J'ai fait de mon mieux.
- Par Thierry LEDRU
- Le 12/01/2014
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S'engager. Ou se retirer ?
Je vois bien depuis quelques temps à quel point certains problèmes de l'actualité m'interpellent, à quel point ils occupent mon esprit.
Est-ce que je dois me retirer de cette agitation si je souhaite explorer les questionnements existentiels qui m'attirent ? Cette exploration, hors du temps et de l'espace, ne devient-elle qu'une fuite égoïste?
J'imagine bien ces deux entités.
L'une est insérée dans la vie quotidienne et oeuvre à l'analyse des phénomènes qui l'entourent et dans laquelle, elle se sent exister. Mais le risque est grand de disparaître partiellement dans ce chaos. Est-ce qu'il est possible de rester lucide quand l'implication pousse sans cesse l'individu à n'exister qu'au regard des phénomènes extérieurs ? L'équilibre entre le regard vers l'autre et le regard vers soi est-il réalisable ?
L'autre entité vit dans un espace clos, une dimension protégée par un refus de l'imbrication sociale. Je ne vis pas avec mon époque, je vis avec mon instant présent. Uniquement.
Mais que peut explorer en lui un individu qui n'a aucun regard extérieur ? De quoi son monde est-il fait ? Y a-t-il en nous une dimension pré existante que l'on se devrait de parcourir en tous sens avant de se tourner vers l'immensité environnante ?
Vaut-il mieux rester en dehors du chaos et montrer à l'humanité qu'une vie de recherche intérieure est possible et de cette façon, participer à l'éveil du monde ou doit-on s'impliquer dans la lutte partagée si on souhaite apporter sa contribution à cet éveil possible au risque de ne pas explorer en soi les gouffres les plus lointains ?
Le philosophe apporte-t-il quelque chose à l'Humanité s'il ne vit que dans un donjon ?
La présence du philosophe peut-elle représenter un axe de réflexion pour l'individu qui entendra ses paroles en passant au pied du donjon ?
Le philosophe qui oeuvre uniquement à sa connaissance intérieure est-il encore un philosophe ?
Le philosophe qui est impliqué dans la vie sociale et qui se sert des phénomènes qu'il observe est-il encore en état de philosopher ?
Je ne suis pas philosophe. Loin de moi cette idée. Je ne suis qu'un individu qui aime réfléchir. Qui en a besoin. Pour s'autoriser ensuite à être en paix.
Il existe parfois des tourments qui durent. Cela ne signifie pas que la paix est définitivement perdue. Mais il m'est impossible de m'extraire de ce tourment en lui tournant le dos. Je sais de toute façon que si je le laisse dormir, il reviendra en force, revigoré par la trève que je lui aurais accordé. Si je veux que le tourment disparaisse, je me dois de l'épuiser, sans répit, jusqu'à ce que la totalité des armures qui l'enveloppent tombe au sol, que le noeud du problème apparaisse en plein jour.
Si je tente de dépasser le temps qui m'est imparti, que je me projette plus loin que mon existence, peut-on considérer que la vie d'un individu lui appartient intégralement ou y a -t-il en chacun une mission d'exploration à mener, un compte-rendu à faire, un partage de données à inscrire, une responsabilité envers l'humanité entière ?
Je vis grâce à l'apport de l'Humanité, je suis inséré dans une vie planétaire, je suis le bénéficiaire d'une Histoire millénaire. Est-ce que je peux me positionner en retrait, est-ce que j'ai le droit de me retirer de tout et de continuer malgré tout à profiter de l'énergie dépensée par mes semblables ? Tous mes semblables. Est-ce que l'indigène de Bornéo a le droit de lutter, en mon nom, les armes à la main, contre la disparition des forêts primaires puisqu'il oeuvre par là à ma propre survie ?
Si je tente d'identifier le degré d'imbrications de chaque individu de la planète, il se construit très rapidement des liens indéfectibles. J'imagine la planète comme un corps immense et chaque individu accroché à un bout de peau, ancré dans une infime parcelle de terre, puisant sans retenue tout ce qu'il est possible d'absorber, sans aucune interrogation sur l'épuisement éventuel des réserves de vie, sur le bien-être des autres individus attachés à leur territoire.
Le philosophe doit-il se libérer de ces attachements et du haut de son donjon en expliquer à la masse les fonctionnements ou doit-il se mêler à la foule pour autopsier directement dans la chair ?
L'alternance entre les plongées abyssales et les survols est-elle envisageable ?
Peut-on réellement s'impliquer et rester objectif ?
J'aimerais que la mort soit un espace dans lequel il soit possible d'analyser son propre parcours, dans un état de paix absolue, avec un regard amusé et bienveillant. Comme un compte-rendu à établir et à transmettre à la Vie. Une âme détachée de son attachement corporel, une entité observatrice, sereine et émotionnellement apaisée.
"Voilà ce que j'ai fait. Je me suis souvent trompé, j'ai cherché à progresser et je sais qu'il restait encore du chemin à parcourir. Mais jai fait de mon mieux. "
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