Faire l'amour.

 

 

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SEXUALITÉ SACRÉE

La sexualité sacrée se différencie de la sexualité classique par sa dimension spirituelle. Une dimension holistique qui cherche à fusionner les individus dans une osmose complète, non pas pour qu’ils se fondent dans une masse uniforme mais pour que leurs formes spirituelles s’interragissent vers une élévation inaccessible à l’individu esseulé.

 

« On fait l’amour. »

L’expression m’interpelle.

« On fait la sieste.

On fait la vaisselle.

On fait les courses.

On fait le ménage.

On fait la cuisine.

On fait le jardin.

On fait la couture. 

On fait la conversation.

On fait le clown.

On fait le malin. »

On ferait donc « quelque chose » au final. Alors, c’est qu’il faut pouvoir décrire cette chose que serait l’amour comme on pourrait décrire toutes les autres expressions.

Est-ce donc que l’emboîtement de deux corps suffit à décrire cette chose ? Non, assurément.

Le viol, par exemple, est à l’opposé de l’amour bien que le coït ait lieu.

Sans rappeler de tels drames, on peut évoquer ces femmes qui n’ont quasiment aucun plaisir sexuel dans l’acte et qui s’imaginaient pourtant faire l’amour. Il en est de même pour ces hommes qui abandonnent honteusement les lieux à peine investis et qui souffrent dès lors d’un désamour envers eux.

Comment pourrait-on définir cette chose qui serait si variable d’un individu à l’autre ? Serait-ce donc effectivement un acte similaire à ceux précédemment listés et qui souffriraient lui aussi de possibles manquements dans la qualité et l’intensité, tout comme un individu ferait le ménage ou l’entretien du jardin sans aucune attention réelle ?

Peut-on alors parler d’amour ? L'amour doit-il être hiérarchisé sur une échelle d'intensité ? Une échelle de Richter de l'amour est-il envisageable ?

Les corps suffisent-ils à expérimenter l’amour ?

Non, assurément.

Et les séismes corporels de l'étreinte amoureuse ne sont pas des critères suffisants pour classifier l'amour. On peut aimer intensément sans étreinte amoureuse tout comme on peut aimer intensément sans que ces étreintes ne soient programmés comme des obligations relationnelles.

 

"Entretenir la flamme"...dit l'expression populaire, éviter à tous prix que la distance s'installe dans une somnolence corporelle. S'il s'agit d'une peur qui ne dit pas son nom, l'amour en sera bridé. S'il ne s'agit que d'une pratique régulière comme le ferait un athlète qui souhaite garder la forme, alors, c'est que le territoire de l'amour n'a pas été investi mais juste entrevu. Comme un individu qui tournerait rageusement autour du territoire sans jamais en trouver l'ouverture. 

Il ne s’agit donc pas de « faire l’amour » mais « d’être dans l’amour. »

Il s’agit à mes yeux d’un territoire à investir et à ne jamais quitter. Non seulement durant une étreinte mais tout autant dans le creuset des pensées, à chaque instant.

Aimer être dans la vaisselle.

Aimer être dans le jardin.

Aimer être dans la cuisine.

Aimer être dans la lecture.

C’est là que se trouve la pleine conscience.

Ce n’est pas l’acte qui importe mais la présence dans le territoire de l’amour.

Il en sera de même dans la dimension sexuelle. L’acte est sacré. Le processus est son hommage. C’est la conscience d’être dans l’amour qui nourrit l’acte d’aimer.

Peut-on dès lors en conclure qu’un certain nombre d’individus s’imaginent avoir atteint le territoire de l’amour alors qu’ils n’ont pas même atteint la lisière ?

Oui, assurément.

Et lorsque les expérimentations corporelles ne parviendront plus à dessiner le moindre horizon lumineux, les corps s’éloigneront.

On n’entre pas dans le territoire de l’amour de façon physique sans être accompagné par l’esprit, le cœur, l’âme, ces entités qui nourrissent la spiritualité de l’acte. Il ne s’agit sinon que d’ectoplasmes fantomatiques qui souffriront immanquablement de leur néant intérieur, de cette scission néfaste de leur être.

Ce territoire de l’amour n’a aucune limite physique. Il est ce que les individus en feront s’ils parviennent à en trouver l’entrée. Une fois insérés, l’attention aimante contribuera à l’extension du territoire.

La sexualité génitale est une sexualité « terrestre ». La reproduction en est le moteur. Elle répond à une exigence de vie, à son extension, au recouvrement de la planète par le foisonnement incommensurable de la création. Comme l’écrivait René Barjavel, c’est l’histoire du flot de spermatozoïdes de Roméo qui monte à l’échelle pour rejoindre le réceptacle sexuel de Juliette.

La sexualité sacrée est une sexualité céleste qui ouvre le territoire de l’amour sur le plan vertical. Le corps s’ancre à la terre et l’esprit s’illumine de l’immensité des cieux. C’est une connexion totale du chakra racine au chakra couronne. De la terre au Ciel.

Le serpent de la Kundalini se déroule et grimpe le long de la colonne.

Il n’est pas mû par une force physique mais par la pleine conscience de l’esprit.

Il n’est d’amour que dans la pleine conscience.

On ne fait pas l’amour ; c’est l’amour qui nous fait.

Il ne s’agit pas pour autant de s’imaginer conscient en se contentant de penser à l’acte d’aimer. Il s’agit de ne pas avoir besoin d’y penser mais de le vivre, comme un explorateur émerveillé, attentif, lucide, intégralement engagé, corps et âme, comme si sa vie en dépendait. Non pas dans son prolongement mais dans son intensité.

C’est cela le Tantrisme. L’engagement conscient, à chaque instant.

De la qualité de l’attention aimante dépendra l’étendue de l’exploration.

 

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Commentaires

  • Laplumefragile
    Excellent ! Ça a dû lui faire tout drôle au mari. Et à sa nana aussi !
  • Thierry LEDRU
    • 2. Thierry LEDRU Le 21/02/2019
    "Il chasse par amour de la chasse ou... par amour de la biche ? ;) :) Aujourd'hui, on chasse pour tant de raisons diverses. Plaisir, hobby, convivialité, amour du gibier, amour de la traque, amour de la nature (défense et rétablissement d'un équilibre de la faune, ébranlé par l'activité humaine), amour de tuer (?!)..."

    Tout le problème vient du fait que dans ces justifications, il n'y a aucun amour de la vie, il n'y a que l'amour du chasseur envers lui-même.
    Un jour, j'ai arrêté sur un chemin un couple dont la femme tenait une poignée de fleurs de montagnes, des jonquilles sauvages. Je lui ai dit qu'elles étaient très belles. Elle m'a dit qu'elle les aimait beaucoup. Je lui ai répondu que pourtant maintenant elles allaient mourir bien plus vite que ce que la nature avait prévu et pas là où ça devrait avoir lieu. Je lui ai demandé aussitôt si elle aimait son mari;. Interloqué, elle m'a répondu "oui, bien entendu". Alors, je me suis tourné vers le mari et je lui ai dit : "barrez-vous".
    Et je suis parti.
  • laplumefragile
    Oui, cela semble être la magie des livres, qui peuvent nous laisser autant d'impressions qu'il y aura de lectures. J'ai compris ça tardivement.

    "Mais alors, il faut définir ce qu'est l'amour.
    Car le chasseur qui abat une biche le fait par amour de la chasse. Est-ce de l'amour ? "

    Il chasse par amour de la chasse ou... par amour de la biche ? ;) :) Aujourd'hui, on chasse pour tant de raisons diverses. Plaisir, hobby, convivialité, amour du gibier, amour de la traque, amour de la nature (défense et rétablissement d'un équilibre de la faune, ébranlé par l'activité humaine), amour de tuer (?!)...
  • Thierry LEDRU
    • 4. Thierry LEDRU Le 20/02/2019
    "Étrangement, je le lis assez lentement. Comme une petite procession, vois-tu. C'est curieux. J'ai aussi très vite ressenti que je ne pouvais pas lire Kundalini n'importe quand et n'importe où (je t'avoue, là tout de suite ici maintenant, que la lecture est très agréable dans un bain chaud...) !"
    Ah, quel bonheur de lire ça ! Depuis mon adolescence où je dévorais les livres sans relâche, j'ai parfois éprouvé le besoin de lire lentement et au final, c'était toujours pour des ouvrages qui m'ont marqué et dont je suis sorti heureux, empli de cette joie étrange d'avoir lu les mots dont j'avais besoin à cet instant...Parfois, cette magie n'opérait pas mais quelques années plus tard, si je revenais sur un ouvrage qui m'avait quelque peu troublé et que je relançais une lecture, je découvrais ce que je n'avais pas été capable de comprendre plus jeune.
    J'aimais bien aller lire dans les bois ou sur les rochers, dans une crique isolée, ou dans la cabane que j'avais construite au sommet du plus grand chêne du secteur. Seul. Dans le silence de la nature.
    Le bain chaud est parfaitement adapté à Kundalini :) On pourrait imaginer une lecture nu au soleil avec le champ des oiseaux ou la mélodie des vagues. :)
    Pour en revenir à la notion d'énergie, je pense à un arbre, un grand chêne par exemple, et à sa multitude de branches, toutes différentes...C'est la matière visible. Mais ça n'est pas la réalité insérée dans l'arbre. On peut en allant plus profond prendre en considération la sève qui circule dans l'ensemble. Mais rien n'explique l'existence même de la sève. La science nous expliquera les "comment" mais aucunement le "pourquoi".
    "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? "se demandait Leibniz.
    L'exploration de l'amour est-il suffisant pour justifier tout ça ?
    C'est en tout cas un chemin qui mérite d'être vécu.
    Ce que nous expérimentons délibérément, nous le faisons par amour.
    Mais alors, il faut définir ce qu'est l'amour.
    Car le chasseur qui abat une biche le fait par amour de la chasse. Est-ce de l'amour ?
    C'est là que doit intervenir la pleine conscience. C'est à dire la capacité de filtrer l'émotionnel par le tamis de la raison. Sans pour autant que la raison n'aille réduire l'émotionnel à une entité refoulée.
    Un long chemin :)
  • laplumefragile
    Cher Thierry,

    Ah, je suis ravie de lire que nous sommes sur la même longueur d'onde dans la perception de ce/cette Kundalini et de l’œuvre que tu en as produite. Je n'ai pas encore fini ma lecture. Étrangement, je le lis assez lentement. Comme une petite procession, vois-tu. C'est curieux. J'ai aussi très vite ressenti que je ne pouvais pas lire Kundalini n'importe quand et n'importe où (je t'avoue, là tout de suite ici maintenant, que la lecture est très agréable dans un bain chaud...) !

    Mais je comprends que tu te heurtes au terme "dépendant". Je voulais dire par là que nous sommes comme tu dis "habités" par cette énergie, et quelque part, elle nous dirige. C'est elle qui nous sert de moteur. Sans cela, comment avancer, évoluer, grandir ?
    Je crois que je parlais des énergies non pas au pluriel mais des énergies plurielles, en relation avec les chakras. Je n'ai pas (encore) cette vision que tu as de l'amour, comme une valeur, un vecteur absolu que tu traduis par "énergie créatrice" présente dans tout élément.

    J'espère que je n'ai pas déformé tes propos quand je te cite dans La belle au moi dormant. L'amour, la spiritualité, l'existence... autant de concepts (je n'aime pas ce mot) qu'il est parfois difficile d'aborder avec lucidité ("la pleine conscience"). Ce qui est étrange, c'est que j'aime les aborder avec toute la rationalité nécessaire, sans pour autant évincer de ma lecture et de mon champ d'analyse le côté émotionnel (qui ne devrait être dicté par aucun principe rationnel). J'en reviens à ce que tu exprimais dans ta volonté de réécrire Les éveillés : supprimer le pathos superflu avec intelligence et discernement, tout en en conservant les émotions. Je crois qu'il est important de vouloir les laisser figurer intactes, mais de les délester effectivement de leur affect.

    Et je m'emballe...

    f.
  • Thierry LEDRU
    • 6. Thierry LEDRU Le 16/02/2019
    Chère Plume
    "Comme si nous étions dépendants d'une force, d'un élément, d'un mélange d'émotions à la fois extérieures et intrinsèques à notre être. "
    C'est le mot "dépendant" qui ne me convient pas. :) J’accepte totalement l'idée et le ressenti d'être "habité" par une énergie qui n'est pas identifiable et que j'essaie pourtant de traduire dans mes romans ;)
    "Je dirais plutôt que ce sont les énergies qui nous forment, nous forgent, nous constituent et nous insufflent ce que nous pouvons insuffler en retour."
    Il ne s'agit pas pour moi de "plusieurs" énergies mais d'une seule. L'énergie créatrice et en tant que telle, je l'imagine animée d'une force d'amour incommensurable. Non pas uniquement dans l'imagination merveilleuse dont elle a fait preuve pour nous octroyer le plaisir dans cette mission mais dans la force de l'amour qui scelle les atomes pour en donner la matière. Cette énergie-là est à mon sens la représentation la plus totale de l'amour. Elle concerne tous les êtres vivants et même la matière inerte. Même un rocher dans la montagne, je le regarde comme un être vivant. Aussi fou que ça puisse paraître. Juste parce qu'il est là, parce qu'il existe, parce que la matière qui le constitue est à mes yeux nourrie par l'amour de la création. Tout ce que nous voyons, sentons, entendons, touchons, jusqu'à l'air qui nous entoure est nourri par l'amour déversé dans la création. Ou alors, il n'y aurait rien. Ce qui signifierait que la création aurait aimé ce rien et aurait décidé de s'en contenter.

    "Est-ce qu'écrire est une forme de voie spirituelle ? "
    Pour moi, elle n'est que ça.

    "Est-ce que l'union, cette "osmose complète" des corps peut prendre vie et corps à travers ce biais-là ?"
    C'est ce que j'ai essayé de traduire dans "Kundalini". Le plus bel hommage serait d'apprendre qu'après sa lecture, un couple aurait eu envie de s'aimer, physiquement et que ça se ferait dans une joie immense.
  • laplumefragile
    "On ne fait pas l'amour ; c'est l'amour qui nous fait." Cette phrase tourne et tourne et retourne dans ma tête et dans mon ventre depuis que je l'ai lue. Je n'arrive pas à la comprendre encore très bien. Je ne sais pas si je l'approuve tout à fait. Comme si nous étions dépendants d'une force, d'un élément, d'un mélange d'émotions à la fois extérieures et intrinsèques à notre être. Je dirais plutôt que ce sont les énergies qui nous forment, nous forgent, nous constituent et nous insufflent ce que nous pouvons insuffler en retour. Dans mon billet "La mère au moi dormant", je m'interroge sur l'acte d'écriture (fortement lié à l'érotisme, comme l'explique Iman Bassalah dans La vie sexuelle des écrivains). Est-ce qu'écrire est une forme de voie spirituelle ? est-ce que l'union, cette "osmose complète" des corps peut prendre vie et corps à travers ce biais-là ?

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