L'inquiétude.
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/04/2011
- 2 commentaires
Rémi, notre garçon (20 ans dans 7 jours) est parti pour un raid à vélo pendant trois mois, tout seul.
Départ Genève, passage par Moscou, Transsibérien pendant 5000 kilomètres, Transmongolien jusqu’à Oulan Bator puis départ pour les steppes.
Une continuité finalement si on pense à tout ce qu’on a fait avec nos trois enfants. Sauf que Rémi franchit une étape élevée d’un coup…
D’où le sujet du jour : l’inquiétude.
Imaginons que j'ai montré à Rémi que j'étais inquiet. S'il se retrouve dans une grosse galère, cette peur qui m'appartient s'est ancrée en lui et elle va rajouter une pression alors qu'à ce moment précis, il a besoin de tout son potentiel et de sa lucidité. C'est ma peur qui l'alourdit, comme un fardeau.
Cette inquiétude est totalement inutile pour moi, elle crée une pression pénible mais je l’entretiens malgré tout, comme si je me devais d’être inquiet, un bon père qui a peur pour son fils, une bonne conscience que je me donne. C’est totalement absurde. Cette inquiétude n'aidera pas non plus Rémi. Elle va même avoir un effet particulièrement néfaste. Il aura peur, non pas pour lui mais pour moi et ça le figera dans l’expectative et le doute alors qu’il aura besoin de réagir rapidement.
Si par contre, j'ai transmis à Rémi ma confiance, si j'ai su l'accompagner dans sa préparation et qu'on est assuré d'avoir fait tout ce qu'on pouvait, qu'on a parlé de tout ce qui pouvait lui arriver et que je lui montre que je n'ai aucun doute sur sa capacité à gérer l'urgence, j'ai ancré en lui une force supplémentaire, celle de cette confiance.
Pour moi, cette confiance ne servira à rien sinon d’éviter à l’inquiétude de refaire surface. Mais pour Rémi, elle peut être utile.
En définitive, toutes mes émotions actuelles n'ont aucune importance. Mais celles qui se sont produites avant peuvent avoir un rôle à jouer.
C'est l'expérience du canyonning qui me l'a montré. C'est ma peur pour Léo qui ne savait pas si on était vivant, c'est d'imaginer son inquiétude qui nous a fait, ma femme et moi, perdre cette lucidité qui nous aurait permis de continuer à descendre la gorge au lieu de remonter la falaise. Comble de la situation, cette inquiétude partagée nous a doublement égarés.
Dans le cas de Rémi, c’est finalement notre propre bien-être qu’on chercherait à préserver en transmettant cette inquiétude. Une tentative pour mettre un terme ou un frein à une aventure qui dépasse nos capacités. Mais ça n’est pas à Rémi qu’on penserait dans cette pression. Juste un apaisement qui conviendrait à notre vie sédentaire. Il y a dans l’idée du voyage une peur viscérale, une perte de nos repères, de nos murailles, celles de la maison qui nous abrite et celles de nos habitudes qui nous rassurent. Partir, c’est faire voler en éclat tout ce qui correspond à cette vie ancrée.
On peut aussi, de façon irrationnelle, imaginer que Rémi perçoit nos émotions, malgré les distances et qu'il a davantage besoin de notre soutien que de nos peurs. Après tout, on n’en sait rien alors dans le doute, il vaut bien mieux opter pour le positif.
Par conséquent, le choix est fait.
Commentaires
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- 1. tei Le 21/08/2012
oui, on le sait bien , mais en être capable est autre chose...
en tout cas pour moi, il me reste du boulot ;o)) -
- 2. Lajotte Françoise Le 23/04/2011
Ca s'appelle aimer vraiment et c'est magnifique!
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