Indignation populaire
- Par Thierry LEDRU
- Le 14/12/2024
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Publié le 06/12/2024 à 23h38 • Mis à jour le 07/12/2024 à 12h42
L'essentiel
Mercredi matin, en plein centre de Manhattan à New York, Brian Thompson, 50 ans, dirigeant de UnitedHealthcare, a été abattu de plusieurs balles devant un hôtel Hilton. Ce crime a été qualifié de « prémédité, planifié et ciblé » par le NYPD, la police de la ville. Alors que l’enquête progresse, les réactions publiques témoignent d’un profond malaise autour du secteur de l’assurance santé aux Etats-Unis.
Cet assassinat intervient en effet dans un climat de tensions croissantes autour des assurances santé aux Etats-Unis. UnitedHealthcare, filiale du géant UnitedHealth Group, assure 51 millions de personnes et collabore avec des programmes publics comme Medicare. L’entreprise est souvent critiquée pour des pratiques jugées abusives.
Des dizaines de milliers d’émojis « rire »
Et, depuis l’annonce de la mort de Brian Thompson, le Network Contagion Research Institute, centre de recherche sur le numérique et réseaux sociaux, a observé une explosion de publications en ligne glorifiant le meurtre, certaines appelant même à de nouvelles violences. Le Network Contagion Research Institute a ainsi recensé « un bond de publications très engagées […] glorifiant l’événement » voire « appelant à des actes de violence supplémentaires, suscitant des dizaines de millions de vues ».
Sur Facebook, UnitedHealth Group, maison mère de UnitedHealthcare, a bloqué la possibilité de commenter son message de condoléances, après des dizaines de milliers de réactions sous forme d’émojis « rire ».
Une colère profonde contre les assurances santé
Plus généralement, les réseaux sociaux ont été inondés de remarques acerbes voire haineuses. « J’ai soumis une demande de prise en charge pour mes condoléances mais elle a été refusée, trop triste », assène, plein d’ironie, un internaute sur TikTok. « Pensées et prières pour tous les patients à qui l’on a refusé une prise en charge », commente un autre.
Retrouvez notre dossier sur les Etats-Unis
Pour des experts, cela témoigne d’une colère profonde aux Etats-Unis contre les assurances santé, secteur privé très lucratif dans un pays aux inégalités abyssales. Ces messages, partagés des millions de fois, reflètent effectivement une colère latente contre les inégalités du système américain, accusé de négliger les patients pour maximiser les profits.
Imaginons une mise en scène (très macabre).
Si on pouvait aligner tous les cercueils de ceux et celles qui sont morts des effets de ces assurances privées de santé, ça serait bien plus terrifiant que la mort de cet homme. Mais c'est justement parce que ça n'est pas visible que certains ne gardent en tête et ne s'offusquent que de la mort violente de ce patron. Et c'est bien ça qui est injuste. Il faudrait un cimetière national comme les cimetières militaires, avec ces milliers de croix blanches alignées.
Non, je ne cautionne pas cet assassinat mais je comprends le mouvement populaire qui le suit et la révolte verbale des gens qui applaudissent le geste du tueur. Il s'agit avant tout d'une indignation, d'une colère larvée qui éclate. Combien d'Américains connaissent personnellement une personne décédée par manque de soins ? Des millions certainement.
Une compagnie d'assurance a déjà annoncé avoir renoncé à raccourcir les durées de couverture des anesthésies. Faut-il donc que la révolte aille jusqu'au meurtre pour que les consciences s'éveillent ? Mais peut-on parler de conscience dans ces grands groupes financiers ? Conscience de leurs bénéfices, assûrément, mais conscience morale, certainement pas.
Maintenant, était-il raisonnable de confier la prise en charge financière de la santé par le secteur privé ? Non, bien évidemment. Et on ne peut qu'espérer que ça n'arrivera jamais ici.
Tous les acquis sociaux dont nous profitons maintenant ont été pris à la classe bourgeoise par la violence, "la classe des riches" comme le dit Warren Buffet. Rien n'a été donné par empathie et solidarité...
Petit rappel utile :
Les trois violences
« Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »
Dom Helder
Hélder Pessoa Câmara, ou plus couramment, Helder Camara
Citation de Warren Buffet (célèbre milliardaire américain)
"Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c'est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner."
(en) There’s class warfare, all right, but it’s my class, the rich class, that’s making war, and we’re winning.
dans une interview de CNN, le 19 juin 2005, cité par le New York Times, le 26 novembre 2006
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