Fichage des enfants (école)

http://www.vousnousils.fr/2011/10/21/maternelle-les-enfants-sont-deja-beaucoup-evalues-515284
 
Le pro­jet d'évaluer les élèves de mater­nelle inquiète. Le ministre de l'Education natio­nale, Luc Chatel, a tenu à ras­su­rer en plai­dant pour un « repé­rage pré­coce » des dif­fi­cul­tés. Néanmoins le malaise per­siste. Entretien avec le Dr Geneviève Serre, pédo­psy­chiatre et res­pon­sable du centre dépar­te­men­tal du lan­gage à l'hôpital Avicenne à Bobigny (AP-HP).

Que pensez-vous du pro­jet évoqué par le minis­tère (lire enca­dré) d'apprécier les lacunes dans la maî­trise du lan­gage et aussi le com­por­te­ment des élèves de grande sec­tion de maternelle ?

J'y suis oppo­sée car les enfants de grande sec­tion ne sont pas en âge d'être clas­sés dans des caté­go­ries. Dans l'outil pré­senté, il y a un côté très pré­dic­tif avec évalua­tion des capa­ci­tés lan­ga­gières mais aussi du com­por­te­ment, or l'enfant se construit aussi à par­tir de ce que l'adulte se repré­sente de lui. Cela me rap­pelle la levée de bou­cliers, il y a quelques années, face au pro­jet de détec­ter dès la crèche et l'école mater­nelle les enfants qui pré­sen­taient des troubles du com­por­te­ment avec l'idée d'une pré­dic­tion à long terme (ndlr : en 2006, le col­lec­tif « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans » s'était élevé contre le pro­jet de loi et l'idée de créer un car­net de com­por­te­ment en mater­nelle). Et puis cette évalua­tion a déjà lieu : les méde­cins sco­laires doivent effec­tuer un bilan obli­ga­toire en grande section.

En France, envi­ron 10% des enfants d'une classe d'âge sont pour­tant atteints de troubles du lan­gage. Le dis­po­si­tif n'a-t-il pas le mérite de prendre en compte un pro­blème persistant ?

Oui, mais que va-t-on faire des résul­tats obte­nus ? Aujourd'hui, les enfants de mater­nelle sont déjà beau­coup évalués. Au centre du lan­gage, de nom­breux parents arrivent avec les car­nets et les points rouges, orange ou verts de leurs enfants. Je trouve ça ter­rible et c'est sou­vent très dur à vivre pour eux. Je crains aussi que les enfants de migrants ne soient mis à l'index avec un tel dis­po­si­tif alors que l'école doit jus­te­ment leur per­mettre si néces­saire d'apprendre le fran­çais. Et le risque existe que les établis­se­ments soient com­pa­rés entre eux, ce qui insé­cu­ri­sera les enfants, les parents et les enseignants.

Le pro­jet du ministère

Un pro­to­cole d'évaluation a été pré­senté jeudi 13 octobre par la direc­tion de l'enseignement sco­laire . Face au tollé que le "docu­ment de tra­vail" a sus­cité, Luc Chatel, ministre de l'Education, a fait machine arrière le 19 octobre. Les termes de « risque » et de « haut risque » pour clas­ser les enfants seront fina­le­ment reti­rés du pro­jet de « repé­rage pré­coce », facul­ta­tif, des élèves en dif­fi­cul­tés. Il a par ailleurs été pré­cisé que les don­nées res­te­ront à l'échelle de la classe, sans ins­crip­tion au livret scolaire.

Les ensei­gnants sont-ils aptes, for­més et habi­li­tés à repé­rer des troubles du com­por­te­ment et du langage ?

S'il s'agit de repé­rer les pré­re­quis néces­saires à l'apprentissage de la lec­ture en CP, les ins­ti­tu­teurs savent très bien le faire. S'il s'agit au contraire de diag­nos­ti­quer les élèves souf­frant de dys­lexie, il faut entre autres un bilan d'un ortho­pho­niste, ce n'est pas du res­sort des ensei­gnants. Mais on ne peut pas dire si un élève de mater­nelle sera dys­lexique alors qu'il ne sait ni lire ni écrire. Les enfants changent très vite à cet âge, ils mûrissent. Dans le docu­ment du minis­tère, une repré­sen­ta­tion de l'élève idéal est induite et cela me gêne. On a l'impression que l'objectif est nor­ma­tif alors qu'à 5 ans il me semble qu'on doit avoir le droit de ne pas être dans la norme ! L'objectif pre­mier de l'école devrait être d'aider les enfants à être auto­nomes, à avoir du plai­sir à pen­ser et à apprendre.

En admet­tant que l'on puisse détec­ter cer­tains troubles de l'apprentissage avant l'entrée au CP, à qui devrait reve­nir la charge d'aider les enfants à « redres­ser la barre » : des ensei­gnants bien for­més ou des « réédu­ca­teurs » extérieurs ?

Il est impor­tant de repé­rer un enfant qui a des dif­fi­cul­tés pour tra­vailler avec lui, en petit groupe par exemple, sur ses lacunes. Le vrai pro­blème, me semble-t-il, c'est qu'une fois les dif­fi­cul­tés repé­rées, quels moyens donne-t-on ? Les solu­tions ne sont pas toutes à l'extérieur de l'école. Elles existent, il faut nouer des par­te­na­riats, mais il existe déjà les RASED et un sys­tème de santé sco­laire, avec des psy­cho­logues et des méde­cins, sur lequel il faut s'appuyer. Et curieu­se­ment cette étape, fon­da­men­tale, on n'en entend pas du tout par­ler dans le projet.

Charles Centofanti

 

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Il faut savoir que ces RASED sont en voie de disparition. Les postes de "maîtres G" ont déjà été supprimés, les postes de "maître E" suivent la même voie et les psychologues scolaires voient leur secteur agrandir année après année étant donné que les départs à la retraite conduisent à des fermetures de poste définitifs.

Ce que tout cela signifie est très simple. Les évaluations des enfants ne sont QUE des fichages. Ce qui devrait être entamé dès l'identification d'une difficulté relève du défi insurmontable de la part des enseignants qui voient leurs effectifs gonfler année après année. L'individualisation est brisée dès l'école maternelle. 

Il n'y a acune intention d'aide de la part du gouvernement mais uniquement une identification et par conséquent un "enfermement" de ces enfants dans un JUGEMENT très subjectif étant donné qu'il est établi par l'enseignant seul sur la base de données nationales.

Je vois passer tous les ans des évaluations en CM2 qui n'ont pour seul objectif que l'établissement de statistiques, de graphiques, de pourcentages. Aucune considération existentielle, aucune intention humaine mais la limitation de l'enfant à son statut d'élève.

L'élève n'est qu'un "objet" politique.

L'enfant n'est qu'un consommateur en devenir.

Je précise que je n'attends rien de mieux de la part du prochain gouvernement.

 

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