"Dans quel monde allons-nous grandir ?"
- Par Thierry LEDRU
- Le 14/08/2018
- 0 commentaire
Un texte de Mooji
"Si vous pensez que c'est plus "spirituel" de devenir végétarien, acheter des aliments bio, pratiquer le yoga et méditer, mais qu’ensuite vous vous retrouvez à juger ceux qui ne font pas toutes ces choses, vous êtes tombés dans un piège de l'ego.
Si vous pensez que c'est plus "spirituel" d’aller à vélo ou avec les transports publics au travail, mais qu’ensuite vous vous trouvez à juger ceux qui vont dans la voiture, vous êtes tombés dans un piège de l'ego.
Si vous pensez que c'est plus "spirituel" d'arrêter de regarder la télé parce qu'elle annule le cerveau, mais qu’ensuite vous vous retrouvez à juger ceux qui la regardent encore, vous êtes tombés dans un piège de l'ego.
Si vous pensez que c'est plus "spirituel" d'éviter de lire des journaux et des magazines de potins, mais qu’ensuite vous vous trouvez à juger ceux qui les lisent, vous êtes tombés dans un piège de l'ego.
Si vous pensez que c'est plus "spirituel" d'écouter de la musique classique ou les sons de la nature, mais qu’ensuite vous vous trouvez à juger ceux qui écoutent de la musique commerciale, vous êtes tombés dans un piège de l'ego.
Il faut toujours faire attention au sentiment de "supériorité", il est en effet l'indice le plus important que nous ayons pour comprendre que nous sommes dans un piège de l'ego.
L'ego se cache habilement dans des pensées nobles comme celui de commencer un régime végétarien ou d'utiliser le vélo pour ensuite se transformer en sentiment de supériorité vis-à-vis de ceux qui ne suivent pas le même chemin "spirituel".
-Mooji
Je vois passer ce texte en boucle sur des pages associées au développement personnel et autres sites et il me pose quelques problèmes…
Premièrement, ça n’est pas parce qu’on aborde certains sujets et qu’on présente ses propres choix qu’on est en train de juger ceux des autres. On peut, par contre, effectivement, essayer de présenter les effets positifs de l’un et par conséquent mettre en avant les effets négatifs de l’autre. Qu’on ne vienne pas me dire par exemple que la consommation effrénée de viande est justifiable. J'ai mangé de la viande pendant cinquante ans. Je n'ai aucun sentiment de supériorité aujourd'hui sur ceux qui continuent mais je peux par contre expliquer les raisons de mon choix.
Je ne pense pas que des individus ayant opté pour un régime végétarien soit à mettre dans le même panier que ceux qui écoutent certaines musiques ou regardent la télévision. L’impact de ces différents choix n’est pas du tout le même. Laisser entendre que la mise en avant de ses propres valeurs relève d’un sentiment de supériorité est particulièrement culpabilisant et l’usage de ce fameux « ego » est une méthode quelque peu réductrice.
D’ailleurs, je pourrais dire que Mooji, lui-même, fait preuve d’un sacré ego en mélangeant ainsi tous les thèmes, du plus dérisoire au plus important pour expliciter un comportement qui est effectivement détestable. Les extrémistes, de tous bords, sont les premiers adversaires de la cause qu'ils défendent.
J’ai passé trente-cinq ans de ma vie à enseigner aux enfants sans jamais me penser supérieur à eux. J’ai juste davantage d’expérience et de connaissances. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont rien à m’apprendre. Je suis moi aussi leur élève puisqu’ils m’ont appris la patience, la bienveillance, l’écoute, l’attention, l’intuition, l’observation, l’abnégation.
Je n’aime pas par conséquent ce texte car il contient une dimension culpabilisante qui englobe tout et n’importe quoi dans le même registre.
Je peux supposer que des lecteurs ou lectrices de mon blog ont fini par ne plus le lire en raison de l’énergie que je mets à partager mes réflexions et le manque probable de tact dans certains de mes écrits. J’appelle cela la conviction et je ne m’oppose jamais à la contradiction.
Lorsque je partage une réflexion, elle ne vient pas de jaillir au moment où j’ai allumé mon ordinateur mais elle est issue de longues, longues périodes de pensées et de lectures diverses.
Est-ce que c’est mon ego qui cherche à s’imposer, est-ce que c’est un jugement de valeur, est-ce que c’est un sentiment de supériorité ? Non, c’est une réflexion, rien d’autre.
Si des individus viennent me dire que la souffrance animale se justifie par l’hégémonie de l’humain depuis la nuit des temps, j’aurai à leur opposer des heures de réponse. Est-ce que c’est de la prétention ? Non, de la réflexion.
Si des individus viennent me dire que la musique classique vaut mieux que la musique que j’écoute, je leur répondrai simplement que je suis très heureux pour eux qu’ils aient trouvé leur bonheur.
Nous ne sommes pas dans le même registre, ni dans la même gravité et je trouve inconcevable de tout mélanger de la sorte.
Je pense désormais, au regard de l’urgence de la situation planétaire, qu’il n’est plus temps de s’interroger sur l’ego, la supériorité, la bienveillance, la patience quand il s'agit de comportements dont les conséquences concernent des milliards d'individus…
Pour une raison très simple : dans quelques semaines, je vais retrouver devant moi vingt-huit enfants et que j’ai conscience de l’immense responsabilité que nous avons, nous adultes, envers eux. J’entends leurs peurs, j’entends leurs détresses à ne rien pouvoir faire et je n’aurais jamais imaginé quand j’avais vingt ans que ma carrière s’arrêterait sur ce constat effroyable : les enfants ont peur de ce monde. Et je n'ai aucunement besoin de leur en parler : ils entendent, ils voient, ils constatent et surtout ils subissent.
Ils se fichent de nos problèmes d’ego et ils ont parfaitement raison. Eux, ils veulent juste pouvoir vivre dans un monde supportable.
La question qu'ils se posent est simple : "dans quel monde allons-nous grandir ?"
Est-ce que je peux me contenter de leur répondre qu'il faut laisser le temps aux adultes de prendre conscience de leurs responsabilités dans ce monde futur ?... Alors, c'est qu'il faudrait arrêter de leur dire "d'être sages" parce que cette réponse ne contiendrait aucune sagesse mais une totale démission envers eux.
Dans un an, je fermerai ma classe pour la dernière fois.
Ces visages d'enfants, je ne les verrai plus. Peut-être que leur absence m'apaisera.
Jusqu'au jour où je deviendrai grand-père...
Ajouter un commentaire