Contre l'avis médical

Je comprends parfaitement que le corps médical se montre prudent, réticent, limitant. C'est le principe de précaution. Ils font leur job. 

Et je trouve toujours réjouissant quand certains individus parviennent à leur montrer que les statistiques et leurs expériences professionnelles ne peuvent pas présager de ce que le mental, la volonté, la passion et l'amour sont capables de générer.

Par esprit de contradiction également  ^^

Il est certain, en tout cas, que lorsqu'on passe outre les limites préconisées par le corps médical, il est vital que ça se fasse avec une très grande connaissance de soi, une connaissance qui grandit au fil du temps.

Bien évidemment qu'il y a des limites, mais c'est l'individu qui les identifie. Pas le corps médical. 

 

Privé d'estomac, il va participer à un trail de 53 km : "les médecins m'avaient m'annoncé qu'il faudrait que j'arrête la course à pied"

 

Malgré son ablation de l'estomac en octobre 2023, Jérémy Lichté n'a jamais faibli : il a repris le trail quelques semaines après son opération et même allongé les distances des courses auxquelles il participe.

Malgré son ablation de l'estomac en octobre 2023, Jérémy Lichté n'a jamais faibli : il a repris le trail quelques semaines après son opération et même allongé les distances des courses auxquelles il participe. • © Jérémy Lichté

Écrit par Karine Gélébart

Publié le17/09/2025 à 17h16

Grand Est

Fin 2023, Jérémy Lichté a subi une ablation de l'estomac, il aurait dû ne plus pouvoir assouvir sa passion du trail. Il s'apprête pourtant à participer à l'une des épreuves les plus dures d'Europe, en Suisse, sur une distance de 53 km pour 3 300 m de dénivelé positif.

 

C'est l'heure des derniers kilomètres de préparation sur ses terres de la forêt d'Andlau (Bas-Rhin). Une sortie de 8 à 10 km pour "faire tourner les jambes", à quelques jours du trail de Wildstrubel by UTMB, en Suisse, auquel Jérémy Lichté participera sur la distance de 53 km. Cette course est l'une des plus diffciles d'Europe, avec ses 3 300 m de dénivelé positif sur les chemins escarpés des Alpes suisses.

Ce dernier entraînement, Jérémy Licthé le fait sac sur le dos, chargé comme pour la course. Et là où d'autres vont chercher à grapiller chaque gramme pour alléger la charge, lui au contraire ne lésine pas sur les réserves de nourriture.

Car ce samedi 20 septembre, il s'élancera pour cet ultratrail à jeun. "J'évite de manger avant de partir pour éviter d'avoir une montée de glycémie qui me coupe les jambes... Mais ensuite, il faudra gérer la nutrition au fil de la course".

La nutrition, au coeur de la gestion de course de tous les traileurs. Encore plus pour Jérémy Lichté depuis qu'il s'est vu retirer l'estomac en 2023. Cet organe est chargé notamment de "pré-digérer" la nourriture par l'action des sucs gastriques, et surtout de la stocker et la distiller petit à petit. Sans lui, au moment de manger, l'intestin reçoit tout d'un bloc, l'organisme ne sait pas comment gérer. La glycémie, entre autres, peut être compliquée à gérer.

Perte de poids et fractionnement des repas

Pour Jérémy, qui a perdu 25 kg après l'opération, tout est désormais question de fractionnement des repas, de gestion des quantités, de choix des aliments.

"Quand je mange, je ne sais jamais comment va se passer la digestion, si je vais pouvoir manger normalement ou juste une fourchette. Donc je ne sais pas à quel point je vais pouvoir recharger le corps, ce qui est évidemment un handicap pour le sport. Je ne peux pas faire de réserves d'énergie avant une course, il faut que je le fasse sur plusieurs semaines, pour stabiliser le poids en vue de l'effort."

Des courses plus longues et de meilleurs chronos

Des handicaps que le trentenaire a balayé par sa seule volonté. Passionné de course depuis le collège, spécialiste de trail depuis une dizaine d'années, il découvre à 36 ans qu'il est porteur d'une mutation génétique risquant de causer un cancer virulent. Il décide donc de se faire enlever l'estomac. "Les médecins m'ont alors dit que je devrais arrêter la course, ou me contenter de toutes petites distances. Moi, j'ai pris ça comme un défi, pour leur prouver qu'ils avaient tort". Il s'inscrit aussitôt après l'opération à des courses, plus longues qu'avant... et avec de meilleurs chronos !

Jérémy Lichté va s'attaquer à un parcours de 53 km, avec 3 300 m de dénivelé, ce 21 septembre en Suisse.

Jérémy Lichté va s'attaquer à un parcours de 53 km, avec 3 300 m de dénivelé, ce 21 septembre en Suisse. • © Jérémy Lichté

"C'est un beau pied de nez à la médecine, oui... J'ai voulu vite être comme avant. Comme avant, comme s'il n'y avait pas eu d'opération, malgré les complications que je subis au quotidien."

Le sport est resté mon fil conducteur pour me retaper rapidement et retrouver une forme physique, une qualité de vie

Jérémy Lichté, traileur

Un parcours qui force l'admiration, y compris du corps médical. "Ce n'est pas tout à fait naturel, ce qu'il arrive à faire, mais ça prouve que c'est possible !" Le professeur Cécile Brigand a opéré Jérémy au CHU de Hautepierre à Strasbourg. "Jérémy a eu une force mentale impressionnante, et le soutien de toute sa famille... Le mental joue beaucoup, car physiquement, c'est compliqué, en raison de ce manque de réserves dont le corps peut souffrir en course". 

"Ce qui est sûr, c'est qu'on peut se passer de beaucoup d'éléments du corps que la nature nous a créés, mais c'est vrai que ça marche mieux quand on a tout. C'est un exploit ce qu'il fait. Il avait beaucoup maigri en post-opératoire, malgré toutes les précautions que nous avons pu prendre... Donc ça reste exceptionnel."

Continuer d'allonger les distances

Le coureur reste bien sûr sous surveillance, notamment pour gérer son principal problème : le poids. "Je perds beaucoup de poids en course, donc avant chaque départ, on voit avec mon médecin si je suis suffisamment armé pour encaisser."

Le mental joue beaucoup, car physiquement, c'est sûr que c'est compliqué, en raison de ce manque de réserves dont le corps peut souffrir en course. 

Professeure Cécile Brigand, chirurgienne

Un exploit qui ouvre la voie des possibles, y compris pour lui, qui envisage de continuer à allonger les distances, même si chaque course demande de minutieux ajustements, réglés avec une nutritionniste. "Il y a encore des ratés, il faut sans cesse s'adapter. L'absorption de liquides reste notamment un problème... Je bois, mais pas assez !"

Objectif : moins de 10 heures

"Au-delà de 25-30 km, où j'ai mes repères, je tâtonne... j'apprends ! Pour cette course par exemple, le premier ravitaillement est prévu au 18e kilomètre... Moi j'aurais déjà mangé au moins deux fois à ce moment-là ! Je ne peux pas me baser sur les ravitos de l'organisation, il n'y a que moi qui sais quand je dois manger... et je commence à bien le sentir !"

Samedi, cet ancien pompier industriel qui s'apprête à ouvrir une boutique de trail à Barr, partira "en mode randonnée gastronomique presque, avec le sac chargé à bloc, plein de nourriture pour tenir". Avec l'objectif de boucler la distance en moins de 10 heures. Et avec toujours cette motivation sans faille, qui, depuis deux ans, le font gravir des montagnes qui paraissaient infranchissables.

 

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