Douleurs fantômes : INREES
- Par Thierry LEDRU
- Le 31/07/2016
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Douleurs fantômes
Des amputés se plaignent d’avoir mal aux membres qu’ils n’ont plus.
Et si ces douleurs fantômes s’expliquaient par l’existence de corps subtils résiduels ?
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A la suite d’un accident, Ursula Lemarchand, comédienne, est amputée des 2 bras. Comme 80 % des personnes ayant perdu un membre, elle se retrouve avec des sensations étranges et parfois douloureuses jusque dans les doigts qui pourtant n’existent plus. « Je ressens mes bras comme s’ils étaient encore là. Au début, j’avais même l’impression de pouvoir bouger mes doigts. Déjà, c’est déroutant en soi mais le problème c’est surtout les douleurs fantômes. Cela fait comme des décharges électriques.» Comment est-il possible de ressentir une partie anatomique physiquement absente ? Surtout, comment soigner quelque chose d’impalpable ?
Curieusement, des pistes prometteuses pourraient se trouver du côté des corps subtils. À l’IRMA (l’Institut Robert Merle d’Aubigné), le plus grand centre européen de rééducation pour amputés, la méthode Surrender produit des résultats étonnants dans le traitement des douleurs fantômes. Cette approche d’inspiration ostéopathique, fondée par l’ancien comédien Seymour Brussel et le Dr Rodolphe Meyer, vise à stimuler nos capacités de régulation jusque dans nos champs énergétiques, immatériels.
De mystérieuses douleurs
Décrites dans la littérature médicale dès le XVIe siècle par Ambroise Paré, les douleurs neuropathiques dites fantômes, sont un casse-tête. La science explique que puisque la zone du cerveau correspondant au membre perdu, elle, ne disparaît pas, le système nerveux agit comme si le membre était encore là. Le corps médical propose alors soit une forte sédation médicamenteuse, soit parfois une « thérapie par le miroir ». Cette dernière consiste à leurrer le cerveau en faisant se refléter par un système de miroirs le membre existant à la place du membre manquant. Le système nerveux central pense que la partie amputée existe encore et cela le calmerait. Cette approche procure un soulagement pour beaucoup. Cependant, elle ne peut par exemple pas s’appliquer à Ursula qui a perdu ses 2 bras. Il faudrait qu’elle en ait encore au moins un pour pouvoir créer un reflet à la place de l’autre.
L’explication purement neuronale des douleurs fantômes est-elle suffisante ? Pas sûr. Déjà, les découvertes récentes en neurosciences ne valident pas entièrement la correspondance des parties du corps avec une zone précise du cerveau. Son fonctionnement serait beaucoup plus complexe et plastique que cela. Par ailleurs, des facteurs plus subjectifs, comme les circonstances extérieures et les états émotionnels du patient, semblent largement moduler ces sensations.
Il y a une vraie composante psychologique dans les douleurs fantômes.
« Il y a une vraie composante psychologique dans les douleurs fantômes. Quand les gens sont stressés, angoissés, la douleur augmente », souligne le Dr Christophe Pham, médecin rééducateur, ancien chef de l’unité d’appareillage à l’IRMA. Ainsi, le phénomène ne serait pas seulement créé dans le cerveau. Si celui-ci reste le support activé selon les circonstances, la source des stimuli pourrait se trouver ailleurs.Des corps énergétiques ?
« Rien ne se produit dans la nature sans échange énergétique et il n’y a aucune exception à cette règle. Cela n’a rien de mystique, c’est maintenant largement démontré par la science », informe le Dr James Oschman, auteur de Energy Medicine, The Scientific Basis. Nous le savons maintenant : le cerveau communique notamment via son champ électromagnétique, qui dépasse largement la boîte crânienne. Par ailleurs, l’institut HeartMath aux États-Unis a aussi mesuré le champ électromagnétique du coeur : il s’étend sur un rayon de plus de 3 mètres, donc bien au-delà du corps physique. Sommes-nous entourés d’« enveloppes énergétiques » réellement effectives ? La notion de corps immatériel a été envisagée par de nombreuses cultures depuis des milliers d’années. Les textes védiques notamment font état de structures auriques de plus en plus subtiles autour du corps physique. Ces enveloppes communiqueraient constamment avec notre biologie. Plus récemment, la photographie Kirlian, technique découverte en 1939, puis la caméra GDV (pour gas discharge visualization) du Dr Konstantin Korotkov, ont produit des clichés qui semblent révéler au moins une partie de cette énergie maintenant mesurée par la science.
Incidemment, ces dispositifs montrent que lorsque nous enlevons une feuille sur une plante, un champ énergétique de la forme de la feuille persiste pendant un certain temps. Une trace énergétique semble se maintenir bien que la manifestation physique ne soit plus présente. Les êtres humains seraient-ils sujets au même phénomène résiduel ? « Au vu de notre pratique clinique, c’est une évidence », affirme Seymour Brussel. « Il y a une énergie qui est toujours là, c’est sûr, je le sens. Mes prothèses sont en plastique, elles ne me donnent aucune sensation tactile. Pourtant, lorsque quelqu’un me prend la main, je le ressens vraiment », atteste Ursula Lemarchand. Au début, ses amis s’amusaient même à lui toucher les doigts sans qu’elle ne les voie, mais la jeune actrice réagissait bien souvent. Autre phénomène étrange, Ursula raconte qu’après son accident, elle s’est sentie comme « décalée » de son corps physique, « au point que, quand j’étais allongée au centre de la table de soin, j’avais l’impression que j’étais au bord et que j’allais tomber », détaille-t-elle. Pour Seymour Brussel, le phénomène n’est pas rare en
Je vois souvent des gens qui sont désaxés énergétiquement après des traumatismes.
cas de choc. « Je vois souvent des gens qui sont désaxés énergétiquement après des traumatismes. On pourrait dire que leur corps énergétique est à côté de leurs baskets », sourit l’ancien comédien.Rééquilibrer le subtil
Ainsi ces champs résiduels pourraient être une des causes des douleurs fantômes. « Tout porte à penser que le champ énergétique est encore perturbé par l’absence du membre », suggère Seymour Brussel. En travaillant sur les fluides et l’énergie du corps, la méthode Surrender vise alors par effet de ricochet à stimuler les capacités d’autoguérison chez ses patients, à tous les niveaux de l’être jusqu’aux plans les plus immatériels. « Le thérapeute va intentionnellement dynamiser le champ du patient. Cela va déclencher des réactions naturelles d’harmonisation énergétique, y compris à l’endroit impalpable de l’amputation. Petit à petit, un rééquilibrage se fait et la douleur disparaît », détaille Seymour Brussel.
S’il est difficile d’objectiver une telle hypothèse, les résultats eux, sont bel et bien là. La méthode est saluée par les professionnels et les patients. « Avec la thérapie par le miroir, la sensation du membre va rétrécir jusqu’à ce que les orteils ou les doigts soient ressentis au niveau du moignon puis disparaissent. Avec la méthode Surrender, c’est plutôt comme si les gens ressentaient pleinement le champ de leur membre, mais sans la douleur », rapporte le Dr Pham. Un avantage ? Les prothèses nouvelle génération se branchent maintenant sur les nerfs de la personne de manière à ce qu’elle puisse les actionner directement. « Si les gens arrivent à pleinement sentir le champ de leur membre, ils bougeront mieux leur prothèse », souligne le médecin. Que penser alors des greffes d’organes ? Seymour Brussel avance qu’une harmonisation entre le corps du patient et la greffe pourrait éviter de nombreux rejets. « Surtout que dans ce cas-là, l’organe possède lui aussi son propre champ et donc la mémoire de l’ancien corps. Il est judicieux de faire en sorte que tout le monde s’entende », soutient le médecin. De son côté, Ursula Lemarchand a su rebondir. La Princesse sans bras, spectacle qu’elle a écrit en centre de rééducation, rencontre un grand succès. La morale de l’histoire ? « Peu importe les difficultés que nous pouvons rencontrer dans la vie, nous pouvons tous être heureux », conclut-elle.
Amputée des bras, Ursula Lemarchand, princesse de l'espoir
Publié le jeudi 17 mars 2016 à 19:02 par Texte : Julien SOYER. .
Actualités / France /
Après son terrible accident de métro et sa dépression, Ursula pétille à nouveau de vie. © Marc ROGER.
Amputée des deux bras en décembre 2013 après un accident sur une voie de métro, Ursula Lemarchand, 25 ans reprend aujourd'hui le Cours Florent. Une évidence pour cette comédienne angevine qui a retrouvé le goût de la vie grâce au théâtre. Cette passion lui permet de véhiculer des messages forts et de susciter l'espoir.
Elle rayonne, Ursula. Est-ce le soleil de cette mi-mars qui inonde sa maison, au Marillais (Maine-et-Loire), entre Ancenis et Angers ? Ou ce rire qui illumine son doux visage, enveloppé dans une longue et délicate chevelure blonde ? La jeune femme de 25 ans est heureuse : ce mercredi, elle repart à Paris. Direction le Cours Florent, cette célèbre école de théâtre d'où sont issus Isabelle Adjani, Emmanuelle Devos, Daniel Auteuil ou encore Vincent Elbaz.
Il ne lui reste qu'un petit pas à franchir : le dernier module de sa formation consacré à la mise en scène. « Je ne ressens aucune pression car je sais que je peux vivre de mon métier. Mais ça me paraît indispensable d'être diplômée. » Et puis, le thème sur lequel elle doit plancher - « l'espoir » - lui parle particulièrement.
Ursula Lemarchand est une rescapée. À l'âge de 4 ans, elle a manqué de se noyer. En décembre 2013, c'est un métro qui a failli mettre fin à ses jours. « Heureusement, le chauffeur, que j'ai revu il y a peu de temps, a eu le réflexe de couper l'électricité avant que je ne tombe sur la voie. Il m'a sauvé la vie », sourit-elle, sans s'étendre sur les circonstances du drame.
Ce petit bout de femme coquette et dynamique doit être amputé des deux bras. Il lui faut plusieurs jours pour encaisser la nouvelle - « Je croyais être dans un cauchemar» - et environ un mois pour parler d'avenir. « Heureusement, j'avais la famille idéale pour surmonter cette épreuve. Ma mère et Berthille, ma jeune soeur, esthéticiennes, ont su soigner mon apparence pour me prouver que je restais belle. Mon père et Anaïs, ma soeur aînée, à qui j'ai quand même demandé de m'aider à mettre fin à mes jours, m'ont, eux, convaincue, que j'avais encore plein de belles choses à vivre. »
Tout est à réapprendre : manger, marcher et muscler le haut du corps pour supporter les prothèses de trois kilos chacune. Un travail facilité par son passé de danseuse classique et son goût pour la course à pied. Mais « son handicap n'a en rien altéré son jeu et sa prestance sur scène, estime Laëtitia, son ancienne colocataire, comédienne aussi. Elle conserve un large et beau répertoire. »
Elle écrit avec ses doigts de pied
« Depuis toute petite, elle s'illumine sur scène », raconte son père, Bruno. Cette passion la guide depuis la classe de seconde. Fan de Molière, elle est également fascinée par Salomé d'Oscar Wilde et Penthésilée de Heinrich von Kleist. Mais la scolarité est difficile. « Le déclic est arrivé lorsqu'un lycée, à Bressuire (Deux-Sèvres), a accepté malgré un bulletin peu valorisant, de la prendre en 1re L, option théâtre, raconte son père. Elle a alors éclos. » Jusqu'à intégrer le prestigieux Cours Florent.
Impossible pour Ursula, surnommée Vénus, de ne pas remonter sur les planches, malgré le handicap. La reconstruction passe par le rire. « On a très vite essayé de dédramatiser par l'humour, se rappelle François, un autre copain de promo. Via des expressions concernant les bras et les mains. Elle adorait aussi secouer ses deux pieds pour nous dire à demain. » Ses doigts de pieds avec lesquels elle écrit, sur son lit d'hôpital, un conte pour enfants intitulé La Princesse sans bras, dont elle sera l'héroïne.
L'histoire : née sans bras, une princesse rejetée par sa mère décide de quitter le château familial pour trouver la fée qui exaucera son voeu le plus cher : retrouver ses membres manquants. Un voyage initiatique au cours duquel la princesse multiplie les rencontres. Toutes sont inspirées par des personnes qu'Ursula a croisées durant son hospitalisation et son long séjour au centre de rééducation de Valenton, dans le Val-de-Marne.
« Ce projet a occupé 100 % de son temps. Elle l'a écrit, l'a mis en scène et a cherché les costumes, admire son père. Un moteur lui permettant d'oublier son handicap et de tourner la page. » Sans doute un peu trop vite. « Ursula a la particularité de mettre toute son énergie pour atteindre ses objectifs, reprend son père. C'est une force... Mais aussi une faiblesse car elle peut en oublier les limites de son corps. »
Épuisée par le rythme effréné pour tenir les dates de la pièce jouée une quinzaine de fois dans des salles accueillant jusqu'à 1 200 spectateurs, la jeune femme subit une dépression post-traumatique violente entre septembre 2015 et janvier 2016. Une rechute qui permet, enfin, d'intégrer son handicap. « Elle reste une bosseuse acharnée très pro, mais je la trouve plus lucide », juge François.
Idéal pour aborder sereinement ses projets futurs : nouvelle pièce, peinture, préparation d'un semi-marathon... Ursula entend continuer à croquer la vie à pleines dents.
Julien SOYER
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