Dialectique du pire
- Par Thierry LEDRU
- Le 02/09/2021
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Sur les réseaux sociaux, je suis tombé ces derniers jours sur des personnes disant que ceux ou celles qui sont mécontents des restrictions liées au "pass sanitaire" n'avaient qu'à aller faire un tour en Afghanistan.
Personnellement, ça me hérisse le poil.
J'appelle ça la dialectique du pire.
Il s'agit de chercher pire que là où on se trouve pour pouvoir relativiser et finalement se satisfaire de ce qu'on a.
Oui, effectivement, en Afghanistan, il est certain que les libertés de la personne ne sont pas celles que nous connaissons ici.
Est-ce que pour autant, ce "raisonnement" est acceptable.
"Le bonheur n'est peut-être que le résultat d'une comparaison."
Eugène Beaumont
Selon les adeptes de ce raisonnement, on peut toujours trouver pire et par conséquent se réjouir de ce qu'on a. Il existe pourtant un proverbe qui dit que "Comparaison n'est pas raison".
Il faut donc imaginer que ce raisonnement de la dialectique du pire s'appliquerait à d'autres situations et voir ce qui en résulte.
Pensons par exemple à ces femmes en France qui se plaignent du comportement machiste des hommes. Pensons à celles qui souffrent de pressions psychologiques, ou qui souffrent de violences verbales, ou qui souffrent de violences physiques, ou qui sont viont violées. Et à celles qui sont tuées.
Pourrait-on dire à toutes ces femmes, et à toutes les autres, qu'en Afghanistan, c'est encore pire et qu'elles feraient mieux de se réjouir ?
Non, la dialectique du pire est un raisonnement inacceptable, irrecevable, immoral. C'est celui qui consiste à tirer l'humain vers le bas, à lui faire croire qu'il n'a rien à dire, que sa situation pourrait être bien plus grave.
C'est un raisonnement primaire qui condamne tout raisonnement sensé, qui condamne l'humanité à ne plus tendre vers un monde meilleur, vers un monde exemplaire.
La France n'est pas l'Afghanistan. J'en ai parfaitement conscience. Et sinon, il y a longtemps que j'en serais parti. Ce que j'attends du pays où je vis, c'est d'être exemplaire. Et de ne jamais prendre pour comparaison les pays où je n'irai jamais.
Il ne s'agit même pas de savoir si le "pass sanitaire" est une bonne chose, si la vaccination obligatoire est une nécessité, si le gouvernement a raison ou pas.
Le problème, ici, n'est pas de savoir si tout cela est exemplaire. Le problème est de ne pas comparer avec des situations bien plus graves parce que sinon, c'est la porte ouverte à une dégradation irréversible.
Pour une raison très simple, c'est que le pire n'est jamais atteint. On peut toujours descendre plus bas dans les tréfonds du désastre.
Si on considère donc que nos libertés sont meilleures que celle de l'Afghanistan, ce qui est bien entendu le cas, cela signifie qu'on se donne encore une marge supplémentaire pour pouvoir descendre d'un étage, ou de deux, ou de trois...Le pire n'est jamais certain.
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