Crise et processus de deuil

Si je mets ce processus en ligne, c'est parce qu'à mon avis, c'est ce que l'humanité vit déjà et va connaître dans les décennies à venir au regard du paradigme consumériste et de croissance infinie. Nous sommes dans les premières phases, à des degrés divers, selon les individus.

"Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou ou un économiste". Kenneth Boulding (économiste américain (1910-1983)

Chacune de ces étapes peut être utilisée dans le cadre de la dégradation de la biodiversité, de toutes les atteintes à la vie, et elles sont aujourd'hui planétaires. 

Tous ceux qui refusent de l'admettre contribuent en fait à l'accélération du processus. Ceux-là sont dans le "déni". Ils constituent en fait le "moteur" de la croissance, un carburant dont se sert les instances dirigeantes. Je l'ai écrit maintes fois : les responsables ne sont pas à chercher en haut de la pyramide mais à sa base. 

D'autres, ceux qui cherchent à savoir et refusent de se voiler la face, sont dans la phase de "choc".

D'autres sont entrés dans la "sidération".

Beaucoup, je l'ai dit, sont donc figés dans le "déni."

D'autres sont entrés dans le domaine de la "colère." Ceux-là agissent. Autant qu'ils le peuvent. Il ne s'agit pas de tout brûler et de prôner la guerre civile ou la révolution ou la pendaison de tous les instigateurs du "système". Nous sommes tous "le système" dès lors que nous n'avons conscience de rien.  

La "résignation", la "dépression", on voit de plus en plus d'individus qui en sont frappés. Il ne s'agit pas de "dépression évènementielle" liée aux aléas de l'existence mais d'une dépression générée par un état des lieux planétaire. C'est ce qu'a vécu Greta Thunberg par exemple. 

Il n'y a pas d'évolution planifiée et régulière mais des phases de retour puis des progressions. Comme des vagues, des flux et reflux mais la progression continue, chaotique pour certains, progressive pour d'autres. Ou inexistante pour beaucoup. 

J'ai longtemps alterné entre les phases d'abattement et de colère.

J'ai le sentiment aujourd'hui d'être parvenu à ce fameux "fatalisme" qui permet de gérer les émotions. Désormais, on est entré, Nathalie et moi, dans une phase intense de "construction". 

 

 

Étapes du deuil

 

Les travaux d'Elisabeth Kübler-Ross font retenir cinq étapes d'un deuil.

Le choc ou la sidération

Le terme de sidération peut tout à fait convenir pour qualifier la réaction de la personne face à l'information. Selon les personnalités, cette réaction peut se traduire par une grande agitation ou une paralysie. C'est ce que nous nommons un choc.

Le déni

Ensuite, à ce premier état va s'ajouter le refus de croire l'information. Arguments et comportements de contestation, rejet de l'information apportée et vécue comme choquante. Une discussion intérieure ou/et extérieure peut porter sur la vraisemblance de l'évènement annoncé : - Ce n'est pas vrai, pas possible…

La description de ce moment est succincte, mais il ne faut pas croire que cette brièveté signifie que l'état n'est pas important. Il arrive que des personnes restent bloquées dans cet état… ou qu'elles y reviennent, comme dans un refuge. C'est ce que nous nommons le déni.

La colère

La personne est confrontée à la vérification entêtante de l'authenticité de l'information. Son état va se complexifier avec des attitudes de révolte, tournée vers soi et les autres. Les intensités sont variables, selon l'amplitude du système affectif de la personne. Dès lors, la pensée de la personne se nourrit de fortes contradictions. Elle peut passer de l'accusation à la plus grande considération. Emportée par des réactions paradoxales liées à son système de fonctionnement et à ses interactions, elle peut être entraînée dans le plus grand mutisme ou aller dans une volubilité incontrôlable. Elle vit de la même manière des sentiments de culpabilité. Elle intériorise ou / et exprime toutes sortes de critiques, de jugements.

La personne est dans des états hors de soi. Des pulsions de vengeance peuvent ainsi la pousser à avoir des comportements qu'elle ne comprend pas elle-même. Confrontée à l'impossibilité d'un retour à la situation dont elle doit faire le deuil, la personne vit avec incompréhension une répétitivité de la cause du deuil. Elle subit ses propres reproches, ses remords, ses ressentiments, des dégoûts, de la répulsion. Elle se bat et se débat. Elle peut agir de manière déroutante pour autrui. Tout en elle cherche à ne pas "plonger". Selon ses ressources, elle va agir en séduction ou en agression. Mais tout semble la ramener sur le sujet qui l'obsède. C'est la colère animée par une sorte de disque rayé et parfois une frénésie compensatoire pour contrecarrer l'éventuel sentiment de rejet ou de dévalorisation.

 

L'abattement, la tristesse jusqu'à la dépression

La tension violente que peut provoquer l'état de colère, entretenu malgré soi, peut engendrer un épuisement organique. Mêlant tout à la fois le choc initial, le déni et la colère, la personne peut en arriver à vivre un abattement, plus ou moins profond.

La personne subit un état de résistance à la soumission. Une guerre en soi, avec le sentiment déchirant d'une guerre perdue d'avance. Cet état peut aller jusqu'à la dépression, laquelle peut se caractériser par des douleurs physiques, maux de tête, de ventre, douleurs dans le dos, courbatures, ainsi que des attitudes et comportements suicidaires. Néanmoins, l'ensemble interagissant des états internes peut lui faire revivre les émotions et les comportements antérieurs. Elle devient ici particulièrement "difficile à vivre". Le plus souvent, elle est dans la fuite intérieure et parfois extérieure, avec des tentatives dispersées, imprévisibles, de recherche du retour - que nous pourrions désigner comme des régressions dans les divers états vécus depuis le début du processus. Cet état qui se développe pour arriver parfois à des points culminants de la dépression et de destruction peut être exprimé de manière paradoxale : dramatique en soi et non exprimé vis-à-vis des autres. Sa durée n'est pas liée à l'intensité des sentiments que la personne éprouvait pour le tiers. C'est au moins en tout cas un état de désespérance qui peut s'estomper, mais rarement disparaître soudainement.

La résignation

La résistance de l'organisme peut ensuite conduire la personne vers l'abandon de cette lutte au cours de laquelle elle peut avoir le sentiment d'avoir tout essayé pour revenir à la situation perdue. Elle peut parfois se réfugier dans l'étape du déni. C'est le cas de ces personnes qui mettent le couvert des personnes décédées (ou parties). Le plus souvent, suivant cette "boucle infernale", elle en arrive à un véritable abandon. Parfois dépressive, parfois redevenant sociable, la personne se laisse porter par le déroulement de la vie. Elle n'a aucune visibilité de ce qu'elle peut faire. Elle agit au gré des circonstances, selon ce à quoi la renvoie l'évènement auquel elle est confrontée. C'est la résignation. Mais cette résignation peut se composer de soumission ou de rejet.

L'acceptation fataliste

Le précédent état a provoqué une relative ouverture. Le caractère obsédant de la cause du deuil s'estompe. C'est la vie. L'heure est au fatalisme. Il arrive encore que la personne manifeste des états antérieurs. L'intensité est plus faible. Les périodes d'abattement sont moins longues. Elle conçoit quelques projets. C'est l'acceptation. Ce contexte interne est fortement entretenu dans nombre de cultures, avec la fatalité, l'attente du revers de la fortune, la volonté de dieu.

L'accueil ou la résilience

accueil - intégration de l'expérience, construction, anticipation, projection. La cause du deuil devient un souvenir.

Pourquoi n'est-il pas plus simple de bien prendre les choses tout de suite ? La question est vaine. Le passé est devenu un héritage d'existence, le présent se vit de manière relativisée et en fonction de projets et d'un regard agréable de l'existence. Ce qui était cause de souffrance est devenu une ressource en soi, apaisement, sourire, voire un "merci" d'expérience… Il s'est opéré une transformation qui n'a rien à voir avec la relativisation de l'étape précédente. Une transformation bénéfique, non un lissage d'expérience de vie. C'est l'étape nommée résilience, terme popularisé en France par l'éthologue Boris Cyrulnik.

Mais lorsque l'on ne connaît pas ce positionnement, il est inimaginable.

 

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