Je ne suis pas allée à l'école
- Par Thierry LEDRU
- Le 03/05/2013
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Pour ce qui est de la "socialisation", j'irai même encore plus loin que l'article : l'école TUE l'humanisation, elle ne s'intéresse qu'à la socialisation, c'est à dire la capacité à répéter les mêmes erreurs que les aînés...
Le plus grand regret de ma vie sera de ne pas avoir choisi cette école-là pour mes enfants.
http://kaizen-magazine.com/je-nai-pas-ete-a-lecole/
Je ne suis pas allée à l’école…
Valérie et Bertrand ont sept enfants : Hugo, 21 ans, Océane 19, Baptiste 17, Jules 15, Emma 13, Noé 7 ans, Louve 19 mois. Lui est chef d’entreprise. Elle, assure le conseil juridique de l’association « Les enfants d’abord » qui aide les parents qui choisissent de déscolariser leurs enfants.
En 1999, alors que quatre de ses cinq enfants sont scolarisés, Valérie découvre que si l’instruction est obligatoire jusqu’à 16 ans, l’école ne l’est pas. Elle propose alors à ses enfants de vivre avec elle l’aventure. Treize ans plus tard, Valérie et Océane témoignent de leur expérience.
Kaizen : Qu’est-ce qui ne vous convenait pas dans l’école ?
Valérie : Au départ, la manière linéaire d’apprendre, sous la contrainte, les devoirs après des journées harassantes, la souffrance de mon fils ainé qui ne trouvait pas de réponse…
Kaizen : Comment vous y êtes vous prise pour leur faire « l’école à la maison » ?
Valérie : La première année j’ai passé du temps à les observer, à les écouter et à comprendre comment ils fonctionnaient, ce qui les intéressait. Petit à petit, je me suis informée sur les autres pédagogies qui existaient : Cuisenaire (réglettes), Montessori (j’ai utilisé les dictées muettes par exemple), Singapore pour les maths, Les frères Lyons… J’adapte en fonction des demandes.
Kaizen : Et ça a marché ?
Valérie : Oui ! D’autant que je me suis rendue compte que, quoi qu’il arrive, les enfants apprennent ! Ils apprennent seuls à marcher, à parler… Nous n’avons pas besoin de contrôler les enfants pour cela. C’est avant tout une question de confiance. Ils apprennent en lisant des livres, en rencontrant des gens, en posant des questions, en regardant des films, en cherchant sur Internet. Comme nous ! J’ai appris à lâcher prise sur cette idée bien enracinée de l’adulte qui sait et qui va apprendre à l’enfant…
Kaizen : A quoi ressemble l’une de vos journées ?
Valérie : En général, nous sommes tous ensemble pendant une heure le matin (Baptiste, Jules et Emma) autour d’un livre (collection philo par exemple) ou d’un article et nous discutons ensemble du sujet abordé. Après je vois chacun des enfants sur ses projets en cours. Celui qui passe le bac français, Emma qui s’intéresse aux oiseaux et avec qui l’on construit des nichoirs, un atelier pour apprendre à faire des fourchettes en bois tous ensemble, une sortie au palais de la découverte…
Je joue avec Noé dans la journée. Là, il lit une page par jour d’un livre pour apprendre à lire. La très grande partie pour ne pas dire toute la journée il joue, regarde des bouquins, vient faire du sport, passe beaucoup de temps à la ferme pédagogique du Piqueur (le mercredi et toutes les vacances scolaires). Nous sortons beaucoup (musées, expos, débats), nous voyageons…
Kaizen : Comment avez-vous fait pratiquement ? Est-ce que vous travaillez ?
Valérie : Je travaille à la maison. Et puis nous ne restons pas collés toute la journée les uns aux autres. Il faut arrêter de considérer que l’on doit absolument être avec les enfants pour qu’ils apprennent. Si l’environnement est favorable et qu’ils ont accès aux livres, à des sorties, à l’ordinateur, ils peuvent, pour partie, se débrouiller sans vous. Ceci dit, tous les métiers ne s’adaptent pas à ce type de fonctionnement.
Kaizen : Et sur l’aspect de la socialisation ? On a coutume de dire que l’école remplit aussi cette fonction…
Valérie : Ce n’est pas parce que les enfants ne vont pas à l’école qu’ils restent toute la journée enfermés à la maison ! Ils ont des activités associatives qui leur permettent de rencontrer des gens, et passent beaucoup de temps avec leurs copains.
Kaizen : Qu’est-ce qui compte le plus pour vous dans cette expérience ?
Valérie : Pouvoir vivre avec mes enfants. C’était ma première motivation. Un jour je me suis dit : « Valérie, tu as mis des enfants au monde et tu es leur nounou. » Je me suis rendu compte qu’ils passaient beaucoup plus de temps à l’extérieur qu’en famille. Et je me suis demandé : à quoi bon avoir des enfants si ce n’est pas pour partager, pour grandir avec eux ? Aujourd’hui, quand je vois leur épanouissement et la qualité de nos relations, je ne le regrette pas…
Océane a maintenant 19 ans, après des années de déscolarisation elle est aujourd’hui à la fac…
Kaizen : Quand as-tu quitté l’école ?
Océane : J’ai été à l’école jusqu’en CM1.
Kaizen : Qu’est-ce qui a le plus changé pour toi ?
A peu près tout ! Mon quotidien, ma façon d’apprendre, la relation avec ma famille…
Kaizen : tu es aujourd’hui à l’université, qu’est-ce qui t’a donné envie de retourner dans le contexte scolaire ?
J’étais attirée par la biologie et j’avais envie de creuser cette voie. A partir d’un moment, il n’y a plus vraiment le choix, il faut passer les diplômes. Avec mon frère nous avons décidé de passer un bac S. Nous avons potassé les annales deux mois et demie avant les examens et je l’ai eu au ras des pâquerettes.
Kaizen : la réadaptation a été facile ?
Je sais m’asseoir sur une chaise, écouter quelqu’un qui parle et prendre des notes, donc en gros ça va ! (rires) J’étudie ce qui me passionne, mais je m’ennuie horriblement. Je n’ai jamais eu l’impression de passer autant de temps à apprendre si peu de choses. Si j’avais été toute ma scolarité dans ce contexte, mon cerveau se serait atrophié !
Kaizen : Avec le recul, qu’est-ce qui te semble ne pas fonctionner dans le modèle scolaire actuel ?
La façon d’apprendre ! Se retrouver toute la journée assis derrière une chaise à entendre quelqu’un nous déverser un cours, puis apprendre par cœur tout ça quinze jours avant les examens pour tout oublier après, je ne vois pas à quoi ça sert. En dehors de l’école j’ai appris des milliers de choses en rencontrant des gens (adultes et enfants), en voyageant, en lisant des livres, en vivant des expériences…
Kaizen : Après coup est-ce que tu es heureuse que tes parents t’aient proposé ce choix ?
Je les remercie tous les jours ! C’était d’une richesse incroyable de pouvoir apprendre de cette façon, d’être libre…
Kaizen : Est-ce que tu laisseras le choix à tes enfants ?
Oui bien sûr. Mais honnêtement entre aller à l’école et ne pas y aller, le choix est vite fait ! Et puis, j’ai eu un tel bonheur à vivre cette expérience que j’ai vraiment envie de la faire partager à mes enfants.
Propos recueillis par Cyril Dion
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