Doléances des maires

Interview de Sylvie Najotte, maire de Montigny-les-Vaucouleurs, un village perdu en Meuse.
 

"Écoutez, à l’Association des maires de France, à l’Association des maires ruraux, cela fait des années que nous tirons la sonnette d'alarme ! Des doléances, nous n'avons cessé d'en remettre aux pouvoirs successifs, les cartons de nos contributions pourraient remplir cette pièce… L'inégalité de gestion des territoires, la bêtise du 80 km/h sur les routes, le n'importe quoi de la taxe d'habitation, les précarités sociales, tout cela a été dit. Auparavant, nous n'étions pas soutenus et peu écoutés ; maintenant, nous ne sommes même plus respectés.

Aujourd'hui, nos concitoyens veulent passer à l'action. Très bien. Les réponses doivent être faites par ce pouvoir et on nous dit « il faut venir en relais pour expliquer notre politique ». C'est non. Ce n'est pas à moi de sauver le gouvernement. Rendez-vous compte : on ne sait toujours pas comment va être compensée la suppression partielle de la taxe d'habitation, qui est quasiment la seule ressource des petites communes. Si les maires ont un rôle à jouer, c'est de désamorcer les situations violentes, de faire baisser la tension, de calmer."

- La mobilisation des gilets jaunes reste très forte dans la Meuse. Comment sortir de ce conflit ?
"Oui, c'est un mouvement très suivi. La Meuse est un département pauvre comme Job et il y a une vraie sincérité dans ce mouvement. Personnellement, je trouve que c'est un mouvement extraordinaire, il pose les bonnes questions. Le réduire à un mouvement de féroces, c'est une provocation supplémentaire, même s'il faut toujours condamner les violences. Mais quand le premier ministre, la semaine dernière, intervient à la télé et ne parle que de violences, c'est une folie ! Ces gens ne lâcheront rien et n'accepteront pas les violences policières.
Que fait ce pouvoir ? Affaiblir les communes, diminuer le nombre de conseillers municipaux, forcer aux regroupements et aux intercommunalités. Les gens n'y comprennent plus rien, on mélange tout. La commune, c'est le premier niveau de la citoyenneté, c'est là qu'on apprend la démocratie de proximité, le contrôle des élus, ce que demandent justement les gilets jaunes. L’État fait du populisme en s'attaquant aux élus, en piétinant la ruralité, en voulant diminuer le nombre de parlementaires, il crée un chaos. Et voilà même qu'il nous ressort la mesure d'un contrôle accru des chômeurs : mais c'est cela, le populisme ! "

-- Et que diriez-vous au préfet de la Meuse, s'il venait à vous téléphoner ou à vous rencontrer ?
"Que les gens ne comprennent plus rien à l'organisation territoriale, à la fiscalité, aux prestations sociales. Ils sont complètement perdus et savent seulement qu'ils sont les victimes de tours de bonneteau entre taxes et impôts. Macron n'a pas été élu sur son programme, il a été élu face à Marine Le Pen. Il faut reconstruire de la citoyenneté et il faut écouter les acteurs locaux. J'avais réussi à décrocher un emploi aidé de 20 heures par semaine. Nous l'avons perdu. Ce ressenti type « les petits, fermez-la » est largement partagé. Il faut arrêter de concentrer tous les moyens sur les métropoles et mailler le territoire, donc rendre solidaires les gens. Et il faut arrêter d'humilier les gens."

 

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