Biodiversité
- Par Thierry LEDRU
- Le 08/03/2021
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Les gens de ma génération pourraient tous en témoigner, du moins ceux qui ont eu la nature comme compagne de vie de leur enfance à aujourd'hui. La disparition ou l'affaiblissement des espèces est une évidence indiscutable. Et il ne peut y avoir d'autres explications que le poids redoutable de notre présence. Est-ce acceptable ? Pouvons-nous considérer que c'est inéluctable ? Devons-nous continuer à considérer que la disparition d'espèces, qu'elles soient inconnues du grand publc ou pas, n'a que peu d'intérêt ou devons-nous comprendre que l'équilibre de la nature relève d'un devoir pour l'Humanité entière ?
Quant aux "écomodernismes", en tout cas certains, qui contestent que cette extinction de masse ne relève pas de la responsabilité de l'humain, j'ai l'impression quand je les lis d'avoir affaire à un ordre religieux similaire à celui de l'Inquisition. "Non, la Terre ne tourne pas autour du soleil, c'est l'inverse parce que Dieu a fait de l'Homme le centre de l'Univers."
Un renard en France, illustration — Pixabay
Ce mercredi, un rapport s’inquiète de la dégradation des conditions de la faune et de la flore en France.
Plus de 2.400 espèces sont menacées d’extinction dans le pays.
Alors qu’on n’a jamais autant parlé d’écologie, comment expliquer un bilan si désastreux ?
Ce mercredi, c’est la Journée mondiale de la vie sauvage. A cette occasion, l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’Office français de la biodiversité et le Muséum national d’histoire naturelle ont sorti un nouveau rapport sur la biodiversité en France, dressant un bilan de la Liste rouge, qui établit le « degré de menace pesant sur les espèces de la faune et de la flore » depuis 2008. Et les résultats sont alarmants : la situation s’est dégradée entre 2008 et 2021 à une vitesse qui a surpris jusqu’aux auteurs du rapport. 13.842 espèces ont été évaluées, dont 17,6 % sont aujourd’hui menacées.
« Nous pensions qu’en huit ou neuf ans, on ne verrait pas beaucoup d’évolution. La surprise est qu’on assiste à une nette dégradation de la situation », explique Florian Kirchner, de l’UICN France, à l’AFP. Mais comment expliquer un tel cataclysme alors que l’enjeu écologique n’a jamais eu autant d’échos ?
Inaction et régression
« On en parle beaucoup, mais on n’agit pas, on laisse faire, il y a toujours d’autres priorités », déplore Muriel Arnal, présidente de l’association de protection des animaux One Voice. Pour Jean-François Silvain, entomologiste et ancien président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, le dérèglement de la planète par l’humain est régulièrement mis sur la table. Mais les objectifs pour le contrer « ne sont donnés qu’en termes de CO2 et de température, rarement au sujet de la biodiversité. »
Or, les bilans carbones ou leurs équivalents « passent totalement à côté de ce plan-là, ce qui peut expliquer cette dégradation. » Certaines énergies propres mises en place pour diminuer le bilan carbone, notamment l’éolien ou les barrages hydrauliques, « ont forcément des conséquences sur leurs environnements », note aussi le chercheur.
Pas de frontières face au dérèglement
Mais l’inaction ne peut expliquer à elle seule une aussi grande dégradation. Le rapport pointe « l’aménagement du territoire, qui reste incontrôlé, et l’intensification des pratiques agricoles ». Pour Muriel Arnal, « le cycle de vie est totalement perturbé par les activités humaines, et on ne laisse jamais la nature se réparer ou être tranquille. » Elle plaide pour le retour de zones totalement vierges d’activités humaines : « Laisser faire la nature seule, c’est aussi une action ».
Jean-François Silvain, lui, rappelle l’évolution très lente de la France sur la question des pesticides ou l’explosion démographique, notamment dans les territoires d’Outre-mer – particulièrement touchés par cette détérioration de la biodiversité –. Mais aussi l’impact mondial du dérèglement de la planète. « Toutes les populations animales décroissent au niveau mondial, la France n’a pas de frontières à ce niveau. Même si elle faisait tout bien – ce qui n’est pas le cas –, elle subirait forcément l’impact du dérèglement planétaire », rappelle le chercheur.
Cercle vicieux
Le rapport alerte d’autant plus que des espèces censées être protégées voient leur situation empirer : « Nous parlons de celles qui bénéficient le plus d’efforts de conservation, les vertébrés, et pas des insectes ou des mollusques », note le rapport. Une question avant tout d’écosystème, selon Muriel Arnal : « On pense qu’on peut ne pas protéger les insectes ou les mollusques, mais sans eux, d’autres espèces plus "symboliques" meurent aussi. La nature est un équilibre fragile, le perturber entraîne forcément des conséquences à grande échelle. » Or, certaines espèces – notamment chez les insectes – ne sont pas menacées d’extinction, mais on constate d’immenses pertes dans les quantités de population. Et en bout de chaîne alimentaire, cela a forcément des conséquences.
Mais le rapport évoque tout de même une source d’espoir : « l’opinion en train d’évoluer » sur cette question. Muriel Arnal évoque alors sa madeleine de Proust : « Quand j’étais enfant, on pouvait regarder des heures des éphémères dans le jardin. Il y a moins cette sensibilité pour la biodiversité de nos jours, et c’est cela qu’il faut retrouver pour ensuite prendre le problème à bras-le-corps ». S’émouvoir pour les éphémères, et sauver le reste avec.
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