Concours littéraire.

A votre bon coeur Messieurs Dames, un petit concours auquel je participe. Un texte court, 400mots maximum, j'en ai mis 397 :)


il y a 1 h

Le chant du cygne Thierry Ledru

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Thème : Athlettres

Le sport est devenu, à la place de la guerre, le grand thème épique. Les écrivains sont des athlètes en chambre.

Pour certains, la littérature est un sport de combat. Ils tapent sur les touches de leur clavier comme ils frapperaient sur un punching ball. D’autres s’émeuvent sur les corps glorieux des grands cham­pions ou des forçats de l’effort, qu’ils soient cyclistes, footballeurs, tennismen, coureurs ou cavaliers. Peut-être parce que l’intensité de la compétition est, comme la densité du livre, de la vie por­tée à l’incandescence.

Mais il y a aussi des écrivains qui trouvent le sport stu­pide, comme la guerre. Dans tous les cas, on est pris par le texte comme on est pris par un match.

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À bloc depuis une vingtaine de kilomètres, soixante-douze au compteur et j'avais décidé de finir en beauté. Un final très montant. Une bosse de six kilomètres que j'ai tenté de franchir sans jamais relâcher la pression, la bave aux lèvres, les tympans saturés par la force de mes souffles, la brûlure constante des cuisses. Je savais, avec l'expérience, qu'il ne fallait pas lever la tête, ne jamais regarder en avant, ne jamais subir cette vision destructrice de la pente, rester appliqué sur la poussée des jambes, le ruban de goudron qui défile sous les yeux, rester dans l'instant, ne pas espérer la fin de la montée au risque de voir fondre mon énergie. J'ai franchi le sommet et j'ai basculé aussitôt dans la pente, grand plateau, cinquante-huit kilomètres à l'heure, l'enchaînement des virages, une euphorie bienheureuse, aucune envie de récupérer mais bien au contraire de continuer à puiser dans le creuset bouillant. Un long faux plat montant et puis une nouvelle bosse de cinq kilomètres.
Toujours à fond.
C'est là que j'ai senti qu'il n'y avait plus rien. Un retour éphémère de la pensée et puis son effacement quasi immédiat, comme si cette pensée n'avait plus de raison d'être, qu'elle n'était qu'une intruse inutile, une excroissance qui s'était vidée de toute son énergie. Je sentais autour de moi cette odeur particulière du corps, ce parfum âcre, entêtant, lorsque l'effort impose d'aller chercher dans les abysses les forces disponibles, comme si ces forces agglutinées dans les tréfonds possédaient une odeur de cave. Je sais quand cette odeur survient que je ne suis pas loin du point de rupture et que le chant du cygne va survenir.
Je ne savais pas où j'étais dans la montée, je n'avais plus de lien réel avec le monde environnant. Les frissons sont apparus, comme une bourrasque, des cascades caloriques déboulant du crâne jusqu'aux orteils, saturant de jouissance chaque cellule. J'ai éclaté de rire et mon rire m'a surpris.
J'ai vu sur le compteur que la vitesse augmentait et j'ai appuyé encore plus fort, j'ai laissé couler de ma gorge les râles et la mélodie des souffles. Une montée verticale dans les gouffres intérieurs.
Je suis arrivé au sommet de la bosse. Et tout s'est effondré.
Il restait trois kilomètres. Je les ai parcourus comme un moribond. Comme un voyageur revenant d'un séjour étrange, une terre inconnue et redécouvrant misérablement sa condition humaine.

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