Quand les centrales ont soif.

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Quand les centrales ont soif

Publié le 15 septembre 2018 par 

Siné mensuel – septembre 2018 – Laure Noualhat –
Depuis la canicule, il n’y a pas que les humains qui transpirent. Les centrales nucléaires sont au bord de l’évanouissement. Début août, quatre réacteurs ont dû être mis à l’arrêt. Ils étaient en surchauffe.
A boire ! Dans la nuit caniculaire, avez-vous entendu le cri de nos centrales nucléaires ? Pour fournir notre jus, il leur faut de l’eau, beaucoup d’eau. C’est ballot dans une France qui était assoiffée. Du jus, en été, on en consomme comme des gorets. Chaque degré supplémentaire fait bondir notre consommation électrique, si bien que le parc nucléaire doit livrer l’équivalent de la production d’un demi-réacteur en plus. En pleine chaleur, le pic intervient vers midi, quand les ordinateurs, les machines à glaçons et les climatiseurs carburent à plein régime. Ah, la clim, l’oxymore absolu de l’été, l’appareil qui fait du froid en crachant du chaud hors de nos bagnoles, de nos maisons ou de nos usines. Mais la canicule, ce n’est pas un, ni deux, ni trois degrés de plus m’sieurs dames mais bien six à sept degrés ! Donc, sortez vos calculettes…
Manque de bol, les réacteurs crèvent de soif au même moment. Et pour éviter un désastre écologique, on les ferme. Il leur faut de l’eau, pas trop chaude, provenant d’océans ou de fleuves, pour se refroidir.  avec les barrages qui constellent la France, on peut maintenir le niveau de fleuves échaudés par les degrés et fournir nos boit-sans-soif atomiques. Mais une fois qu’elle a servi, l’eau retourne encore plus chaude dans son milieu naturel. Diluée dans l’Atlantique, passe encore, mais dans des fleuves évaporés par les 38 degrés extérieurs, c’est moins marrant pour tous ceux qui frayent dedans : poissons écrevisses, algues… Par exemple, l’eau du Rhône a atteint 28 degrés en sortie de centrale cet été, le maximum fixé par décret à la construction de l’usine. On a dû fermer les tranches 2 et 3 de la centrale du Bugey (Ain) et deux tranches de SaintAlban (Isère). Tant que ça ne dérange pas « les gens », ça va, sinon, autant dire que la dérogation pleut.  L’écologie peut bien aller se faire voir en Arctique. Où ça fond aussi d’ailleurs.
Le plus drôle est à venir. En mai, l’Agence internationale de l’énergie a pondu un rapport édifiant intitulé « le futur du refroidissement ». On y apprend qu’environ 1,6 milliards de climatiseurs sont utilisés dans le monde, dont la moitié aux États-Unis et en Chine. A eux seuls, ils réclament plus de 2 000 térawattheures d’électricité par an. Ouarf, trois fois rien, juste quatre fois la consommation annuelle d’électricité en France ! En comme en 2050, on en attend 5 milliards, la fête ne fait que commencer.
Ouest-France du vendredi 14 septembre 2018

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