Court-métrage

« Thermostat 6 », le court-métrage animé qui critique le déni écologique

Eva-Marie Debas

Diane n’en peut plus de voir son plafond goutter dans un seau déjà plein à ras-bord. Sa famille étant insensible à cette situation, elle décide de prendre les choses en main. Dans un court-métrage d'animation à la fois malin et drôle qui constitue leur travail de fin d'études à l'école des Gobelins, Maya Av-ron, Marion Coudert, Mylène Cominotti et Sixtine Dano, les quatre co-réalisatrices de « Thermostat 6 », interrogent notre manque de responsabilité face à l'urgence climatique.

 « Il faut chaud, hein, pour cette période de l’année ! », balance l'un des personnages, occupé à partager un repas avec sa famille autour d’une table. Homard, melon, tomates farcies, gigot d’agneau… Les plats se suivent, et les bavardages vont bon train aussi. Mais c'est sans compter sur le comportement de la jeune Diane. Ayant remarqué que le seau placé sous une fuite d’eau en provenance du plafond déborde, elle décide de grimper sur la table pour tenter de réparer le tuyau. Impuissante, elle demande l’aide de sa famille qui continue, impassible, à vaquer à ses occupations. La fuite d’eau s’aggrave de minute en minute, prête à inonder toute la demeure…

« On a voulu explorer l'inaction face à une catastrophe qui est un enjeu de civilisation »

Non, ce pitch n’est pas celui d’un mauvais film d’auteur français mais d’un court-métrage co-réalisé par quatre étudiantes dans le cadre de leur dernière année d’études aux Gobelins, école de l’image qui forme notamment au cinéma d’animation. « Dans notre film, la fuite d’eau qui se transforme en débordement, c’est l’emballement climatique qui arrive. On a voulu explorer le déni et l'inaction face à cette catastrophe qui est un enjeu de civilisation », nous expliquent les réalisatrices Maya Av-ron, Marion Coudert, Mylène Cominotti et Sixtine Dano. 

Car dans « Thermostat 6 », chaque élément a sa propre signification métaphorique et prend son sens de manière très subtile. Attention spoiler : les lignes qui suivent sont à regarder, de préférence, après avoir visionné les 5 minutes de ce court-métrage...

© Capture d'écran YouTube

La maison, brinquebalante, « représente la Terre, passée de génération en génération. Elle s’est dégradée et n’a jamais été réparée », nous explique Sixtine, l'une des réalisatrices. « Et Diane, c’est le citoyen, le militant, l’association qui n’a pas abandonné et qui continuera à chercher une solution jusqu’au bout, malgré l'ampleur du problème », poursuit-elle.

Face à la clairvoyance de cette héroïne se heurtent plusieurs personanges : la mère, symbole de l'esprit consumériste, qui apporte son lot de divertissements tous plus appétissants les uns que les autres ; le père, indifférent, qui reporte la responsabilité sur un plombier qui ne viendra jamais ; et le grand-père, figure patriarcale et conservatrice, qui refuse de voir la réalité en gardant les yeux rivés sur son journal, dont le titre est « Tout va bien ». C’est ce dernier qui a construit la bâtisse actuelle et, comme il le profère dans le film : « pas touche aux fondations ». Ben oui, tout a toujours très bien fonctionné comme ça, alors pourquoi vouloir tout remettre en question ? Enfin, le tout jeune garçon, qui se fait emporter par les eaux, symbolise les jeunes générations à venir. Celles qui devront trouver des solutions aux problèmes causés par leurs aïeuls.

« Depuis plusieurs années, on se sent impuissantes, seules et parfois en colère face aux problèmes écologiques »

Sans (trop) nous culpabiliser, le film explore donc le dérèglement climatique sous un angle finalement pas très abordé — celui de la procrastination et de la déresponsabilisation. « Depuis plusieurs années, on se sent impuissantes, seules et parfois en colère face aux problèmes écologiques. Les événements catastrophiques s’enchaînent, mais aucune solution d’envergure n’est mise en place », confient les réalisatrices. « C’est un problème vicieux : on lit un article sur la pollution qui nous révolte, et puis on passe à autre chose. Cette dissonance cognitive nous permet de vivre dans un déni confortable pour le moment, mais cela ne nous sauvera pas sur le long terme. »

Un message d'alerte de plus - artistique celui-là - pour rappeler que la question écologique nous concerne tous, et qu'il est grand temps d'agir avant que le thermostat planétaire n'explose.

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Image à la une extraite du film « Thermostat 6 »

 

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