Créer une mare
- Par Thierry LEDRU
- Le 05/04/2023
- 0 commentaire
Depuis qu'on est installé, on a toujours eu dans l'idée de creuser une mare sur le terrain. Cette année, le jardin-potager-verger est bien avancé, quelques deux-cents plantations en deux ans, grands arbres, feuillus et résineux que nous récupérons en forêts dans des endroits où ils sont condamnés, piste forestière, piste de bûcheronnage, bords de routes élagués par la DDE, arbres fruitiers que Nathalie fait pousser à partir de noyeau ou pépins (elle a une pépinière miniature impressionnante, pommes, poires, abricots, cerises, pêches, plaqueminiers, prunes, mirabelles, etc ... puis ensuite les arbustes fruitiers ou "haies fruitières", framboises, cassis, groseilles, groseilles à maquereaux, baies de goji, de multiples espèces... Maintenant, il s'agit d'entretenir. On sera mort avant que tous les grands arbres aient atteint l'âge adulte mais ça servira aux suivants. Quant aux arbres fruiters et haies fruitières, dans deux ou trois ans, ils seront tous productifs. Les framboisiers nous ont déjà copieusement réjoui l'an passé.
On s'est lancé dans les greffes l'année dernière, 60 % de réussite sur les arbres fruitiers, on vient de finir la deuxième série, quelques-uns ont déjà débourré, on fera le bilan dans quelques semaines.
J'avais déjà enterré deux baignoires récupérées (dont une qui a fait le voyage depuis la Savoie ^^). On y a mis des plantes aquatiques récupérées au bord de tous les étangs et ruisseaux qui coulent dans le secteur. Les insectes aquatiques s'y sont installés mais la surface est vraiment trop petite pour d'autres animaux comme les grenouilles.
Ces deux baignoires sont alimentées par le trop plein des citernes de mille litres et les intempéries.
Donc, je me suis lancé dans le creusement d'une mare. Pelle, pioche, brouette et beaucoup de sueur ^^. Quatre mètres de long, trois mètres de large, des paliers à vingt, quarante, cinquante et soixante centimètres de profondeur. Des cailloux en pagaille bien entendu mais je suis habitué maintenant vu tout ce que j'ai déjà sorti. C'est le genre de travail où il ne faut pas penser à ce qui reste à faire, juste rester concentré sur la zone en cours. C'est comme un sommet à gravir : si on passe son temps à lever la tête, on est assommé, il faut juste anticiper sur les mètres suivants et se concentrer sur le pas en cours.
Je l'ai creusée au fond de la prairie, sur une zone qui reste très verte, même en été, même pendant les sécheresses. J'espérais tomber sur un fil d'eau mais il n'y a rien. Je pense que c'est juste le fait qu'il s'agisse d'une "cuvette" naturelle et que l'eau s'y accumule davantage quand il pleut. J'ai creusé un premier trou à 90 centimètres et j'ai attendu deux jours mais il n'y a pas eu d'eau au fond.
Donc, pour l'alimenter, je vais construire un toit et installer une gouttière qui se déversera directement dans la mare. La chute d'eau aura un effet bénéfique sur l'oxygénation de l'eau. Et sous ce toit, je mettrai une terrasse avec deux bains de soleil ^^
L'idée, c'est toujours celle de la biodiversité. Une mare, c'est tout un peuple de petits animaux aquatiques qui vient y vivre : libellule, dytiques, notonectes, planorbes, gyrins, argyronètes, puis les grenouilles, les crapauds, les salamandres, les hérissons viennent y boire, les oiseaux s'y baigner.
>
>
>
La mare - faune et flore
Autrefois indispensable à la campagne, elle est aujourd’hui menacée de pollution et accusée d’être une réserve à moustiques. Pourtant elle a un rôle à jouer dans l’équilibre de la nature.
Au 19e siècle, il y avait souvent une mare communale dans les villages.
La mare avait beaucoup d’importance dans la vie de la ferme. Les animaux d’élevage venaient y boire. Les habitants avaient une réserve d’eau proche de chez eux en cas d’incendie par exemple ! Les bords de la mare pouvaient servir de lavoir. Puis le réseau de distribution d’eau s’est développé, il était moins nécessaire d’avoir une mare près de chez soi. Les champs se sont agrandis, les constructions et les routes se sont multipliées. Il a fallu détruire des haies et des mares.
Heureusement, petit à petit, l’homme a compris l’utilité de la mare tout comme celle des haies, des zones herbeuses, des marais : retenir les eaux de pluie, empêcher les inondations et aussi profiter d’un coin agréable et vivant.
Les eaux dormantes
Lorsque l’eau s’écoule très doucement ou reste au même endroit, on dit qu’elle dort, qu’elle stagne : c’est une eau « dormante ».
La vie qui s’y développe est différente de celle d’une eau « vive » comme celle des torrents, des ruisseaux, des rivières ou des fleuves.
La flaque d’eau abrite une vie intéressante à observer. Dans les eaux stagnantes de plus grande dimension (mares, marécages, marais, étangs ou lacs) on trouve encore plus d’espèces végétales et animales, en particulier des insectes.
Il est facile de trouver une mare près de chez soi, si on habite à la campagne. On peut aussi pour le plaisir créer une mare dans son jardin !
Les plantes de la mare
Selon la hauteur du niveau de l’eau, lors des périodes de pluie ou de sécheresse, des plantes différentes s’installent.
Du bord de la mare jusqu’au milieu, elles forment des « ceintures végétales ». La végétation est importante et diverse selon la superficie de la mare. Elle dépend aussi de la pente de ses berges.
Près du point d’eau, des arbres comme les saules ou les aulnes assèchent les rives : ils aspirent l’eau avec leurs racines et en rejettent par les feuilles.
Plus près de l’eau, on trouve des plantes ayant besoin de beaucoup d’humidité.
Les joncs poussent en groupe.
Les roseaux, très hauts, présentent au printemps des fleurs en épis.
Les feuilles de carex ont des bords si fins quelles coupent la peau comme des lames de rasoir !
Les iris ont des fleurs jaunes remarquables. On trouve aussi des massettes, des renoncules.
Certaines plantes flottent à la surface de la mare mais leurs racines sont fixées dans la vase :
Les renoncules aquatiques,
Les nénuphars jaunes ou blancs,
Les potamots qui laissent flotter leurs feuilles ovales ; ils fleurissent en été.
Les lentilles d’eau forment des nappes avec leurs toutes petites feuilles rondes. Leurs racines minuscules ne touchent pas le fond : les lentilles d’eau poussent sans terre. Elles colonisent la surface de la mare très rapidement et étouffent les autres espèces. Ce sont de bons aliments pour les têtards.
D’autres plantes sont complètement immergées, c’est-à-dire sous l’eau.
Sur une même plante, la forme des feuilles varie selon qu’elles sont aériennes, flottantes ou immergées.
Enfin, au fond de la mare, des algues microscopiques se développent.
Au printemps, les feuilles apparaissent sur les plantes aquatiques, les graines germent. En été les plantes atteignent leur taille adulte, elles produisent des fleurs dont le nectar attire les insectes. En automne, les feuilles des arbres tombent au fond de la mare. Les fleurs produisent fruits et graines. En hiver, la plupart des feuilles et des tiges ont disparu.
Les animaux de la mare
Au printemps et en été, au-dessus de l’eau, on peut voir des insectes et des oiseaux. Libellules et demoiselles attirent l’œil par leur vol rapide et gracieux. Chacun de ces insectes, à l’âge adulte, défend son territoire au bord de l’eau. Leurs pattes ne servent pas à marcher mais à capturer un autre insecte en plein vol ! Les gerris avancent par saccades à la surface de l’eau.
Des oiseaux sont familiers de ce lieu, par exemple des passereaux comme les fauvettes, des poules d’eau. Un héron cendré peut faire une halte pour se nourrir de grenouilles, de petits poissons et d’insectes.
Autres familiers de la mare, les amphibiens : la grenouille verte y vit en permanence, tandis que d’autres espèces de grenouilles et de crapauds n’y viennent que pour se reproduire. Ils vivent dans l’eau aussi bien que sur terre, mais les têtards, eux, ne vivent que dans l’eau.
On peut trouver aussi des reptiles comme les couleuvres et des mammifères comme le rat musqué.
Différents animaux vivent dans l’eau de la mare et sur ses végétaux immergés. On peut y observer des vers, des sangsues, des mollusques, des crustacés comme les daphnies (puces d’eau) les aselles, les cyclopes, les gammares… Les larves de moustiques passent leur vie sous l’eau avant de devenir adultes.
Tous les animaux ont besoin d’oxygène pour vivre. Certains remontent à la surface pour respirer, d’autres aspirent l’air par un tube respiratoire situé à l’arrière de leur corps et d’autres encore emportent avec eux, sous l’eau, une réserve d’air dans une bulle.
Dans la mare, s’il n’y a plus assez d’oxygène, la vie disparaît peu à peu.
La reproduction
De nombreux animaux se reproduisent dans la mare mais selon les espèces, les étapes de développement sont différentes.
Grenouilles et crapauds pondent dans l’eau et les têtards sortent des œufs et vivent sous l’eau jusqu’à leur métamorphose en grenouille.
Les œufs de libellule et de dytique donnent des larves nageuses qui se transformeront progressivement en insectes adultes.
Amphibiens et insectes pondent au printemps et en été. En automne les amphibiens quittent la mare et la plupart des insectes meurent. Les larves survivent et se métamorphosent en adultes l’année suivante. En hiver les animaux aquatiques hibernent ou sont en phase de repos car il y a moins de lumière.
La mare : un écosystème
Dans une mare, comme dans tout écosystème* chaque espèce doit trouver de quoi se nourrir en quantité suffisante pour pouvoir vivre.
Les décomposeurs (bactéries, microbes) décomposent la matière organique des végétaux et des animaux morts. Cette décomposition dégage des sels minéraux.
Grâce à l’énergie solaire, les plantes utilisent ces sels minéraux pour fabriquer de la matière végétale. On les appelle les producteurs.
La matière végétale est utilisée par les animaux herbivores, comme l’hydrophile adulte et les jeunes têtards... On les appelle les consommateurs primaires.
Les consommateurs secondaires mangent d’autres animaux : ce sont des carnivores (dytiques, larves de libellule, grenouilles…).
* Un écosystème est un tout, constitué par un milieu (endroit précis : ici la mare) et par la totalité des êtres vivants (végétaux et animaux) qui y vivent. Dans un milieu équilibré, il y a toujours plus de proies que de prédateurs.
L'évolution de la mare
Au début, il y a un trou d’eau.
Petit à petit, des espèces animales et végétales arrivent naturellement :
En volant ou en marchant pour les animaux,
Grâce au vent ou aux animaux qui les transportent involontairement pour les végétaux.
L’eau de ruissellement amène beaucoup de sels minéraux. La décomposition des matières mortes en apporte aussi. Grâce à ces substances nutritives, les plantes se développent bien : il y a donc de plus en plus de déchets à décomposer !
Les bactéries qui font ce travail consomment beaucoup d’oxygène. Finalement, il y a trop de matières à décomposer et les bactéries sont asphyxiées par manque d’oxygène. Les autres habitants de la mare aussi.
Les cadavres des animaux augmentent encore la quantité de matière à dégrader, la vase s’accumule, la mare se comble lentement, se remplit… et finit par disparaître.
Les scientifiques appellent ce phénomène "eutrophisation" (résultat normal de l’évolution d’une mare non entretenue).
Pour éviter l’eutrophisation et sauver la mare, on doit faucher chaque année les plantes du bord de l’eau et retirer les débris. Tous les 5 ans on peut retirer délicatement la moitié de la vase accumulée au fond de la mare afin de laisser tranquille une partie de ses habitants !
Les mares sont utiles et doivent être protégées ainsi que leurs habitants.
Il y a plein de vidéos sur youtube sur l'intérêt des mares. En voilà une.
Ajouter un commentaire