Tais-toi un peu...Tu me fatigues.

"J'entreprends de me laisser porter par la force de toute vie vivante : l'oubli. Il est un âge où l'on enseigne ce que l'on sait, mais il en vient ensuite un autre où l'on enseigne ce que l'on ne sait pas : cela s'appelle chercher. Vient peut-être maintenant l'âge d'une autre expérience : celle de désapprendre, de laisser travailler le remaniement imprévisible que l'oubli impose à la sédimentation des savoirs, des cultures, des croyances que l'on a traversés. Cette expérience a, je crois, un nom illustre et démodé, que j'oserai prendre ici sans complexe, au carrefour même de son étymologie : Sapienta. Nul pouvoir, un peu de savoir, un peu de sagesse et le plus de saveur possible." R.Barthes



Etrange dilemme qui me voit étiré entre deux directions. Lire, écrire et me confronter aux esprits éveillés qui jalonnent leurs routes de balises, des lumières puissantes contre lesquelles je viens heurter mes inquiétudes comme un papillon de nuit ou m'asseoir sur la terrasse, dehors, lever du jour, 6h30, les yeux posés sur les montagnes environnantes, aucun désir, aucune attente, aucune pensée, un vide intérieur qui se laisse envahir par les arabesques du jour qui courent sur les pentes. L'impression inexplicable d'un échange de données : comme si mes pensées, mes connaissances, mes raisonnements, mes incertitudes, mes questionnements lancinants étaient aspirés par l'espace et qu'en échange, ruisselaient en moi, dans les territoires libérés, des énergies vitales, des vibrations d'univers, des pulsions végétales, une aimantation vers le soleil, vers la lumière du monde, juste des bouffées d'air pur.

Il y a des jours où je perçois ma vie comme une interminable errance et simultanément comme une litanie de découvertes insignifiantes. Comme s'il était possible de se réjouir d'avoir ressenti l'Amour de la vie. Mais c'est tout bonnement consternant de se réjouir de quelque chose qui aurait dû ne jamais être caché, ne jamais être dispersé, remplacé, ignoré. Se réjouir d'être moins égaré ? Cela signifierait que j'ai erré pendant cinquante ans et que je peux désormais être satisfait?...C'est effrayant d'immaturité.

Je suis davantage assommé par le constat et totalement horrifié en pensant à ce millier d'enfants que j'ai croisés. Devront-ils eux aussi errer pendant des décennies ? Mais de quoi avons-nous donc été sanctionnés pour devoir subir un tel acharnement ? Nos vies sont-elles donc des tremplins dont nous ignorons même jusqu'au tracé ? Imaginons un sauteur à skis, il s'est équipé, il est prêt, il est en haut de la pente, il sait qu'il doit prendre de la vitesse pour planer. Mais il ne sait pas où est le tremplin...

Le goût de l'Eveil est en nous, dans des profondeurs insondables. Et lorsque ce goût parvient à remonter à la Conscience, nous ne savons même pas en user...

Il est des jours où j'aimerais que ça se taise en moi.

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