La France poursuivie en justice
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/01/2020
- 0 commentaire
25 juillet 2019 On en est où maintenant ?...
La France poursuivie en justice par la Commission Européenne pour sa chasse aux oiseaux protégés
« C’est à croire que nos gouvernants vivent sur une autre planète, celle de certains lobbies agricoles et de la chasse. Pour la consultation sur le piégeage des oiseaux, Emmanuel Macron a reçu trois fois le CNCFS, mais il a refusé de recevoir le collectif de 14 associations de protection de la nature qui comptent pourtant 2 millions d’adhérents ! » explique Yves Verilhac, Directeur Général de la LPO, pour La Relève et La Peste
25 juillet 2019 - Laurie Debove
Envie d’une vraie déconnexion ? Évadez-vous avec notre nouvelle bande dessinée !
- Thème : effondrement de la société, abordé de manière douce et positive
- Format : 130 pages
- Impression : France
Grâce au dossier déposé par la LPO, la Commission européenne demande des comptes à l’Etat français avant de l’attaquer en justice pour non-respect de la Directive européenne « Oiseaux ». En cause : sous prétexte de tradition, la France continue d’autoriser la chasse aux oiseaux migrateurs et d’autres espèces protégées, malgré l’effondrement de la biodiversité.
La France en justice pour la chasse illégale d’oiseaux protégés
La Directive européenne « Oiseaux » est un texte fondamental voté en 1979 pour la protection de l’avifaune et commun à tous les Etats membres de l’UE. Chacun d’eux est libre de choisir la façon dont il remplit ses objectifs, mais légalement tenu de les atteindre.
Depuis des années, la LPO dénonce publiquement et au tribunal la chasse illégale des oiseaux migrateurs et d’espèces en mauvais état de conservation et les piégeages traditionnels cruels, qui frappent à l’aveugle n’importe quel animal, perpétrés par la France.
« Cela fait des années que nous déposions des recours ponctuels auprès de la Commission Européenne sur les tourterelles, le piégeage à la glue, ou le massacre des oies sauvages, et à chaque fois ce n’était pas suffisant. Cette fois-ci, on a réuni assez de preuves pour monter un dossier global qu’on a remis en main propre à Daniel Calleja Crespo, le Directeur de la Commission Européenne, le jour des 40 ans de la Directive, soit le 4 avril 2019 ! On ne s’attendait pas à une décision aussi rapide, cela prouve la gravité des faits. Si l’affaire part à la Cour de Justice Européenne, l’Etat français risque une amende qui peut atteindre des dizaines de millions de d’euros. » témoigne, pour La Relève et La Peste, Yves Verilhac, Directeur Général de la LPO
Dans le viseur de la Commission Européenne et des protecteurs du vivant : des pratiques de chasse non sélectives, comme la chasse à la glu et au filet, la tolérance et l’autorisation généralisées de la chasse à l’oie cendrée (Anser anser) après que celle-ci a commencé sa migration vers ses sites de reproduction, et la mise en danger de la tourterelle des bois.
Cette espèce est considérée comme « vulnérable » à la fois sur la liste rouge mondiale des oiseaux et sur la liste rouge européenne des oiseaux. Parmi tous les pays de l’UE, la France accueille 10 % de la population reproductrice de la tourterelle des bois. Entre 1996 et 2016, sa population a décliné de 44 % dans l’Hexagone.
Un Etat récidiviste sous influence
Après avoir perdu 12 fois devant le Conseil d’Etat, l’Etat français a voulu justifier la chasse aux oiseaux grâce à un amendement dans la loi créant l’Office français de la biodiversité.
Ainsi, sur les 64 espèces d’oiseaux chassables en France, une vingtaine sont en déclin. De plus, la France s’apprête à autoriser la destruction de 30 000 tourterelles des bois (espèce menacée au niveau mondial) et 6 000 Courlis cendrés (menacés au niveau européen), tout en renouvelant les autorisations pour piéger des milliers d’oiseaux avec de la glu, des matoles et des filets, les écraser avec des pierres plates ou les étrangler avec des collets.
Pour les associations de protection de l’environnement, la décision de la Commission Européenne est un soulagement.
« Cela nous rassure parce qu’à force d’entendre le gouvernement dire qu’ils sont les champions de l’environnement, on finirait par les croire si on n’était pas sur le terrain. La situation est devenue tellement catastrophique que nos succès aujourd’hui, c’est quand on arrive à empêcher une régression ! On est vraiment dans une posture défensive face à une offensive permanente de l’Etat. On n’arrive plus à classer de nouvelles zones en aire protégées, parce que l’enjeu autour de la biodiversité n’a clairement pas été identifié par le gouvernement. Quand on entend la secrétaire d’Etat à l’Ecologie se vanter que grâce à elle on va tuer « seulement » 30 000 tourterelles, alors qu’elles sont menacées au niveau mondial, on marche sur la tête ! Comment peut-on autoriser à chasser des espèces qui vont disparaître ? » explique Yves Verilhac, Directeur Général de la LPO, pour La Relève et La Peste
Pourtant, l’importance vitale de maintenir le plus grand nombre d’être vivants possible a été bien comprise par une large partie de la société. Le dernier rapport de l’IPBES nous a averti : en continuant à anéantir à une vitesse jamais égalée les autres espèces du vivant, l’humain fera lui aussi partie de la sixième extinction de masse. ( le lien avec les pandémies, peut-être...)
Ainsi, des citoyen-ne-s français-e-s s’étaient massivement mobilisés récemment contre le massacre de milliers d’animaux sauvages.
Malgré 65 % d’avis négatifs émis sur la consultation, le gouvernement français avait quand même décidé d’autoriser le carnage. Il s’était justifié en préférant suivre l’avis « d’instances qualifiées comme le CNCFS (Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage) ».
« C’est à croire que nos gouvernants vivent sur une autre planète, celle de certains lobbies agricoles et de la chasse. Pour la consultation sur le piégeage des oiseaux, Emmanuel Macron a reçu trois fois le CNCFS, mais il a refusé de recevoir le collectif de 14 associations de protection de la nature qui comptent pourtant 2 millions d’adhérents ! » explique Yves Verilhac, Directeur Général de la LPO, pour La Relève et La Peste
Malgré cette débâcle démocratique, la LPO est convaincue qu’il reste important pour les citoyens de participer à ces consultations publiques lorsqu’elles ont lieu, comme les onze arrêtés en cours sur le piégeage de centaines de milliers d’oiseaux.
Lorsque l’Etat prend une décision qui va à l’encontre de l’intérêt général et de l’avis majoritaire des citoyens, le rôle des lobbies est mis en lumière avec ces consultations.
« Imaginez que seuls les chasseurs répondent : l’Etat aurait beau jeu de signer ses arrêtés sans changement. La LPO a d’ailleurs saisi la Commission Nationale du Débat Public pour examiner la sincérité des consultations et va très prochainement rendre un rapport sur le sujet. Nul doute qu’il sera intéressant à lire… » prévient Yves Verilhac, Directeur Général de la LPO, pour La Relève et La Peste
Avec quatorze affaires contre neuf pays différents, l’UE semble enfin placer la protection de la nature en tête de ses priorités. L’Espagne est aussi poursuivie pour la Tourterelle des bois, l’Allemagne et la Slovénie pour destruction à grande échelle de prairies protégées, tandis que le Portugal, la Pologne et la Roumanie sont visés pour ne pas avoir désigné suffisamment de sites Natura 2000 pour la préservation de la biodiversité. Avec l’ouverture de ce contentieux, la France a maintenant deux mois pour répondre à la Commission Européenne. Sinon, elle sera traduite devant la Cour de Justice Européenne.
Ajouter un commentaire