Assurance et menaces climatiques
- Par Thierry LEDRU
- Le 02/08/2021
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Il faut toujours avoir en tête que les marchés financiers anticipent. C'est même sur ce principe qu'ils construsient leurs fortunes ou leurs faillites...J'avais déjà parlé ici du fait que l'eau est désormais côtée à Wall Street. Pour quelles raisons ? C'est très simple/Les marchés financiers anticipent le fait que l'eau va se raréfier.
On a ici un autre exemple de ce système qui se construit sur l'anticipation : les assureurs au regard des menaces climatiques. Qu'est-ce que ça signifie ? Que les sociétés d'assurance disposent des données scientifiques que nous ne prenons pas le temps de lire ou auxquelles nous ne croyons pas et qu'elles décident d'agir avant que la menace ne devienne une réalité trop lourde pour elles.
Que peut-on en déduire pour l'avenir ? Que les maraîchers, les agriculteurs, les viticulteurs, les éleveurs vont payer de plus en plus cher la protection de leurs productions, que nous allons payer de plus en cher la protection de nos véhicules et de nos habitations, que des constructions bâties sur des zones inondables ne seront plus assurées, que toutes les zones urbaines côtières verront leurs tarifs grimper année après année.
Tout ça ne se fera pas en une année. Je parle d'anticipation et par conséquent des décennies à venir. On peut donc ne pas s'en faire si on a le projet de mourir avant...On peut aussi se demander si l'héritage que recevront nos descendants est un cadeau ou une malédiction.
RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : UN MONDE À +2°C N’EST DÉJÀ PLUS ASSURABLE
Notre monde subit un réchauffement de +1,2 °C et déjà, des assureurs se désengagent de certaines zones qu’ils considèrent trop à risques. En Floride, région particulièrement touchée par les catastrophes climatiques, certains particuliers ne trouvent ainsi plus d’assureurs privés. En Allemagne, après les inondations historiques, les assureurs ont prévenu : si rien n’est fait pour limiter un réchauffement à +2 °C, l’assurance ne sera plus possible.
La Californie a compté 9600 incendies en 2020, selon Munich Re.
@DavidMcnew/GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
C’était à la veille de la COP21 en 2015. Henri de Castries alors président d’Axa, premier assureur mondial, expliquait qu’un "monde à +2 °C pourrait encore être assurable, un monde à 4 °C ne le serait certainement plus". Cette déclaration, qui a eu un fort retentissement à l’époque, était-elle trop optimiste ? Alors que le monde enregistre déjà un réchauffement de 1,2 °C par rapport à 1900 et que la barre des + 1,5 °C pourrait être franchie d’ici trois ans, les assureurs commencent déjà à se désengager de certaines zones particulièrement à risque.
Il y a un mois, dans la ville de Surfside en Floride, l’effondrement spectaculaire d’un immeuble résidentiel a tué une centaine de personnes, provoquant une vive émotion. Si l’enquête est toujours en cours pour trouver l’origine de cet effondrement, la piste de mauvais entretiens et d’une structure détériorée sont en cause. Mais cette région, particulièrement sous pression du changement climatique, est de plus en plus fragile. Depuis les années quatre-vingt, date de construction de l’immeuble, le niveau de la mer a augmenté de plus de 20 centimètres dans le sud de la Floride.
En accélérant la dégradation des bâtiments, la crise climatique fait fuir les assureurs. "Quelques jours après l'effondrement, les compagnies d'assurance ont envoyé des lettres menaçant de ne plus couvrir les vieux bâtiments qui n'avaient pas passé les inspections de sécurité obligatoires. En Californie, les assureurs ont commencé à fuir les zones exposées aux incendies ; dans d'autres régions de l'Ouest, les responsables disent qu'ils reçoivent des rapports similaires d'assureurs refusant de renouveler les polices", rapporte ainsi le New York Times. Avec des incendies de plus en plus fréquents et intenses, des ouragans dont Irma en 2017 et Michael en 2018, les compagnies d’assurance accusent des pertes sans précédent. À tel point que certains particuliers ne peuvent même plus renouveler leur assurance. Et cette situation n’est pas isolée.
Une explosion des primes d'assurance
En Allemagne, le secteur a déjà prévenu : "Si rien n’est fait pour maintenir le réchauffement en dessous de 2 °C, nous devrons arrêter l’assurance contre les risques de catastrophe naturelle". Les assureurs affirment que 2021 pourrait être une des années les plus importantes en termes de pertes financières alors que le pays a subi des inondations historiques à la mi-juillet. Et la France n’est pas épargnée. 200 millions d’euros pour la tempête Alex qui a dévasté la vallée de la Roya, un milliard d’euros de dommages en raison des épisodes de gel dans les vignes, 550 millions d’euros concernant les inondations dans plusieurs départements en juin... Au total, la facture des sinistres climatiques a triplé depuis les années quatre-vingt, passée de 1,2 milliard d'euros par an à 3,6 milliards.
Face à la hausse des impacts du changement climatique, le monde de l’assurance appelle tous les acteurs à ne plus négliger "l’adaptation". En attendant, le secteur ne peut plus supporter seul le surcoût de la crise climatique. Même les réassureurs sont de plus en plus frileux de sorte que'ils cherchent de nouveaux outils de financement et certains font appel au marché des "cat bond", des "obligations catastrophe".
Concrètement, ces instruments financiers permettent de faire supporter le risque d’indemnisation des désastres naturels aux marchés financiers. Reste que les surcoûts liés au changement climatique vont inévitablement se répercuter sur les primes d’assurances. L’Autorité de contrôle prudentiel et de supervision (ACPR), qui dépend de la Banque de France, prévoit une explosion des primes de 130 à 200 % sur trente ans.
Marina Fabre, @fabre_marina
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