Du chaos à la création
- Par Thierry LEDRU
- Le 26/04/2019
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Un sculpteur qui entame un bloc de marbre a pour désir de créer de cette masse indéfinie une oeuvre humaine reconnaissable.
Le potier transforme la boule de glaise et lui donne un usage.
Un musicien qui compose avec tous les accords possibles de notes retire de ce chaos de sons une création musicale.
Le peintre qui mélange les couleurs et les ajuste extrait chaque élément qui compose le noir originel et définit à son envie la palette des possibles.
Le cinéaste qui fixe des images précises sur la pellicule ne cherche pas à voir tout ce qui existe mais tout ce qui répond à son exigence visuelle et à l'objectif qu'il s'est fixé.
Le photographe saisit le réel dans le cadre qu'il lui donne. C'est sa réalité.
L'écrivain puise dans la masse agglomérée de tous les mots existants ceux qui conviennent à l'histoire qu'il porte.
Le jardinier ajuste les essences dans son potager de façon à en extraire toute la substance. Même un potager sauvage est ordonné puisque chaque plante est accompagnée dans sa croissance par la bienveillance et l'attention du jardinier.
L'amour, lui-même, est une création puisqu'il extrait de la masse immense de l'humanité deux éléments qui s'ajustent.
Toute forme de création est issue d'une masse informe et agglomérée.
Rien n'est créé à partir de rien, on le sait bien.
La nature dans son extension universelle est un chaos qui s'est ordonné. La création ultime.
Lorsque j'écris, c'est ainsi que je vis les choses. Je puise dans la masse des mots ceux qui décrivent les images que je vois. Il y a toujours une scène cinématographique, le mouvement de la caméra, le plan qu'elle utilise, il y a toujours les visages ou le paysage.
Les mots jaillissent de leur antre en réponse au regard que je porte sur la scène.
Il arrive dans le travail visuel que des images se chevauchent, s'ajustent, s'effacent et laissent la place à d'autres...Le jeu des personnages, leurs mouvements, leurs regards, leurs postures. La lumière, le silence, les odeurs, les couleurs, l'unité créée par un environnement choisi.
Puis, il y a toute la phase de montage. Les images que je valide.
Une fois que tout est en place, j'écris.
Et de la masse des mots, je sculpte une histoire.
J'aurais pu imaginer un océan de mots à la place d'une masse informe mais l'océan n'a pas besoin d'être ordonné. Il l'est déjà. Si j'imagine par contre une masse de mots, je sais que mon travail d'écriture contribue à ordonner quelque peu l'ensemble, à en identifier les éléments les plus adaptés à mon histoire et je ressens alors une joie profonde. Je crée.
Je m'amuse à espérer que cette masse des mots se réjouit de l'usage que j'ai d'elle et qu'elle sait le respect que je lui porte.
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