendre librement, mouvements d’épaules, flottements du bassin, les oscillations des fesses, les bascules latérales, rotations sur les chevilles, fléchissements des genoux, glissements des pieds sur la terre, des impulsions jaillissant de leurs antres, c’était comme une autopsie vivante, une capsule d’observation lancée dans les vaisseaux sanguins, une caméra mouvante reliée à son cerveau puis, peu à peu, elle se sentit réellement enlacée, enveloppée, comme insérée dans une matrice, enserrée dans les chaleurs, intégralement choyée, chaque fibre, la moindre parcelle de peau, caressée, effleurée, épanouie, ouverte, absorbant les tendresses sur son corps comme un air de jouvence, elle dansa à ne plus savoir qu’elle dansait, à ne plus être là sans jamais disparaître, et c’était comme une évaporation joyeuse dans un nuage stellaire, une dispersion moléculaire, la légèreté des rêves, une aura lumineuse qui vibrait sous les cieux, comme un parfum ondoyant, des volutes encensées de bonheur.
L’impression soudaine d’être un membre érigé dans un cocon féminin, de pénétrer l’air comme une verge dans un vagin, de caresser l’atmosphère comme une montagne en mouvance. L’image la stupéfia et elle l’accueillit comme un nectar, elle l’engloba sous ses paupières, l’ancra dans la mémoire de ses cellules, partout où elle devinait des points de contact, la douceur des parois utérines, la chaleur humide, le délice des frottements, elle effleurait l’air comme un pénis aimant.
Elle entendit dans l’obscurité de ses yeux fermés une accélération cardiaque, des percussions accompagnant la montée des violons, un synthétiseur s’amplifiant comme une érection sublime, une vague de plaisirs qui entraîna son corps dans des arabesques libres, l’impression d’une corolle ouverte buvant des lumières et les larmes coulèrent, les larmes chaudes des amours qui bouleversent, juste l’amour de tout, de là, de maintenant, de l’instant, l’amour des étoiles, l’amour de la Terre."
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« Maud. »
Elle s’éloigna un peu de son visage.
« L’important est que tu chevauches ton plaisir, pas qu’il te piétine.
-La pleine conscience, c’est ça.
-Oui, observe, visualise, dirige ton plaisir, c’est toi qui tiens les rênes. Et si tu fermes les yeux, ouvre-les à l’intérieur. Cette émotion que tu as ressentie tout à l’heure et qui a fini par te paniquer, va la chercher, elle est quelque part en toi, prends-là et mêle-la à l’énergie qui vibre, la, maintenant. Transforme cette peur en quelque chose qui élève. C’est simplement ton regard qui doit changer. Tu verras alors que tu as juste eu peur d’un amour qui te paraissait trop vaste. Mais tu ne te perdras pas dans ce territoire puisque c’est le territoire qui souhaite entrer en toi.
-L’amour en moi.
-La vie qui s’aime en toi, ajouta-t-il. Nous ne faisons pas l’amour, c’est l’amour qui se sert de nous pour que la vie prenne conscience d’elle-même.
-Alors, je vais user de mon amour pour toi et aimer cette vie en moi », termina-t-elle avant de l’embrasser.
Et d’avoir osé le dire l’inonda de douceur. Pour elle-même.
Il s’était allongé sur le dos, elle avait posé une cuisse sur son bassin. Puis, elle descendit en pointant la langue sur son torse, elle parcourut son ventre puis ses bras, ses aisselles, ses mains, son cou puis de nouveau son ventre et lorsque sa bouche rencontra la verge dressée, elle s’appliqua à la mouiller, sur toute la longueur, à lécher les bourses et le périnée puis elle posa sa bouche à la cime et engloutit le membre lentement.
Et plus incroyable encore pour elle qui ne se reconnaissait déjà plus, elle leva les yeux vers le visage de Sat et elle croisa son regard.
Se voir dans ses yeux, comme un miroir diffusant du bonheur.
Cette femme que Sat regardait caresser sa verge, c’était elle.
Cette femme adorant en elle l’amour qu’elle offrait.
Elle avait toujours fermé les yeux quand elle aimait Laurent et elle n’avait donc jamais pu se voir en lui.
Cette estime de soi qu’elle libérait enfin, cet amour d’elle-même qui invitait l’amour de Sat.
Elle serrait le membre palpitant et elle éprouvait au plus profond un plaisir qui n’était pas uniquement celui des sens.
Sans pour autant pouvoir identifier clairement ce qui était là.
Alors, elle cessa d’y penser.
Sat fit signe de se redresser. Elle abandonna ses caresses et le regarda. Il passa la tête entre ses cuisses et glissa sous elle. Tête bêche.
Les lèvres de Sat sur son sexe. Elle en tressaillit et elle renforça la pression. Elle posa la bouche sur la tige érigée, léchant le gland amoureusement puis elle l’avala autant qu’elle le put. Elle le voulait en lui, elle voulait qu’il gonfle encore en elle, elle voulait chevaucher son plaisir sur son corps, être une amazone, une maîtresse écuyère, la Déesse de Sat.
Elle suspendit ses caresses un court instant.
Une image fugace.
Elle était drapée dans une robe d’argent. La femme de son rêve.
Elle effaça l’image dans son plaisir.
Les doigts de Sat glissaient de son anus à son vagin et sa langue vivace enlaçait son clitoris. Elle voyait monter en elle des ondes chaudes.
Dehors. Sous les cieux, dans l’air tiède des ombres végétales. Elle aimait un homme, elle se donnait à lui comme elle n’avait jamais pensé pouvoir le faire de toute sa vie, avec cette impression de lui être offerte et en même temps de pouvoir jouer avec lui, dans une totale complicité…non…bien plus que ça…une reconnaissance…cette impression d’être reliée, connectée, absorbée, diluée, fragmentée, cette impression que seul le plaisir coulait dans ses veines…la langue de Sat…cette pointe appliquée qui jouait avec son sexe…des cisaillements soudains qui nourrissaient son désir…elle s’était totalement allongée sur lui, les seins épanouis sur son torse…elle sentait dans la verge des tensions régulières, des gonflements comme des houles passagères…elle savait que Sat appliquait ce qu’il savait…il avait parlé du contrôle énergétique…ne pas courir après l’orgasme…préliminaires, coït, orgasme…voilà, c’était le schéma qu’il avait détaillé…
Elle s’arrêta. Net. Elle abandonna la verge, elle suspendit toutes ses caresses et elle s’assit en se tournant vers lui.
Il en fit tout autant. Intrigué.
« Sat. J’aimerais que tu m’enseignes la sexualité sacrée dont tu m’as parlé. Je ne veux pas juste reproduire ce que j’ai déjà vécu avec toi, même si mes ressentis sont infiniment plus profonds, même si je ne reconnais déjà plus rien de ce que j’ai déjà connu. J’aimerais que tu m’apprennes à nous aimer. Et tu vois, quand je dis « nous aimer », c’est déjà une transformation radicale. Jusqu’ici, je n’ai toujours fait l’amour que pour mon partenaire… et… pour moi. Mais jamais pour le nous. Même si je le croyais. Tu vois ce que je veux dire ? »
Elle aimait son sourire quand il regardait ainsi en elle.
« Oui, je vois ce que tu veux dire. Le nous signifie que tu es dans l’amour et non juste dans la sexualité, que tu es dans la conscience et non juste dans l’excitation, que tu es dans la patience et non juste dans l’urgence de l’orgasme et que tu es dans l’amour pour toi et c’est essentiel pour une femme.
-Voilà, c’est ça. Un jour, je saurai l’exprimer à mon tour. Un jour, ça sera en moi pour toujours.
-J’en suis convaincu. »
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