C'est Socrate qu'ils assassinent
- Par Thierry LEDRU
- Le 24/01/2015
- 2 commentaires
Jacques Moret organisait hier après-midi la mobilisation pour les valeurs de la République (lire plus bas). Dans son introduction il rappelait: « Le 8 janvier, il y a eu aussi l'inacceptable commis par quelques enseignants qui n'ont pas observé la minute de silence avec des arguments dérisoires invoquant une absence de nécessité. Ou des arguments plus contestables estimant que ce n'était pas le moyen le plus approprié. Mais aussi des arguments inadmissibles pour des fonctionnaires cautionnant plus ou moins les attentats. » Et le recteur de promettre des sanctions si ces faits étaient avérés.
Ainsi, un professeur de philosophie du lycée Victor-Hugo à Poitiers est suspendu à titre conservatoire pour 4 mois (*) depuis mercredi. Il a été remplacé.« Sur ce cas, il y a eu des plaintes de familles, nous a confié le recteur. L'enseignant aurait tenu des propos déplacés pendant la minute de silence. J'ai immédiatement diligenté une enquête. Le professeur a été suspendu. Il fallait l'éloigner de ses élèves. La procédure suit son cours. Le conseil de discipline statuera sur la suite de sa carrière. » Par ailleurs, Jacques Moret a porté l'affaire en justice hier soir. « Le recteur m'a effectivement dit qu'il me saisissait sur le fondement de l'article 40, nous a confirmé le procureur de la République Nicolas Jacquet. Je n'ai pas à cette heure les éléments en main. » L'apologie du terrorisme est évoquée. Mais le rectorat n'en dira pas plus.
Jean-François Chazerans par contre nous a livré sa version. Ce professeur de philo mis en cause est connu pour son militantisme d'extrême gauche. Enseignant à Victor-Hugo depuis 2005, il est apparu très ému hier midi. Sous le choc. Voici sa vérité. « J'ai été interrogé lundi par deux inspecteurs d'académie. Ils m'ont dit que leur rapport serait le soir même sur le bureau du recteur et le lendemain sur celui de la ministre. Je ne sais pas ce qu'on me reproche. Je ne sais pas quel cours, quel débat est concerné. On m'a juste dit "ce sont des propos qui ont été tenus en classe". On évoque qu'il y avait eu des plaintes d'élèves et de parents qui sont montées directement au rectorat. Je suis sonné, je m'attendais à tout sauf à ça. Ce fameux jeudi, j'ai organisé des débats avec mes six classes de terminale. Le but était de comprendre les causes du terrorisme en sortant autant que possible de la passion et de l'émotion du moment. »
"Les djihadistes
sont
des fascistes"
Jean-François Chazerans poursuit. « Ce sont les élèves qui étaient demandeurs. J'étais réticent. Je n'aime pas évoquer à chaud de tels sujets. Devant leur insistance et leur état de choc, j'ai décidé de mettre en place ces débats. »
Eludant la fameuse minute de silence (**) - « Je n'y étais pas » -, le prof engagé condamne aujourd'hui sans ambiguïté les attentats et leurs auteurs. « Ma réaction de citoyen est de dénoncer avec force ces actes odieux, horribles. On ne peut quand même pas m'accuser d'avoir la moindre sympathie pour les djihadistes. Ce sont des groupes fascistes que je combats. Il n'y a pas eu une quelconque apologie du terrorisme lors de mes cours. Au contraire... » Le prof fait montre d'incrédulité. « Je ne comprends pas. Je décide de m'exprimer car je ressens un fort sentiment d'injustice. »
(*) Pendant sa suspension, le professeur bénéficie de l'intégralité de son traitement. Il peut former des recours gracieux, hiérarchique ou contentieux pour contester cette décision.
(**) Au moment où nous avons interrogé le professeur, il ignorait qu'on lui reprochait d'avoir perturbé la minute de silence.
Commentaires
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- 1. Thierry Le 25/01/2015
J'ai eu aussi une professeur, Mme Sotirakis, en philo, inoubliable, totalement "hors cadre".... Il y en a des comme ça qui vous marquent à vie. Il faut les soutenir et c'est pour ça que j'ai laissé les deux commentaires. J'espère aussi que ce prof les lira quelque part. -
- 2. MN Le 24/01/2015
Tellement désolée de lire ce genre de choses .... c'est quoi , la chasse aux sorcières qui recommence .
Je souhaite en tout cas que ce professeur lise le témoignage de Ana ci dessus .J'ai eu il y a très très très longtemps un professeur de cette envergure , et c'est sans doute pour cela qu'aujourd'hui encore je cherche " le pourquoi du comment " un besoin de comprendre , de réagir qui fatigue un peu les autres , mais qu'importe .
Nous traversons des heures sombres et de bonnes personnes en pâtissent , à titre d'exemple , pour rassurer les masses . voilà , une élève et un chef d'établissement , qui ne sont pas dupes, j'espère que cela sera d'un certain réconfort .
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