KUNDALINI, dans l'attente.
- Par Thierry LEDRU
- Le 05/10/2018
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Plusieurs personnes m'ont demandé ici ou sur ma page Facebook si la sortie de KUNDALINI était toujours prévue.
Oui.
Probablement en octobre. La maison d'édition fait ce qu'elle peut au regard de la charge de travail pour le nombre de personnes. C'est toute la difficulté des petites structures : travailler à la promotion et à la vente et travailler à la découverte d'auteurs et de livres. Les deux tâches réclamant une très grande énergie et beaucoup de temps.
La maison d'édition m'a annoncé également qu'elle souhaitait publier "JUSQU'AU BOUT", " A COEUR OUVERT" et "LES EVEILLES"
J'espère que les ventes de KUNDALINI viendront déjà récompenser l'engagement de la maison pour mes textes et ceux de tous les autres auteurs "anonymes".
J'ai réalisé aujourd'hui qu'à partir de septembre 2019, début de ma retraite, je pourrai consacrer autant de temps que souhaité à l'écriture. Etrangement, je réalise ce qui va se produire avec la fin de cette activité professionnelle en m'imaginant écrire, n'importe quand...Librement.
Pour ce qui est de "KUNDALINI", je pense, en tout cas, que sa lecture surprendra les lecteurs et lectrices.
KUNDALINI
« Maud. »
Elle s’éloigna un peu de son visage.
« L’important est que tu chevauches ton plaisir, pas qu’il te piétine.
-La pleine conscience, c’est ça.
-Oui, observe, visualise, dirige ton plaisir, c’est toi qui tiens les rênes. Et si tu fermes les yeux, ouvre-les à l’intérieur. Cette émotion que tu as ressentie tout à l’heure et qui a fini par te paniquer, va la chercher, elle est quelque part en toi, prends-là et mêle-la à l’énergie qui vibre, là, maintenant. Transforme cette peur en quelque chose qui élève. C’est simplement ton regard qui doit changer. Tu verras alors que tu as juste eu peur d’un amour qui te paraissait trop vaste. Mais tu ne te perdras pas dans ce territoire puisque c’est le territoire qui souhaite entrer en toi.
-L’amour en moi.
-La vie qui s’aime en toi, ajouta-t-il. Nous ne faisons pas l’amour, c’est l’amour qui se sert de nous pour que la vie prenne conscience d’elle-même.
-Alors, je vais user de mon amour pour toi et aimer cette vie en moi », termina-t-elle avant de l’embrasser.
Et d’avoir osé le dire l’inonda de douceur. Pour elle-même.
Il s’était allongé sur le dos, elle avait posé une cuisse sur son bassin. Puis, elle descendit en pointant la langue sur son torse, elle parcourut son ventre puis ses bras, ses aisselles, ses mains, son cou puis de nouveau son ventre et lorsque sa bouche rencontra la verge dressée, elle s’appliqua à la mouiller, sur toute la longueur, à lécher les bourses et le périnée puis elle posa sa bouche à la cime et engloutit le membre lentement.
Et plus incroyable encore pour elle qui ne se reconnaissait déjà plus, elle leva les yeux vers le visage de Sat et elle croisa son regard.
Se voir dans ses yeux, comme un miroir diffusant du bonheur.
Cette femme que Sat regardait caresser sa verge, c’était elle.
Cette femme adorant en elle l’amour qu’elle offrait.
Elle avait toujours fermé les yeux quand elle aimait Laurent et elle n’avait donc jamais pu se voir en lui.
Cette estime de soi qu’elle libérait enfin, cet amour d’elle-même qui invitait l’amour de Sat.
Elle serrait le membre palpitant et elle éprouvait au plus profond un plaisir qui n’était pas uniquement celui des sens.
Sans pour autant pouvoir identifier clairement ce qui était là.
Alors, elle cessa d’y penser.
Sat fit signe de se redresser. Elle abandonna ses caresses et le regarda. Il passa la tête entre ses cuisses et glissa sous elle. Tête bêche.
Les lèvres de Sat sur son sexe. Elle en tressaillit et elle renforça la pression. Elle posa la bouche sur la tige érigée, léchant le gland amoureusement puis elle l’avala autant qu’elle le put. Elle le voulait en lui, elle voulait qu’il gonfle encore en elle, elle voulait chevaucher son plaisir sur son corps, être une amazone, une maîtresse écuyère, la Déesse de Sat.
Elle suspendit ses caresses un court instant.
Une image fugace.
Elle était drapée dans une robe d’argent. La femme de son rêve.
Elle effaça l’image dans son plaisir.
Les doigts de Sat glissaient de son anus à son vagin et sa langue vivace enlaçait son clitoris. Elle voyait monter en elle des ondes chaudes.
Dehors. Sous les cieux, dans l’air tiède des ombres végétales. Elle aimait un homme, elle se donnait à lui comme elle n’avait jamais pensé pouvoir le faire de toute sa vie, avec cette impression de lui être offerte et en même temps de pouvoir jouer avec lui, dans une totale complicité…non…bien plus que ça…une reconnaissance…cette impression d’être reliée, connectée, absorbée, diluée, fragmentée, cette impression que seul le plaisir coulait dans ses veines…la langue de Sat…cette pointe appliquée qui jouait avec son sexe…des cisaillements soudains qui nourrissaient son désir…elle s’était totalement allongée sur lui, les seins épanouis sur son torse…elle sentait dans la verge des tensions régulières, des gonflements comme des houles passagères…elle savait que Sat appliquait ce qu’il savait…il avait parlé du contrôle énergétique…ne pas courir après l’orgasme…préliminaires, coït, orgasme…voilà, c’était le schéma qu’il avait détaillé…
Elle s’arrêta. Net. Elle abandonna la verge, elle suspendit toutes ses caresses et elle s’assit en se tournant vers lui.
Il en fit tout autant. Intrigué.
« Sat. J’aimerais que tu m’enseignes la sexualité sacrée dont tu m’as parlé. Je ne veux pas juste reproduire ce que j’ai déjà vécu avec toi, même si mes ressentis sont infiniment plus profonds, même si je ne reconnais déjà plus rien de ce que j’ai déjà connu. J’aimerais que tu m’apprennes à nous aimer. Et tu vois, quand je dis « nous aimer », c’est déjà une transformation radicale. Jusqu’ici, je n’ai toujours fait l’amour que pour mon partenaire… et… pour moi. Mais jamais pour le nous. Même si je le croyais. Tu vois ce que je veux dire ? »
Elle aimait son sourire quand il regardait ainsi en elle.
« Oui, je vois ce que tu veux dire. Le nous signifie que tu es dans l’amour et non juste dans la sexualité, que tu es dans la conscience et non juste dans l’excitation, que tu es dans la patience et non juste dans l’urgence de l’orgasme et que tu es dans l’amour pour toi et c’est essentiel pour une femme.
-Voilà, c’est ça. Un jour, je saurai l’exprimer à mon tour. Un jour, ça sera en moi pour toujours.
-J’en suis convaincu. »
Il l’invita à s’asseoir en lotus.
Elle s’exécuta avec délice, impatiente et consciente de son impatience. Elle eut un rire bref, un éclat cristallin quand elle se vit s’observant intérieurement, visualisant la chaleur de ses désirs et le regard neutre qu’elle y posait.
Elle pensa soudainement à ces étreintes anciennes où seule l’excitation guidait ses gestes. Cette impression qu’il n’en restait rien.
« J’aime te sentir heureuse. »
Il se pencha vers son visage et l’embrassa.
« Le coït respiré. Ça me paraît tout à fait adapté.
-Ce que tu veux, Sat, explique-moi. »
Il se plaça devant elle et posa les mains sur ses cuisses entrouvertes.
« Il s’agit de synchroniser les respirations sur les mouvements du coït. Lorsque ma verge entre en toi, tu l’attires par une inspiration naturelle, sans forcer, sans exagérer, n’essaie pas de la modifier par ton mental, laisse-toi guider par le rythme que ton corps adoptera. De mon côté, je me retire partiellement à chaque expiration et je reproduis le même va-et-vient, aussi longtemps que tu le souhaites. »
Il se pencha vers elle et posa les lèvres sur sa bouche. Elle accueillit sa langue avec délice, les mains caressant son corps. Elle sentit le membre érigé frotter la corolle de son sexe.
Les yeux au fond des siens, elle se concentra sur le souffle.
« Depuis bien trop longtemps, Maud, la femme a été amenée à penser que son rôle était de satisfaire la sexualité génitale de l’homme. »
Une voix murmurée à son oreille.
« La vérité est à l’opposé de cette habitude ancestrale. L’expression la plus noble de l’amour est que l’homme participe à l’extase divine de la femme, qu’il en soit l’ouvrier patient et appliqué. C’est dans cette dimension amoureuse que je parviens à être dans le nous. Oublie-moi, n’attache pas ton plaisir à mon image mais uniquement à l’amour de la vie en toi. C’est lui qui vibre et c’est lui qu’il convient d’honorer. Et la puissance de ton hommage pour cet amour de la vie nourrira mon plaisir. Abandonne-toi, ouvre-toi et je te rejoindrai. Tu es notre guide.»
Cette envie de pleurer et de rire, elle finissait par l’aimer et ne plus la craindre. Elle plongea au fond de ses prunelles en inspirant, bouche ouverte.
Elle sentit un contact léger, comme une tête prudente qui se glisse entre les rideaux entrouverts de la scène.
Expiration, introduction partielle de l’acteur…inspiration…les pans de tissus qui s’ouvrent et cette chaleur en elle, comme des projecteurs irisés ruisselant d’averses tièdes…expiration... un instant suspendu dans l’observation intime des marées intérieures… inspiration prolongée, mouvements du bassin, elle sentait le membre glisser dans l’étroiture, des perles de rosée naissaient sur son parcours…expiration…les ressentis de sa présence en elle… elle les observait comme des empreintes éternelles…inspiration…elle l’aspirait, grande ouverte, un puits d’amour qu’elle voulait combler, qu’il remonte à son âme et qu’il l’emplisse de sa puissance…ce sourire qui ne la quittait plus, elle n’aurait su dire s’il était visible…elle aimantait le membre dans une inspiration magnétique, elle voulait le garder et craignait qu’il se retire…expiration…elle comprit alors qu’elle n’était pas vraiment là, que les pensées temporelles s’imposaient encore, que les émotions n’étaient pas celles de la vie mais bien toujours celle d’un mental qui craignait de disparaître…inspiration…abandonne-toi, laisse la vie te vivre, elle sait où elle va…Sat…elle n’avait pas oublié et s’en étonnait…Kundalini…il avait dit que les capacités neuronales s’amplifiaient…expiration…elle regrettait de n’avoir pas vécu pleinement la dernière pénétration… elle sentit monter de la colère…inspiration…elle l’enserra de ses bras et de ses jambes repliées dans son dos, elle se voulait ouverte, immense, béante, elle se voulait ancrage et qu’il ne puisse plus partir, elle retint son souffle…
Elle n’y parvenait pas, il le savait, les pensées la tourmentaient et elle s’en voulait certainement de se voir aussi fragile, aussi instable et impatiente, il percevait les parasites dans les fluides, des nœuds profonds qui cisaillaient les courants d’énergie. Alors, il amplifia la cadence de ses mouvements, il en varia l’angle, il s’appliqua à onduler son pubis contre le sien, il se décala de nouveau sur le côté pour pouvoir saisir les tétons dressés et il les enveloppa de ses lèvres, il les suça ardemment, puis doucement, il les mordilla et les lécha, il cercla les auréoles de la pointe de la langue.
Il pouvait la libérer, il le savait.
Il entendit l’accélération de ses souffles, il sentit le déferlement des plaisirs dans les fibres irradiées.
« Viens sur moi, Maud et on recommence. »
Il s’allongea sur le dos.
Elle l’enjamba et plaça son bassin au-dessus de sa verge. Elle la saisit et la conduisit à l’entrée de l’antre.
La concupiscence. Elle en devinait les anciens ancrages, les attachements archaïques. De quoi avait-elle encore peur ? De ne pas réussir à jouir ? Que Sat éjacule et s’endorme ? Ridicule. Elle s’en voulait de cette absence d’abandon, de tous ces ressentis qui remontaient des mémoires de son corps, les déceptions de son sexe quand Laurent n’avait pas su l’enflammer. Mais elle, la femme bridée, qu’avait-elle accompli pour qu’il y parvienne ? S’était-elle jamais abandonnée avec lui ? Avait-elle aimé en elle l’amour que Laurent lui procurait ? Avait-elle réellement plongé dans l’offrande ?
Inspiration.
Elle descendit entièrement sur la verge, bouche ouverte, la tête en arrière, les mains en appui sur les genoux de Sat, le ventre creusé, les seins comme des oriflammes.
« Oublie-moi »…
Sat l’avait dit…Mais elle n’y parvenait pas.
C’est lui qui enflammait ses entrailles, c’est son membre qui fouillait en elle, qui l’emplissait d’une irradiation totale.
Expiration.
Abandonner la verge de Sat. Elle avait dû faire un effort immense pour respecter la procédure.
Il contemplait son visage, l’arrondi de ses seins comme des monts sublimes, les mouvements de son bassin alternant les va-et-vient. Il devinait encore des contractions fugaces, des ingérences mentalisées, des crispations de rides sur son front. Il insuffla dans sa verge des montées vibratoires, travail des muscles du périnée, visualisation du flux sanguin, concentration du souffle, accompagner l’air dans la verge, le gonflement des tissus, la rétention du sperme, l’inversion du flux montant, réactivation incessante du processus, comme une accumulation de forces contre la digue, des avalanches qui remontent la pente.
« Ne pense pas à la nuit dernière, Maud, ne te fixe pas d’objectifs similaires, ce qui était n’est plus. Reste là, avec l’amour en toi. Il ne voyage pas dans le temps. Il n’y a que tes pensées qui s’égarent. Ne t’impatiente pas. Ce qui doit être arrivera.»
Elle le regarda fixement, l’esprit étourdi, le corps tendu.
Arrêter de penser et devoir y penser pour le faire. C’était absurde, elle le savait. Revenir à la respiration, la répéter précieusement comme un mantra.
Sans y réfléchir, elle inversa le mouvement entre les pénétrations et le souffle. Elle descendit sur la verge en expirant et de se sentir vide d’air, elle percevait davantage la présence du membre palpitant.
Elle initia un mouvement d’avant en arrière, pubis contre pubis, comme un roulement de vagues, une danse écumeuse, les mains affairées aux caresses du torse de Sat, cette présence en elle, l’énergie de Sat, elle voulait la bénir, elle voulait en nourrir sa jouissance. Elle se synchronisa de nouveau sur la respiration et elle sentit cette fois monter dans sa colonne une vague de frissons chauds. Des paliers qui se découvraient, des zones à franchir, comme des étapes vers l’altitude, elle pensa aux chakras puis rejeta l’image, elle n’avait pas assez de connaissances pour s’égarer dans les illusions du mental, elle voulait vivre et ne rien croire.
Les frissons se dispersèrent dans son crâne comme des bruines tièdes et elle ferma les yeux.
« Oublie-moi. » Il l’avait dit. Entrer dans le territoire de l’amour, sans identité, sans intention, évaporée comme autant de particules, saisir l’énergie, la fusionner avec l’énergie sexuelle…non…elles n’étaient pas différentes…elle se trompait…elle ne faisait pas l’amour…elle était dans l’amour et l’amour se servait d’elle.
« J’aimerais qu’on se remette en lotus, Sat. »
Il ne répondit pas mais l’invita à se retirer.
Le vide en elle quand sa verge l’abandonna. Elle aurait voulu tenir dans ses mains la boule de chaleur qui s’évapora.
Et c’est là qu’elle comprit l’alternance. C’est au moment où elle glissait de nouveau sur le sexe tendu qu’elle comprit le protocole.
Augmenter la pression, accumuler l’énergie comme un bourgeon qui se gave de sève. Il ne connaît pas la suite de son aventure, il ne sait pas qu’il va s’ouvrir, qu’il deviendra feuille ou fleurs ou fruits. Il n’est que bourgeon et il vit.
Et c’est là qu’elle comprit l’illumination. Le paysage qui avait fondu en elle. Juste là, dans cette contemplation affûtée, ces regards scrutateurs qui vont au-dedans des choses. Elle s’était libérée des visions de sa mémoire, elle n’avait pas regardé les reliefs comme des choses connues mais comme…
Elle ne savait pas l’exprimer.
Cette montée de larmes en elle.
La respiration qui accélère, le soleil dans son dos, sur ses fesses, l’air autour d’elle comme un cocon silencieux et la verge de Sat comme un piston accordé à ses souffles. Elle entendit une voix qui gémissait et elle comprit étrangement que c’était elle, comme un écho lointain qui remontait des entrailles, la pression des pubis électrisant son clitoris, des décharges lumineuses, des bouffées d’air brûlant qui remontaient de son ventre et fusionnait avec l’air qu’elle inspirait, comme un circuit fermé mû par un mouvement perpétuel. Elle voyait en elle des courants pétillant, un cheminement précis, une circumnavigation interne, de sa bouche à son sexe, une boucle chargée de particules.
Elle se cambra et tendit les seins, la tête en arrière, les cheveux tombant, la bouche ouverte, cette conscience de son corps impudique, elle n’en voulait plus, elle aimait la verge de Sat, elle aimait son corps, elle aimait la jouissance qui montait, l’impudeur était une morale humaine, rien dans l’amour en elle ne devait s’accorder à une morale, elle voulait jouir, être la femme réelle qu’elle devinait et de s’autoriser ainsi une nudité aussi totale, elle sentit fondre des chaînes mentales, des résistances inquiètes, des images fausses consumées par le feu de ses entrailles, par le brasier de ses fibres, par le ruissellement de son sexe, les flamboyances qui jaillissaient avec de plus en plus d’ampleur.
Elle n’avait rien à retenir, elle n’avait rien à protéger, il n’y avait aucun danger, aucune menace, aucun objectif à tenir. Juste être là, dans le vide et se remplir de tout ce qu’il était.
La verge de Sat comme un créateur d’Univers.
Alors, elle voulut tout connaître, tout explorer, aller au-delà du connu puisqu’il n’était qu’une prison, que la mémoire était une geôle et qu’il fallait l’ouvrir pour qu’elle se charge du réel.
Elle ne comprenait plus vraiment ce qu’elle pensait et elle se dit d’ailleurs que les pensées pensaient toutes seules, qu’elles existaient au dehors et qu’elles tombaient en elle.
Elle se retira, fit demi-tour, passa une jambe de chaque côté du visage de Sat et prit sa verge dans ses mains. Elle la lissa, doucement et posa les lèvres sur le gland.
Les doigts de Sat sur ses fesses, écartant les monts, sa langue fouissant entre les plis des lèvres nacrées.
Elle continua à user de son souffle pour régler les mouvements de succion. Inspiration, elle absorbait la tige écarlate jusqu’aux racines.
Expiration.
Elle remontait jusqu’à la cime.
Elle imagina un court instant les jets de sperme dans sa bouche. Des queues luisantes de comètes, des laitances épaisses comme des étoiles liquides.
Le sperme de Laurent. Elle n’en aimait ni la matière ni le goût. Elle n’y percevait qu’une soumission nauséeuse et avait fini par la rejeter.
Insignifiance des ressentis primaires. Elle voulait vivre l’instant et ne plus rien s’interdire, franchir les limites imaginaires, dépasser le cadre étroit de la matière.
L’amour n’a pas de mémoire. Elle le comprenait enfin.
Comme si cela participait au processus. Sans qu’elle ne sache vraiment ce que le processus contenait de découvertes ni même en quoi il consistait. Une évidence. Ce monde qu’elle avait aperçu tout à l’heure dans une étreinte incompréhensible s’ouvrait intégralement à ce que la vie proposait, sans rejet, ni colère, ni adoration, ni suffisance, ni peur, ni espoir, ni attente. Le monde jouissait de ce qui le constituait. Intégralement.
La terre n’a jamais rejeté la moindre graine.
Elle absorberait le sperme de Sat comme des rosées salutaires. Ou qu’il jaillisse.
Et ce fut en elle comme une terre chaude qui s’ouvrait à la pluie.
Elle glissa vers les pieds de Sat et le remercia intérieurement de son abandon à ses désirs. Elle posa les mains sur ses tibias, totalement dénués de poils, elle les trouva beaux et s’étonna de cette émotion. Des tibias…
Une étrange contemplation, l’impression de voir crépiter des couleurs.
Et là surgit la conviction que l’orgasme n’avait aucune importance, qu’autre chose était possible. Ce qu’elle avait déjà vécu dans les bras de Sat n’était pas l’objectif final. Il y avait un horizon aussi vaste que ce qu’elle avait connu lorsque le monde était entré en elle. C’est là qu’elle voulait aller.
Elle le chevaucha de nouveau, les mains appuyées sur son torse. La verge comme une baguette de sourcier.
Un déversement continu.
Il était en elle comme la sève au cœur de l’arbre, comme le soleil sur le monde, la lumière nutritive. Il ne la pénétrait pas, il lui permettait d’être nourrie. Oui, c’était ça. La verge de Sat comme un cordon ombilical qui la reliait à la vie. Et coulait en elle le courant de la source, l’énergie de toutes choses.
Les fleurs donnent un sens à la vie des bourdons. Sa matrice donnait vie à la verge de Sat. L’un et l’autre redevables de la conscience révélée de l’énergie créatrice.
Les larmes de nouveau, un voile liquide qui noyait le paysage. Elle regarda les montagnes en descendant et montant sur la trompe butineuse et sa bouche ouverte aspirait des molécules parfumées.
Elle varia l’angle de frottement du membre en elle, le point sublime qui l’avait fait couler, elle en adorait la rosée.
Elle n’étouffa plus aucun de ses gémissements et elle voyait s’envoler dans les airs les souffles de sa voix, les aigus de ses râles, le chant de son corps.
Jouir dans la nature et se réjouir de la nature en soi.
Un papillon coloré passa devant elle, un vol chaotique empli de joie. Elle croisa son regard pétillant et elle en éclata de rire.
Le plaisir l’enivrait et la verge engloutie agissait comme un alcool déversé, les vertiges l’emportaient et c’était délicieux, le brasier de son ventre remontait dans son dos et elle aurait pu dessiner à la perfection chacune de ses vertèbres, l’impression de les voir s’illuminer comme une guirlande, étage par étage, puis le courant lumineux redescendit entre ses seins et inonda son vagin.
Ne pas succomber à l’orgasme comme un bourgeon qui s’ouvrirait dès les premiers flux de sève, constituer une boule d’énergie, plus forte encore, plus vaste, plus dense, accueillir et ne pas vouloir se consumer, s’emplir jusqu’à l’ultime débordement.
Elle se dégagea de la verge et se déplaça. Il ne bougea pas. Elle s’accroupit au-dessus de son visage, comme si elle s’apprêtait à uriner, posant son sexe sur sa bouche, dans une posture qu’elle n’aurait jamais pensé initier. Et le bonheur de cette liberté l’envahit comme un souffle tiède, une risée de câlins chauds qu’elle regarda s’étendre.
La langue de Sat fouillait en elle et ses mains pétrissaient ses fesses.
« La puissance de ton hommage à l’amour de la vie nourrira mon plaisir. »
Il l’avait dit, elle n’oubliait plus rien désormais, aucune parole, comme un enregistreur inépuisable.
Elle s’était fabriqué des limites. Il n’y en aurait plus.
Pour la première fois de sa vie, elle invitait un homme à la caresser. Sans retenue, sans culpabilité, sans aucune peur, comme elle le souhaitait, sans que rien ne bride son désir et elle découvrait, en regardant le visage de Sat entre ses cuisses, ce bonheur du plaisir reçu sans que rien ne soit dû.
Il glissa deux doigts entre les lèvres, s’insinua lentement entre les parois intérieures.
Elle s’abandonna aux pressions, elle se délecta des rotations, elle absorba le moindre frémissement.
Elle leva les yeux vers les arbres, elle contempla les feuillages et sans pouvoir le comprendre, elle sentit dans son corps les pressions des sucs de la terre, le déversement des subsistances, la dispersion des flux énergétiques les plus infimes, la lumière absorbée pour que la vie se forme. Comme un envahissement libérateur, une invasion bénie des Dieux.
Elle vit en elle, sans en expliquer l’apparition soudaine, les lumières rasantes du lever du jour, ce moment suspendu où la marée solaire gagne les territoires, où la terre endormie par les câlins de la nuit se réveille, ces ondes délicieuses de la chaleur qui s’installe, l’apparition de l’astre par-dessus les crêtes et l’ascension inexorable vers le zénith.
Elle était au zénith.
Elle se tendit, le souffle bloqué, bouche ouverte, les mains pressant la poitrine de Sat et l’explosion l’emporta.
Une fois.
L’énergie se rechargea immédiatement.
Nouvelle ascension, deuxième vague contre la digue, un rouleau surpuissant qui balaya l’ouvrage, son sexe déversant des incendies liquides.
Deux fois.
Elle pensa un instant au visage de Sat, à sa bouche avide, à sa langue fouisseuse. Il ne se retirait pas, il accueillait ce qu’il déclenchait. Cet amour offert, cet homme entre ses cuisses ouvertes, cette attention sublime qu’il lui accordait. Elle voyait son regard aimant en elle et ce fut comme une fournaise.
Trois fois.
Elle se laissa tomber sur le côté.
« C’est trop fort, je ne tiens plus. »
Elle roula sur le dos. Il se dégagea et se plaça entre ses cuisses. Il souleva ses fesses et amena son pubis étoilé de cyprine à hauteur de son visage.
Les regards qui se croisent.
Il caressa de sa bouche la fine toison et lécha les lèvres avant de venir épouser le capuchon de son bouton érigé.
Elle ne voulait plus le quitter des yeux, elle s’évertuait à plonger en lui, à se réjouir de chacun de ses gestes, à capter l’intégralité des offrandes, qu’elles soient visuelles ou autres, les parfums de la sueur de Sat, les fragrances de son sexe mâle, le goût de son vagin sur sa bouche quand il l’embrassait, elle voulait goûter à tous les sens et que ses pensées se taisent.
C’est là que la contradiction apparut. Vouloir, c’était encore une pensée. Il lui restait encore à savoir taire ce mental, elle en devinait les résistances, comme des peurs qui s’accrochaient désespérément au-dessus des vides sensoriels.
Aller au plus profond de l’ouverture de son corps.
Le territoire de l’amour n’a pas de pensées.
Le corps de Sat entre ses cuisses ouvertes. Il avait reposé doucement ses fesses sur la couverture. Ses regards sur elle. Il était si bon de se sentir aimée.
Mais qu’aimait-il réellement ? Elle ou l’amour de la vie en elle ?
Elle ne chercha pas la réponse. Elle accueillit sa verge et les pensées s’enfuirent.
C’est lui qui adopta le protocole de la respiration et elle sentit à chaque souffle l’invasion délicieuse du membre et la chaleur insérée lorsqu’il se retirait. Elle aima l’alternance car elle ne souffrait plus de l’attente. Il ne restait que l’instant et sa complète absorption.
Le visage béat de Sat et cette flamboyance dans ses prunelles, comme si la vie brûlait à l’intérieur mais qu’il gardait la maîtrise du feu.
Elle accompagna ses souffles en synchronisant les contractions de son périnée lorsqu’il s’introduisait au plus profond, enserrant la verge dans son cocon et elle imagina son vagin comme un bourgeon extasié.
Elle aimait les muscles de son dos et la fermeté de ses fesses, les sangles tendues de ses abdominaux, toute cette force contrôlée. Sat aimait la vie en lui et non pas l’image qu’il avait de lui. Elle le savait. L’explication de cette joie qui émanait de chacun de ses regards, la fluidité de ses gestes, la profondeur de ses paroles, cette observation bienveillante de l’existence. Et la sensualité de son corps, cette beauté naturelle qu’il préservait religieusement.
Lui vint à l’esprit cette image des familles croyantes qui prient avant d’entamer un repas, ces paroles qui honorent et remercient.
Elle regrettait de n’avoir pas prié avant de jouir et se promit de combler l’oubli, de remercier désormais avant de consommer la joie des corps.
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