L'instant de vie.

La mort...

Le fait que nous ayons l'opportunité de parler de la mort prouve que nous sommes en vie.

Est-ce que quand je serai mort je parlerai de la vie ? Ça serait tout aussi absurde dès lors que je passerai mon temps à parler de quelque chose qui n'est pas. Je suis en vie et donc pas mort ou je suis mort et donc pas en vie. Alors je dois m'atteler à parler de ce que je suis.


Pour ce qui est de la mort en elle-même, je ne la vois pas comme ayant une "existence" propre. Ça n'est pas la mort qui survient, c'est la vie qui s'en va, ça n'est pas un phénomène qui survient mais un phénomène qui nous quitte. On appelle ça la mort mais elle n'est rien en elle-même. On devrait plutôt dire une "non vie".

 

On me dira que ça ne change rien mais pour moi ça change beaucoup. Il n'y a pas cet "ennemi" effrayant qui peut nous tomber dessus à tout instant. Il n'y a qu'une vie qui peut s'échapper. C'est la vie qui nous fait mort. Et si cette vie que nous adorons (ou pas) contient en elle-même la non vie, je me dois de l'aimer de la même façon. Je ne peux pas aimer un aspect de la vie et en refuser un autre. C'est tout ou rien. À moins d'être un bel hypocrite.

 

 

De quoi devrions-nous nous plaindre d'ailleurs ?

Ce qui nous effraie le plus, fait en sorte que lorsqu’elle sera là, nous n’y serons plus.

Fantastique création.

Imaginons un instant que nous découvrions la mort tout en restant vivant. Là, on pourrait se plaindre. Ça serait par exemple la putréfaction de notre corps mais sans que nous ayons été privés de notre conscience. Là, effectivement, on aurait de quoi gémir. Mourir de son vivant. Plus aucun mouvement, aucun battement cardiaque, rien, le sang figé, la peau glacée, rigidité du cadavre.

Mais en totale conscience. Durant un temps infini.

 

La création s’est arrangée pour nous épargner ça. Et nous parvenons encore à lui reprocher la sentence finale. Incroyable mésestime.

 

Nous sommes là. Puis nous n’y sommes plus. L’espace et la durée entre les deux peuvent bien entendu être diversement éprouvés. C’est là que se trouvent les difficultés. Pas dans le basculement lui-même.

 

D’ailleurs, étrangement, nous ne sommes pas angoissés de ce que nous étions avant notre naissance. Quel était mon visage avant la rencontre de mes parents ?

Absurde ? En quoi serait-ce plus absurde que cette angoisse du « néant » que nous imaginons après la mort ? Est-ce qu’avant ma naissance j’étais mort ? Où étais-je ? Nulle part ? Il n’y avait rien de moi ? Des éléments séparés dans les corps de mes parents ? Rien d’autre ? Vraiment ? Qui en est certain ? Les mêmes qui disent qu’après la mort il n’y a rien ? Ou un Paradis ? Ou une réincarnation ? Ou  un enfer ? Des chromosomes, uniquement ça ? Et d’où vient l’énergie qui les anime ?

 

Rien, il n’y a rien d’autre que le néant de notre « inconnaissance. »

Et à chaque réponse, à chaque avancée, s’agrandit proportionnellement la distance à parcourir.

De quoi devrions-nous nous plaindre ? Il reste tellement de chemin à faire. Rien n’est plus déstabilisant, voire déprimant, qu’un voyage achevé. Celui-là, nous n’en connaissons pas la fin. Nous savons uniquement qu’à un moment il se passe quelque chose de totalement nouveau. 

 

Quelque soit la direction que prend notre imagination, ça n’est toujours qu’une excroissance de notre mental et de tous les a priori, les conditionnements, les cultures, les histoires, les religions, les éducations que nous transportons.

Il n’y a rien de réel. Ni, pour avant ma naissance, ni, pour après ma mort.

 

Et là, maintenant, qu’y a-t-il de réel ? Tiens, c’est vrai que la question peut paraître absurde elle aussi.

Moi. Je suis réel. C’est indéniable. D’ailleurs si je mourais je ne serais plus là, c’est donc que je suis réel. Ah, mais non, ça ne tient pas ça étant donné que je ne sais pas ce que je serai après la mort. Je ne peux donc pas me convaincre d’être réel en usant de l’image que j’ai de la mort.

Imaginons qu’après la mort je sois dans un état de conscience beaucoup plus profond que celui de mon « vivant ». J’aurais l’air malin d’avoir affirmé que j’étais réel en étant vivant…Ça n’est peut-être ici qu’une antichambre de la conscience, une certaine forme d’hallucination collective dont la mort est la sortie. C’est ensuite que s’ouvrirait le monde réel.

Oui, mais tout ça n’est encore une fois qu’un amalgame d’hypothèses, un jeu intellectuel, une rhétorique.

 

Puisque je ne connais pas la réalité de la mort, je ne peux pas en user pour me convaincre que je suis vivant. Ni encore moins réel.

Je ne peux pas me faire une idée du blanc sans avoir éprouvé le noir de la nuit mais que pourrais-je bien saisir du noir de la nuit sans avoir au préalable pu goûter à la clarté du jour. Rien n'existe hors du tout. 

 

Cet espace et ce temps de vie ne pourraient-ils donc n’être qu’une "irréalité partagée" et la mort l’apparition de la réalité dans un espace d’éternité ?

 

Et voilà, c’est reparti… Des questions, des questions…  

 

Mais puisque je m’interroge, il faut bien qu’il y ait en moi une réalité capable d’éprouver cette éventuelle irréalité. Est-il possible que je sois suffisamment manipulateur envers moi-même pour aller me prouver que j’existe réellement en m’interrogeant sur ma propre réalité ?

Conscience auto réfléchie. Ah, oui, la fameuse théorie de Descartes.

"Je pense donc je suis."

Je panse et je m’essuie.

Au fil de mes souffrances, de mes blessures, de mes traumatismes. Le sang coule et les idées sombrent. Tout ça est bien réel. Je ne peux pas en douter.

Ah, mais si justement, Descartes a dit que je dois douter de tout. C’est la preuve que je pense et donc que je suis. Mais si j’en viens à douter que je pense…Que se passe-t-il ? Cela signifie-t-il que je ne suis pas puisque je ne sais qui pense pas malgré que je doute ? Mais qu’en est-il du doute ? Il s’agit bien d’une pensée pourtant. Tout ça est bien réel.

Sauf que je ne sais toujours pas si cette vie est bien réelle étant donné que je ne peux pas la comparer à sa finitude à travers l’idée de la mort. Tout ça n’est donc pas plus réel que la mort. Il n’y a rien de réel, sinon les certitudes que je me fabrique. Certitudes sur la mort et par balancier certitudes sur la vie.

Juste le jeu infini des pensées pour me prouver que j’existe.

Trop fort le gars !

De quoi éclater de rire.

Quelle mascarade !

Tiens, c’est peut-être ça la réalité.

L’éclat de rire.

J'ai une certitude malgré tout. C'est que je peux jouir, là, maintenant de ce miracle de pouvoir écrire sur ce jeu des pensées, jouir du spectacle merveilleux du monde, jouir de mon existence, ressentir et jouir intégralement, sans aucune distorsion, sans aucune retenue, sans aucune pudeur, rire encore ou pleurer de bonheur, courir, marcher, nager, être dans l'amour avec mon aimée, sentir les parfums des fleurs, siffler avec un oiseau, frissonner dans le vent glacial de l'hiver, me réchauffer dans les coulées lumineuses du soleil, jouir de l'absence provisoire des pensées quand je contemple le ciel.

C'est peut-être une illusion, un rêve, une hallucination mais ce qui ne l'est pas, c'est que je peux en jouir. Le bonheur, je peux le saisir. Qu'il soit hallucinatoire ou pas, peu m'importe au final.

Dans cet instant-là, le bonheur de vivre me donne vie.

Instant après instant. Le reste n'a pas d'existence. 

 

Comme dans ce ciel, il n'y a de noirceurs envahissantes que si je choisis d'ignorer la lumière et il n'y a de lumière qu'à travers l'existence des noirceurs.

Tout est là. 

 

L’image contient peut-être : ciel, nuage, plein air et nature

 

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