KUNDALINI (15)
- Par Thierry LEDRU
- Le 20/08/2015
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« J’aimerais méditer avec … vous, Sat. J’aimerais que vous m’appreniez ce que vous savez. J’en éprouve, là, maintenant, un besoin viscéral et ça me brûle. »
Elle avait baissé les yeux, sans s’en apercevoir. C’est quand il prit la parole qu’elle réalisa qu’elle ne le regardait plus.
« Quand un adulte dit à un jeune enfant qu’il doit aller à l’école pour savoir plein de choses, il lui ment. L’enfant ne va pas savoir plein de choses, il va juste être amené à ingérer des connaissances et comme toute ingestion, une partie sera rejetée comme autant d’excréments. On peut espérer malgré tout que quelques-unes de ces connaissances aboutiront à un savoir. Pour cela, il faudra que l’enfant expérimente ces connaissances, qu’il les perçoive, qu’il les ressente, qu’il les vive pleinement, physiquement, émotionnellement, intellectuellement. Vous ne pouvez pas savoir ce que je sais, Maud. Je peux juste partager avec vous mes quelques connaissances. Mais ça sera à vous, ensuite, de les expérimenter, de les éprouver, pour qu’elles deviennent éventuellement un savoir, le vôtre. Et de la même façon, je ne peux pas savoir ce que vous savez. On ne peut rien savoir de personne. On peut juste essayer de saisir leurs connaissances. Mais ce savoir éventuel, n’allez pas croire, Maud qu’il sera permanent et nécessairement durable. Le savoir s’entretient par un travail quotidien. Il nous est bien entendu impossible de mettre en actes, constamment tous nos savoirs mais nous devons au moins les garder en conscience, leur parler, leur montrer notre attachement, les réveiller aussi souvent que possible. Un savoir est comme un être vivant. Il se doit d’être soigné.
-Apprenez-moi ce que vous connaissez, Sat et j’en ferai bon usage. Pour mon propre savoir.
-Trouvez-moi alors un exemple criant qui prouve sans contestation possible que la connaissance n’est pas un savoir. »
Elle repensa de façon fulgurante aux cinq éléments essentiels, les cinq nuances dont Sat avait parlé. Il avait dit que le sommet de la pyramide était occupé par la dimension sexuelle, une sexualité sacrée.
« Tous les humains connaissent, à partir d’un certain âge, le processus sexuel d’accouplement mais très peu savent faire l’amour. »
Elle avait lancé sa réponse sans avoir eu besoin de la construire. Tout était là. Comme une évidence. Elle le regarda. Stupéfaite d’elle-même.
Il lui sourit.
« Chapeau bas, dit-il, doucement. J’ajouterais juste que nous ne faisons pas l’amour. C’est l’amour qui nous fait. »
Elle répéta minutieusement les deux phrases, les yeux fermés. Un jour, elle saurait pleinement ce que cela signifiait. Elle s’en fit la promesse et se réjouit aussitôt d’avoir su observer en elle à quel point cette phrase de Sat la laissait perdue, comme aspirée dans un tunnel de lumière, tellement de lumière qu’elle en perdait la capacité à réfléchir. Comme une humilité qui se découvrait, la conscience de l’insignifiance de ses connaissances et du peu de savoir qu’elle en avait retiré. Et ce regard bienveillant sur soi, elle avait envie de l’enlacer. Un amour étrange en elle, comme une reconnaissance ou mieux que ça encore. Comme une naissance à soi. Une fin de grossesse spirituelle, l’orée du monde intérieur qui se dévoilait.
Un tourbillon en elle. Elle posa une main sur son front."
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